« Faire du Blé » est devenu réalité - Premium

C'est l'aboutissement de cinq années d'un travail amorcé en 2019, lorsqu'un groupe d'agriculteurs emmené par l'Association landaise pour la promotion d'une agriculture durable (Alpad) a décidé de diversifier sa production en intégrant des céréales d'hiver comme le blé et le seigle. Du champ à l'assiette, s'est alors posée la question de la valorisation de ces céréales d'hiver. L'expérience de la Cuma Adour Protéoil et de l'huilerie Oléandes, située juste à côté de la nouvelle minoterie, a poussé le petit groupe à imaginer toute une filière de farine produite localement, artisanalement et avec une traçabilité maximale. Restait à mettre des noms sur ce qui n'était alors qu'une utopie : ce sera Haria Blanca (farine blanche en gascon) pour la coopérative et « Faire du Blé » pour la marque. Car l'objectif final est bien d'aller chercher de la valeur ajoutée pour assurer des revenus supplémentaires aux producteurs. « Nous voulions une marque qui nous ressemble et qui fait passer un message, appuyait Nicolas Duluc, président de la Coopérative, lors de son discours inaugural. Nous sommes agriculteurs, nous cultivons du blé et comme tout un chacun, nous voulons une juste rémunération pour notre travail. »Entraide et travail collectifPour en arriver là, il a fallu construire patiemment toute une filière : côté champ, l'approvisionnement en semences, la mise en culture et le suivi, l'acquisition de matériel, la récolte et le transport, tout s'est fait sous l'égide de l'Alpad et de la Fédération des Cumas des Landes et des Pyrénées-Atlantiques, présidée par Fabrice Casteraa, qui a dit sa « fierté de voir aboutir des projets collectifs de ce type ». Côté transformation, un hangar loué sur la zone de Laouranne à Mugron, à proximité du site d'Oléandes, s'est vu doté de cellules de stockage en bois réalisées sur-mesure dans les Landes, d'un moulin à meule de pierre, d'un tamis, d'un trieur, d'une ligne d'ensachage et de tout le matériel nécessaire à la transformation des grains en farine… Cela paraît simple mais c'est tout le contraire : « Nous avons fait des études de marché, sollicité des spécialistes de la meunerie, les banques, les pouvoirs publics, sélectionné parmi une centaine de variétés le blé rustique adapté à nos terres, subi le Covid, la flambée des prix des matériaux, les délais d’attente des artisans pour voir les travaux d’installation aboutir, sans compter les six mois de rodage de l'outil pour des paysans qui ne pouvaient s’improviser meuniers en un claquement de doigts », résumait Eric Labaste, l'un des membres du collectif.Défi économique et appel aux consommateursSurtout, il a fallu investir 400.000 euros (dont 123.000 euros d’aides de la Région, du Département des Landes et de l’Europe) et compter sur de longues journées d'entraide et de travail collectif, comme le monde paysan sait encore le faire. Un financement participatif a également permis de lever 25.000 euros auprès de 300 sympathisants pour achever la construction de la minoterie. Cinq ans plus tard, la Coopérative présidée par Nicolas Duluc compte 19 membres et a structuré son outil de production. Les premiers sachets de farine, de 25 kg pour les professionnels et de 1 kg pour les particuliers, sont sortis de la minoterie de Mugron début septembre. Mais tout reste à faire, comme l'a rappelé Camille Dubourg, trésorière de la coopérative : « Nous sommes arrivés à la première étape du projet qui est de produire de la farine mais rien n'est gagné, nous avons accumulé du retard malgré l'envie d'avancer et l'implication du groupe et nous devons faire face à un défi économique qu'il nous faut relever rapidement. » Le meunier a été trouvé du côté de Marquèze, en la personne de Yann Bette, boulanger de son état. C'est lui qui est chargé de transformer les grains en farine de haute qualité, riche en nutriments et saveurs. L'objectif de cette première année est fixé à 200 tonnes de farine, quand le seuil de rentabilité de l'outil se situe autour des 250 tonnes. Reste à commercialiser cette farine locale, auprès des professionnels et des particuliers. Pour cela, le collectif compte d'abord sur la qualité de ses produits : le moulin à meule de pierre permet de conserver le germe et toutes ses vitamines, et les variétés de blé et de seigle choisies offrent de nouvelles saveurs aux boulangers. Dix-neuf points de vente (magasins de producteurs, vente à la ferme, marchés, épiceries, Amaps) sont déjà opérationnels. Le collectif mise aussi sur l'engagement des consommateurs, particuliers, boulangers et collectivités. Comme l'ont rappelé les nombreux élus présents, c'est désormais à eux de faire de cette utopie une réalité.

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