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TotalEnergies : « nous avons 600MW en développement dans la région »

Stratégie
mercredi 12 juin 2024

Ingénieur entré il y a vingt ans chez TotalEnergies, Jean-Paul Riquet en est depuis 2021 le directeur régional Nouvelle-Aquitaine - crédit AL

Très présent en Nouvelle-Aquitaine, avec plus de 5.000 collaborateurs à l’échelle de la région entre énergies, batterie et R&D, TotalEnergies revendique une approche « territoriale » de la transition énergétique. Entretien avec son directeur régional, Jean-Paul Riquet.

Que représentent les activités de TotalEnergies en Nouvelle-Aquitaine ?
TotalEnergies réunit 35.000 collaborateurs en France, dont environ 5.200 en Nouvelle-Aquitaine. Une moitié de ces effectifs se situent dans les Pyrénées-Atlantiques avec le centre scientifique et technique Jean Féger de Pau et nos activités à Lacq. L’autre moitié se répartit entre les sujets liés à la transition énergétique, avec plus de 1.000 personnes autour des batteries, avec Saft à Bordeaux mais aussi les usines de Nersac et de Poitiers. Nos autres équipes, réparties sur le territoire, sont impliquées dans le développement des énergies renouvelables, domaine dans lequel nous couvrons toute la chaîne, de la conception à la maintenance, avec 34 centrales solaires et deux centrales éoliennes en Nouvelle-Aquitaine.

Nous avons également un pôle important autour du développement du biogaz. Le siège de TotalEnergies Biogaz France est d’ailleurs à Roquefort, et nous avons trois unités de production de biométhane installées dans la région, qui représentent quasiment 300 GWh sur les 700 GWh produits à l’année par le groupe en France. Il y a enfin toutes nos activités liées à la distribution, avec 415 stations-services en Nouvelle-Aquitaine.

Sur le métier historique de la distribution de carburant, concurrencée par la mobilité électrique, comment voyez-vous évoluer le modèle traditionnel de la station-service ?
Notre idée, c’est d’accompagner les consommateurs, en rappelant quand même que d’après l'Union française des industries pétrolières (UFIP Energies et mobilités), les énergies liquides représentent encore 98% de la demande, avec 91% de produits pétroliers contre 7% de biocarburants. Mais l’idée est bien d’accompagner la tendance vers l’électrique, accentuée en Europe par la loi qui devrait interdire la vente de véhicules thermiques à horizon 2035. Nous avons déjà 18 stations équipées de bornes de recharge rapide en Nouvelle-Aquitaine, ainsi qu’une centaine de points de charge.

Il faut toutefois garder en tête que la voiture électrique se rapproche, dans les usages, du smartphone, avec une recharge réalisée à 80% à la maison ou au travail. Il reste donc 20% des recharges qui vont se faire soit sur les longs trajets, soit sur des périmètres beaucoup plus concentrés, par exemple pour des flottes dédiées au dernier kilomètre ou des taxis.

« 90% des Français à moins de 15 km d’une station TotalEnergies »

Sur le premier volet, nous avons 200 stations autoroutières équipées de bornes électriques, en sachant que nous pouvons installer des bornes sur des stations qui ne sont pas à nos couleurs, ce qui nous permet d’avoir 40% de parts de marché, et l’objectif est d’en avoir 500 à horizon 2026. Dans les zones denses, nous aurons un jour des hubs urbains 100% électriques, nous y réfléchissons déjà, et nous venons de signer un accord avec Metpark qui va nous permettre d’installer, d’opérer et de maintenir 1500 points de recharge dans les parkings de la métropole bordelaise.

Pour en revenir aux stations, et en sachant qu’une recharge rapide à 80% implique au moins 20 minutes, il faudra trouver des concepts pour renouveler la promesse historique de TotalEnergies, qui est de voir la station comme un lieu de vie. Au-delà du retour du pompiste dans certaines de nos stations, cette logique de proximité s’incarne aussi dans la réouverture de stations en milieu rural, avec l’objectif que 90% des Français soient à moins de 15 km d’une station TotalEnergies.

Sur le sujet, lire aussi : Comment Picoty prépare l’avenir de la distribution de carburants

Les acteurs du transport ne savent pas toujours sur quel pied danser vis-à-vis des promesses des biocarburants, de l’électricité, voire de l’hydrogène. Comment les aider à arbitrer leurs investissements ?
Nous sommes effectivement à une forme de croisée des chemins. Le premier sujet, c’est d’aller vers les biocarburants, comme le HVO, qui est fabriqué à partir d’huiles de cuisson usagées, et dont TotalEnergies est à la fois distributeur et producteur. C’est une première réponse, qui adresse aussi les flottes de bennes à ordure ou de bus par exemple. Sur l’hydrogène, les distributeurs se posent aussi la question, puisque pour avoir une station à hydrogène, il faut des clients. Nous nous positionnons sur le transport long, avec l’objectif d’avoir 150 stations à hydrogène en Europe, en ciblant notamment le corridor qui permet de traverser la France depuis l’Espagne. Dans la région, la station de Mios sera équipée dans un avenir proche. Enfin, on voit que les technologies batterie évoluent vite sur poids lourd, donc l’électricité revient dans la course.

Il n y a donc pas de rupture, mais des transitions. D’abord du fossile, puis du biocarburant, puis du décarboné. C’est tout le sens de la transformation dans laquelle nous investissons massivement. Le pétrole représente aujourd’hui 48% de notre mix de ventes, contre 10% pour les biocarburants et l’électricité. L’objectif à 2050 est d’atteindre 75% d’énergie bas carbone, dont 50% d’électricité, et 25% de biogaz ou de biofioul, en intégrant les carburants durables destinés à l’aviation. Les 25% restants, essentiellement liés au gaz, devront être compensés, avec des solutions naturelles ou du stockage. Nous investissons déjà 5 milliards d’euros par an au niveau mondial dans les énergies bas carbone, et 65% de notre budget R&D leur sont consacrées.

Comment concilier transition et rentabilité ?
D’un point de vue économique, nous sommes la major la plus engagée dans la transition par ses investissements, et nous sommes d’ailleurs le premier développeur solaire dans le monde d’après la dernière étude Mercom. Nous sommes dans le même temps la plus rentable, avec un ROCE (Return on capital employed, rentabilité des capitaux investis, ndr) de 19%.

Un objectif de rentabilité à 12% sur les ENR

Concilier transition et rentabilité, c’est bien notre objectif. L’une de nos forces pour y parvenir réside dans notre capacité à intégrer l’ensemble des activités. C’est dans notre ADN. Nous l’avons fait, historiquement, sur les produits pétroliers, en allant de l’exploration à la distribution en passant par la production, le raffinage ou la chimie. Nous raisonnons de la même façon dans le domaine des énergies renouvelables. Nous ne serions pas sûrs d’être très rentables uniquement sur la production, la flexibilité ou le stockage de l’électricité, mais en intégrant toute la chaine de valeur et en optimisant l’ensemble, nous sommes capables d’atteindre des ratios honorables, avec un objectif aux alentours de 12%.

La Nouvelle-Aquitaine est une terre propice aux énergies renouvelables. La concurrence y est vive entre développeurs d’ENR, et les grands projets de type Horizeo semblent de plus en plus difficiles à monter. Quelle est votre stratégie dans la région ?
Avant tout, je tiens à rappeler que nous ne sommes pas simplement un développeur qui ensuite vendrait son projet. Nous concevons, développons, construisons, opérons et maintenons nos installations. Quand nous installons un projet, nous sommes là pour au moins 30 ans. Nos 36 centrales, majoritairement photovoltaïques en Nouvelle-Aquitaine représentent 217 MW sur nos 2 GW de capacité de production en France. Nous avons en parallèle plus de 600 MW en développement à l’échelle de la région, dont 300 MW sont a minima au stade de l’instruction.

En sachant que nous ne sommes pas du tout sur des objets de type Horizeo, nous visons plutôt des projets de l’ordre de 5, 10 ou 20 MW, en privilégiant une forme de proximité, notamment pour avancer sur les projets d’agrivoltaïsme. En parallèle de notre agence de Canéjan, qui vient de fêter ses cinq ans, nous avons d’ailleurs ouvert une antenne à Limoges et une autre dans les Pyrénées-Atlantiques. Cette proximité est indispensable, en raison de la concurrence, qui nécessite de se faire connaître, mais pas seulement. Il s’agit aussi de créer du lien avec les territoires, notamment pour s’inscrire dans leur logique d’accélération des ENR. Elle est également utile pour travailler l’acceptabilité des projets. Nous tenons donc vraiment à aller au contact.

TotalEnergies a renforcé ses directions régionales et récemment renouvelé son contrat avec le cabinet Stan spécialisé dans l’ancrage territorial. Est-ce plus difficile de pénétrer les territoires quand on s’appelle Total ?
Dans l’ensemble, je dirais que nous recevons plutôt un bon accueil ! Notre stratégie de transition n’est pas toujours comprise ou acceptée, mais quand on l’explique, et quand on montre les projets menés par le groupe, les gens sont curieux et agréablement surpris. Puisque la transition passe par les territoires, il faut un dialogue constant, qui commence par de l’écoute. C’est mon rôle en tant que directeur régional que de participer à la création des espaces nécessaires. Si ça peut faciliter le business, tant mieux, mais je ne suis pas un key account manager, moi je suis là pour discuter avec l’ensemble des parties prenantes, que ce soit la sphère académique ou économique, les élus, les ONG ou les usagers.

Pierre Hurmic, maire de Bordeaux, a lancé au printemps un grand appel à « solariser » la ville, est-ce une démarche à laquelle vous souhaitez vous associer ?
Nous serons ravis d’accompagner la ville de Bordeaux dans ses projets, dès lors qu’ils répondent à nos critères, la difficulté étant que tous les projets urbains ne s’équilibrent pas d’un point de vue financier. Nous sommes par ailleurs arrivés en tête de la dernière session d’appel d’offres lancée par la CRE (Commission de régulation de l’énergie, ndr) pour les installations solaires en toiture, c’est encore un peu tôt pour être précis, mais j’imagine que ça donnera lieu à des projets dans la région.

Comment vous positionnez vous sur l’accompagnement des entreprises en matière de transition énergétique ?
Sur la production d’ENR, les équipes de TotalEnergies Renouvelables sont bien sûr en mesure de répondre à la demande des entreprises. Nous disposons également d’une filiale spécialisée dans le conseil et l’ingénierie, technique ou financière, Greenflex, qui dispose de bureaux à Bordeaux. Au-delà de ces deux aspects, nous pouvons mobiliser nos différentes entités ad hoc pour proposer des solutions en matière de fourniture d’électricité, de gaz ou de biométhane, d’installation de bornes électriques, de stockage batteries, de biocarburant, etc. C’est notre rôle de multi-énergéticien que de faire des propositions commerciales à nos clients B2B et les accompagner dans leur transition énergétique.

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