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Économie régénérative (1/2) : comment passer de l’utopie à la réalité

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lundi 14 octobre 2024

À l’occasion de notre magazine hors-série annuel, nous sommes allés explorer la notion d’économie régénérative. En comprenant d’abord ce dont il s’agit et ce que ça implique, puis en donnant la parole à ceux qui la font en partie vivre. Un dossier en deux parties, à découvrir dans votre média.

Si l'environnement et la préservation de nos ressources sont le fondement de l'économie régénérative, elle englobe également les aspects sociaux et humains de nos sociétés. Photo d'illustration : Adobe Stock

Ces dernières années, l’économie régénérative attire de plus en plus. De quoi parle-t-on ? Comment transformer son modèle pour tendre vers la régénération, et quelles entreprises ont déjà sauté le pas ? Éléments de réponse dans la première partie de notre dossier.

Le concept d’économie régénérative trouve ses racines à la fin du 20e siècle. Pourtant, c’est depuis le tournant des années 2020 qu’il semble se fortifier. Et aujourd’hui, cette notion qui « ouvre les perspectives d’une meilleure prise en compte des limites planétaires » selon Bpifrance, a presque autant de définitions que de théoriciens. « On en a plusieurs, à la CEC, mais celle qui revient le plus souvent, c’est “créer une économie qui a un impact positif sur les écosystèmes et sur la société” », présente à Placéco Marie-Gabrielle Favé, « lead intelligence collective » du premier programme néo-aquitain de la CEC. « Pour moi, c’est une notion qui favorise la restauration des écosystèmes. Il ne s’agit plus seulement de réduire les impacts négatifs, c’est un vrai changement d’approche », complète de son côté Thomas Binet, fondateur et dirigeant de Vertigo Lab, bureau d’études et de recherche en environnement implanté au sein de Darwin, à Bordeaux.

Prendre en compte l’environnement sans oublier l’humain

En fait, il s’agit avant tout de prendre en compte les limites planétaires. Un concept défini en 2009 par le Stockholm Resilience Centre (SRC), structure de recherche transdisciplinaire et internationale. Les chercheurs du SRC ont identifié et quantifié des seuils, au-delà desquels les équilibres naturels terrestres seraient déstabilisés, rendant les conditions de vie défavorables pour nous, humains. Ces limites sont au nombre de neuf : le changement climatique, l’érosion de la biodiversité, la perturbation des cycles de l’azote et du phosphore, le changement d’usage des sols, le cycle de l’eau douce, l’introduction d’entités nouvelles dans la biosphère, l’acidification des océans, l’appauvrissement de la couche d’ozone, et l’augmentation de la présence d’aérosols dans l’atmosphère. « En septembre 2023, sur ces neuf limites, six étaient déjà atteintes », certifie le Commissariat général au développement durable (CGDD).

Si l’environnement et l’urgence à préserver nos ressources sont le fondement de l’économie régénérative, cette dernière englobe également, et de plus en plus, les aspects sociaux et humains de nos sociétés. « À la CEC, notre référentiel de base est le donut de Kate Raworth, explique Marie-Gabrielle Favé. C’est une chercheuse, économiste, qui a pensé un modèle, en forme de donut, montrant que l’humain devrait vivre dans une zone grise entre ce qui est acceptable pour respecter les limites planétaires [ndlr, les limites extérieures baptisées “le plafond”] et 11 critères sociaux minimum. » Baptisées « le plancher », ces limites intérieures représentées sur le schéma du donut (voir ci-dessous) concernent les droits humains et les besoins essentiels de chaque personne pour assurer son épanouissement : l’eau, la nourriture, la santé, l’égalité des sexes, l’équité sociale, l’énergie, les emplois, les voix, la résilience, l’éducation et les revenus.


Rendre l'aspect sociétal plus régénératif

Guillaume Michel, fondateur de la coopérative bordelaise Du vert dans les rouages, qui est spécialisée dans la transformation écologique des entreprises, est quant à lui plus mesuré sur ces notions de régénératif. « On peut au moins s’interroger sur le besoin d’avoir de nouveaux concepts, explique-t-il. Depuis une dizaine d’années, on voit un peu une surenchère de ces concepts, qui cherchent en fait à répondre à l’insuffisance du développement durable appliqué à l’entreprise. Je me questionne, y a-t-il vraiment des innovations, derrière, qui justifient de développer l’économie régénérative ? Ou ne risque-t-on pas de créer de la confusion ? » Selon lui, sur le volet environnemental, de nombreux concepts existent déjà pour transformer les modèles d’affaires, comme celui de l’économie circulaire. « Au sens intégratif de l’Ademe, cette circularité nous permet de penser d’autres sous-concepts, précise-t-il, comme l’économie de la fonctionnalité, l’écoconception, le recyclage évidemment, mais aussi le réemploi ou les achats responsables, entre autres. Tout ça, selon moi, permet de questionner de manière assez exhaustive les modèles économiques. » Et de questionner l’appropriation de l’économie régénérative par des porteurs de projets ou de petites entreprises, qui peuvent rencontrer des difficultés à mettre en place ces changements. « C’est cette grille de lecture-là qui m’intéresse : est-ce que ces concepts nous seront utiles dans nos activités au quotidien, ou nous mettront-ils des bâtons dans les roues ? »

Sur le volet sociétal « voire territorial », en revanche, Guillaume Michel entrevoit « un champ d’investigation qui semble être très intéressant » : le concept d’économie circulaire y est difficilement transposable en intégrant la notion, elle aussi récente, de RTE (la responsabilité territoriale des entreprises). Si 50% du PIB mondial dépend de la biodiversité, selon un rapport du forum de Davos datant de 2020, l’autre moitié est générée par des activités qui ne sont pas connectées au vivant non humain. Comment, alors, être régénératif ? « On commence à se poser la question. Comment l’entreprise peut-elle être contributrice d’une forme de régénération du lien social, de communs au sens large, de ressources immatérielles ? », interroge encore Guillaume Michel. Pour qui l’une des réponses serait l’économie de la coopération. Ou comment une entreprise apprend à coopérer avec d’autres sociétés de son territoire, en sortant d’une logique de concurrence dès qu’il s’agit d’enjeux de transition, et en travaillant aussi avec la société civile et les collectivités territoriales.

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