Taxes Trump : « Les dirigeants de Nouvelle-Aquitaine trouveront les opportunités de la situation » - Premium

Laurent Bozzoni est président du comité Nouvelle-Aquitaine des Conseillers du Commerce Extérieur de la France et DG de Socatra, dernier amateur pétrolier français, basé à Bordeaux. Frédéric Cauchois, homme d'affaires bordelais, accompagne les TPE et PME (Tchin Chintz) à l'export. Il est animateur du réseau des conseillers Conseillers du Commerce Extérieur de la France en Nouvelle-Aquitaine. Ils réagissent sur les taux américains des taxes décidées par Trump. Quel est votre sentiment au lendemain de l'annonce par Donald Trump du taux de 20% des taxes sur les produits européens ? Laurent Bozzoni : C'est une mauvaise nouvelle mais ce n'est pas une surprise. Ce que l'on ignore, c'est si ces taux seront amenés à durer ou si cette annonce est le fruit d'une posture dans le cadre de discussions bilatérales. Est-ce que l'état d'esprit n'est pas « On tape d'abord et on négocie après » ? Quoiqu'il en soit, c'est une mauvaise nouvelle pour l'économie mondiale car le protectionnisme engendre une moindre fluidité dans les échanges. C'est aussi une mauvaise nouvelle pour l'économie américaine car ses importations sont importantes, notamment en composants essentiels pour la technologie, importés notamment d'Europe. Il y a donc un risque de mettre en jeu les chaînes de fabrications américaines. De plus, de nombreuses productions n'ont pas d'équivalents américains. Le cognac par exemple ! Pour acheter ces produits, les Américains devront payer plus cher.Laurent Bozzoni, président du comité Nouvelle-Aquitaine des Conseillers du Commerce Extérieur de la France et DG de Socatra. Crédit : Thibaud Teillard Frédéric Cauchois : Ces taxes ne sont pas du tout une surprise. Pour moi, c'est un non-événement. Les acteurs économiques s'y attendaient et y travaillent depuis un moment. Certes, le phénomène est très commenté par des gens qui ne sont pas préparés. Un chef d'entreprise répartit son risque sur différents marchés, pour ne pas être dépendant d'un seul. Gardons aussi en tête que la TVA en France est de 20%... La hausse des taxes américaines aura un impact important mais les chefs d'entreprise l'ont anticipée.Le poids et l'organisation des exportations néo-aquitaines en 2019. Sources : CCI.Comment l'ont-ils anticipée et depuis combien de temps ?F.C. : Depuis 3-4 ans. On se disait bien que Trump allait repasser donc les dirigeants sont allés chercher des marchés au Canada, Mexique, Amérique du Sud. Ils ont travaillé encore plus l'Asie et sont revenus sur le marché français et européen, à fort pouvoir d'achat. Certains ont travaillé à se regrouper à plusieurs pour faire baisser les prix, notamment sur la logistique en prévoyance de l'augmentation des coûts. Notamment l'aéronautique, la sidérurgie, la transformation de matière, le papier-carton, les vins et spiritueux. Certaines alliances se sont même faites entre concurrents. Une autre stratégie consiste à implanter là-bas une filiale afin de devenir une entreprise locale pour éviter les taxes. Certains grands du spiritueux, sans AOP [ndlr : appellation d'origine contrôlée] peuvent embouteiller sur place et conserver le marché.L.B. : Quand cela a été possible, les entreprises se sont diversifiées et ont anticipé. Certains ont livré au maximum leurs marchandises avant que les nouveaux taux ne soient décidés. C'était malin…À lire également - Taxes Trump : les vins bordelais doivent « démontrer leur capacité de résilience »Quelle est la dépendance des entreprises de Nouvelle-Aquitaine vis-à-vis des États-Unis ? F. C. : Cela dépend de l'activité. Les spiritueux, le cognac et les vins ont une forte dépendance car les Etats-Unis représentent 20 à 30% de leur marché. Parfois le volume n'est pas important mais les marges sont fortes. La quête est donc de compenser les marges. L'enjeu, pour durer sur ce marché, consiste à se structurer pour compenser la perte de marges. Par exemple se mettre à plusieurs pour la logistique, négocier, installer des filiales sur place, se rendre à des salon à plusieurs, mutualiser la prospection, parier sur le très haut de gamme car le marché américain accepte le très haut de gamme. J'étais la semaine dernière aux Etats-Unis et j'ai remarqué qu'un des sponsors de la NBA [ndlr : championnat américain de basket] n'est autre que le cognac Hennessy. Pendant le match, dans l'enceinte, dans les rues [ndlr : voir la photo ci-dessous], les Américains voient le nom du cognac, celui-là même qui va subir une forte augmentation de taxes… Mais ils sont prêts à mettre de l'argent pour le haut de gamme l'agroalimentaire, sur le marché américain très sensible aux labels d'origine contrôlée, pour eux c'est encore mieux que le bio, donc ça se valorise beaucoup. Dans les supermarchés, les produits étrangers ne se voient que si les produits sont haut de gamme. Donc il faut une stratégie de marque et un marketing adéquat.À New-York, mars 2025, un camion publicitaire pour le cognac Hennessy, sponsor officiel de la NBA. Crédit : Frédéric Cauchois.Pensez-vous possible d'enclencher une dynamique de rebond favorable ? L.B. : C'est le propre de l'état d'esprit du chef d'entreprise. Dans l'incertitude, on va chercher des ressources ailleurs de toute façon. Par exemple, le transport maritime mondial est touché par les nouvelles taxes sur les navires opérés ou financés par les Chinois. Ces navires seraient taxés à hauteur d'un million de dollars à chaque escale aux Etats-Unis. Or, les navires chinois sont moins chers, ils ont donc permis aux consommateurs américains de bénéficier de prix moins chers. 55% des navires ont été construits en Chine et 80% du carnet de commande est en Chine. Il faut donc être prudent. Cette augmentation des taux de taxe est aussi une mauvaise nouvelle d'abord pour le marché américain. Cela laisse donc un horizon d'espoir.À lire également - Taxes Trump : « Ça ne peut pas être positif pour l’économie de la Nouvelle-Aquitaine »Vous n'êtes pas inquiets ?L.B. : Je suis inquiet car il va y avoir un ralentissement des échanges mondiaux mais je pense qu'il pourra y avoir un effet positif. Évidemment, cela dépend des secteurs mais dès lors qu'il y a une disruption, le rebond se met en place. Les dirigeants de Nouvelle-Aquitaine trouveront les opportunités de la situation.F. C. : Cette situation va obliger les dirigeants dans le confort à se poser des questions sur leurs produits, la stratégie de vente. Pour les moins avisés, ce sera une prise de conscience. La première fois que je suis allé aux Etats-Unis, il y a 30 ans, j'y suis allé la fleur au fusil… j'ai pris un bon râteau ! Puis j'ai structuré l'activité. Il ne faut pas tout miser sur une opportunité. Il n'y a pas que la France ou la Nouvelle-Aquitaine qui soient choquées par cette nouvelle, le monde entier l'est. La problématique va être la même pour le monde entier. Des opportunités qui se feront jour. Il ne faut pas rester abattu. Je crois toujours au marché de la Chine, c'est une bonne opportunité pour les Européens puisque les Chinois feront la guerre aux Etats-unis.

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