Femmes en entreprise (2/5) : « Permettre aux femmes de prendre la place qu’elles méritent »
Alors que la journée internationale des droits des femmes se déroule le 8 mars, Placéco s'intéresse à la place des femmes dans le tissu économique : numérique, industrie, entrepreneuriat... Nous sommes allés à la rencontre de cheffes d'entreprise, d'ingénieures, ou d'associations qui œuvrent pour l'entrepreneuriat au féminin, dans des milieux encore largement masculins. Comment faire bouger les lignes ? Placéco vous propose une série d'articles pour se pencher sur la question.
Marie Nédellec a créé Les Tricoteuses à La Rochelle en novembre 2023. Photo : Sylvie Curty
A La Rochelle, depuis novembre 2023, les femmes qui désirent entreprendre ou qui sont déjà lancées peuvent s’appuyer sur le nouvel organisme de formation Les Tricoteuses. Avec un système de mentoring, cette entreprise à mission entend redonner confiance aux femmes sous-représentées dans l’entrepreunariat.
Elles sont présentes dans le paysage entrepreneurial mais elles sont moins nombreuses que les hommes. Aujourd’hui, les femmes ne sont à l’origine que de 39% des créations d’entreprise selon une étude de l'Insee parue en 2021. Même si elles sont 70% à penser que l'entrepreneuriat est une opportunité, seulement 6% d’entre elles pensent réellement à se lancer. En cause, des freins qui jalonnent leur parcours. « Entreprendre lorsque l’on est une femme, c’est compliqué, affirme haut et fort Marie Nédellec, la créatrice des Tricoteuses, chiffres à l’appui. En 2022, seules 10% des nouvelles startups ont été créées par des femmes. Pire, les équipes féminines n’ont obtenu que 7% des levées de fonds réalisées dans l’année. » Pour tenter de gommer ces écarts et donner confiance aux femmes qui mènent un projet d'entreprise, Marie Nedellec a créé Les Tricoteuses en novembre 2023, une entreprise à mission qui entend former et accompagner ces business women. « Dans mon parcours de cheffe d'entreprise [ndlr, elle en a eu trois], j’ai constaté que de plus en plus de femmes créent leur entreprise mais ne la font pas évoluer », se désole Marie Nedellec, ancienne présidente de l’association Trajectoires au féminin. Selon l’URSAFF, en 2020, les femmes en auto-entreprise déclarent en moyenne un revenu 18,6% plus faible que les hommes tous secteurs confondus.
Des freins persistants
Si en apparence l’entrepreneuriat n’a pas de sexe, dans les faits c’est plus compliqué. « Les femmes ont peur de se lancer car elles se mettent des freins par rapport à la conciliation entre vie professionnelle et vie personnelle. La charge mentale est toujours très présente », pointe la PDG des Tricoteuses. Cette dernière évoque aussi l'autocensure pratiquée par les femmes elles-mêmes. « Elles manquent de confiance en elles, se dévalorisent et ne se sentent pas légitimes de se lancer et de faire valoir leur prestation. » La question du financement (les femmes se voient refuser un prêt bancaire deux fois plus souvent que les hommes selon le Conseil économique social et environnemental) constitue un frein économique majeur pour entreprendre, auquel s’ajoute le syndrome de l’imposteur.
Des formations sur mesure
Qu’elles soient en reconversion, lancées ou en pleine évolution, Les Tricoteuses accompagnent toutes les femmes ayant un projet professionnel. Le siège est installé à La Rochelle et les formations ont lieu dans des cadres agréables, propices à la réflexion et au goût du challenge. « On fait très attention à cela, à se retrouver dans un lieu agréable où les femmes peuvent avoir des endroits pour mener leur réflexion en toute sérénité. » Des modalités pour créer une entreprise à la prise de parole en public, à la confiance en soi, en passant par le marketing et le commercial et apprendre à vivre de son activité, tous les volets de l’entrepreneuriat sont évoqués. Les formations, qui commencent à partir de 380 euros, varient de un à cinq jours avec un accompagnement qui se poursuit en distanciel. « Elles peuvent être prises en charge par les OPCO », ajoute Marie Nédellec. Dans les mois à venir, Les Tricoteuses vont mettre au point un programme de mentoring autour de la reprise d’activité après une longue maladie.
Casser les codes
L'entreprise entend casser les codes des formations académiques où un intervenant vient présenter son déroulé. « J’ai suivi la formation de deux jours intitulée “Création d’entreprise, les premières clés pour monter son entreprise”. J’ai bénéficié d’un tête-à-tête avec Marie qui est arrivée avec un outil informatique très performant afin d’élaborer mon projet tout en faisant un point sur moi. Ce temps rien que pour moi a été essentiel, avec une mentor à fond sur mon projet », témoigne Floriane Colom, venue de Seine-et-Marne pour suivre une formation en présentiel. Ancienne infirmière libérale, elle a décidé de lancer sa SAS dans le soin de la peau. « En tant qu’infirmière j’ai beaucoup d’empathie, je suis incapable de vendre », confie cette jeune tricoteuse. La formation lui a permis d’accéder à un réseau et d'avoir des ressources supplémentaires. « Tout est une question de légitimité. On aide ces femmes à prendre la place qu’elles méritent. C’est pour cela que l’on joue à la fois sur une formation technique et sur la confiance en soi en leur apprenant à bien se connaître. Elles repartent toutes avec un plan d’actions », précise la PDG de l’entreprise. Les Tricoteuses est un projet à grande échelle. Aujourd’hui déployé à La Rochelle, en Bretagne et en région parisienne avec des mentores formées à la méthode, l’entreprise espère s’installer dans tout l’Hexagone et faire fleurir des projets d’entrepreneuses.