Tout savoir sur le nouveau superordinateur de TotalEnergies à Pau - Premium

Tout d'abord, comment définir un superordinateur ? C’est un assemblage de centaines d’ordinateurs qui communiquent entre eux de manière ultra rapide et partagent un même stockage pour avoir accès aux mêmes données au même moment. Ce n’est pas seulement l’accumulation de processeurs qui est la clé, c’est aussi la communication entre ces différents ordinateurs. Un supercalculateur traite des calculs imposants en les répartissant entre ses différents nœuds. Il faut que ces nœuds discutent entre eux, se synchronisent. Si l’interconnexion n’est pas bonne, on perd en performance. C’est vraiment une Formule Un, tous les détails comptent, tout est optimisé, le logiciel, la distance physique des processeurs entre eux… On ne pourrait pas, par exemple, avoir un supercalculateur dont certains nœuds seraient à Pau et d’autres à Paris. Ça ne serait pas viable.Quelles sont les caractéristiques de Pangea 4, par rapport à Pangea 3 ? Tout d’abord, il faut noter que Pangea 4 n’est pas le successeur de Pangea 3, mais de Pangea 2. Pangea 3 est toujours en activité, et sera remplacé par Pangea 5 dans deux ou trois ans. Pangea 4 utilise la technologie CPU, à base de processeurs AMD Genoa. Il possède 40.000 cœurs de calcul, ce qui représente physiquement six « racks », ce sont les grosses armoires que l’on voit dans les datacenters. Visuellement, c’est moins impressionnant que pouvait l’être Pangea 2, l’évolution de la technologie nous a permis d’augmenter fortement la concentration de processeurs. Pangea 4 possède une puissance de calcul de 1,6 pétaflops, soit 1,6 million de milliards d’opérations à la virgule flottante par seconde. Ce n’est pas très élevé par rapport à Pangea 3, qui repose principalement sur des GPU [des processeurs de carte graphique, plus puissants dans le cadre de calculs massivement parallèles, ndlr] et possède une puissance de 25 pétaflops, ce qui le plaçait au 11ème rang mondial à son installation en 2019. Mais Pangea 4 est sur une autre logique, notamment parce que l'infrastructure physique se double d'une puissance de calcul accessible via le cloud. Nous avons ainsi visé la rationalisation de nos moyens de calculs et l’impact sur la consommation électrique de nos machines, dans l’idée d’être plus attentifs à notre consommation électrique. Pangea 2 consommait 2,1 MW, Pangea 4 réduit cette consommation de 87%, ce qui participe à la réduction de notre empreinte carbone globale.Simulations numériquesPourquoi TotalEnergies a-t-il besoin d’une telle puissance de calcul ? Les superordinateurs, on en a beaucoup besoin pour faire de la simulation numérique. Ici au CSTJF, notre principale activité est la modélisation de l’écoulement des fluides dans les réservoirs. Nous travaillons aussi sur l’imagerie sismique, qui permet de reconstruire l’image du sous-sol grâce à des échos pris sur le terrain en simulant la propagation des ondes. Ce sont des centaines de milliers de kilomètres carrés, des volumes très importants de données à traiter. De plus en plus, nous faisons aussi des simulations d’écoulement de fluides pour le vent, pour nos projets éoliens. Pour les projets photovoltaïques, nous faisons des simulations de dépôts de poussière sur les panneaux… En chimie, nous faisons de la modélisation de molécules, c’est important pour simuler le comportement dans le temps des batteries par exemple. Et puis l’utilisation de plus en plus répandue de l’Intelligence Artificielle va nécessiter également des moyens de calculs importants. Pour tout cela, nous avons besoin de puissance de calcul.Ces ordinateurs sont-ils réservés au CSTJF, ou bien sont-ils également utilisés par d’autres BU de TotalEnergies ? C’est vraiment à Pau que se trouve le centre de calcul pour l’ensemble de la Compagnie. Ils sont donc utilisés par l’ensemble des ingénieurs ayant besoin de réaliser des simulations numériques, qu’ils soient basés au Siège ou dans nos filiales.Pourquoi avoir choisi Pau pour y installer ces ordinateurs ? Historiquement, c’est ici que se trouve le centre de recherche historique de Elf. Il y a tout de même 2.000 ingénieurs sur notre site. TotalEnergies a créé une branche, OneTech, qui réunit tout notre savoir-faire technique, technologique, et de gestion des grands projets, et Pau fait partie de ses sites. C’est un des cœurs de TotalEnergies. Il y a aussi une considération très pragmatique : ces sites prennent de la place, et le prix du m² est significativement plus bas à Pau qu’à Paris. Et puis, un autre point : les supercalculateurs nécessitent un système de refroidissement très particulier, un circuit hydraulique qui passe à-travers les racks. Tous les datacenters n’en sont pas équipés, on ne peut juste juste acheter un supercalculateur et l’installer n’importe où. Et nous, à Pau, nous avons ces systèmes depuis Pangea 1.« Il faut absolument maintenir notre expertise »Pangea 4 est complété par des ressources cloud. Est-ce une évolution amenée à se généraliser, et, à terme, la fin du supercalcul sur site ? C’est une question difficile. Je ne crois pas que ce sera la fin, mais plutôt que que l’on arrivera dans un monde où cloud et ordinateurs physiques seront complémentaires. Dans le cloud, ce qu’on va chercher, c’est la flexibilité, on n’utilise que la puissance dont on a besoin à un instant donné. L’autre avantage, c’est la mise à jour technologique : les fournisseurs intègrent la dernière génération de processeurs dès que celle-ci est disponible, et donc les gains de performance sont beaucoup plus rapides. Mais est-ce que demain, tout sera dans le cloud ? On a quand même besoin de proximité, il sera toujours long de télécharger dans le cloud des volumes de données importants. Et puis, il ne faut pas oublier que le cloud reste une machine dans un datacenter, avec ses contraintes.Quel investissement représente Pangea 4 ? Et quels emplois dédiés ? Nous ne communiquons pas trop sur le montant d’investissement. En matière d’emploi, je parlerais plutôt d'expertise. Nous avons la chance, au CSTJF, d’avoir des compétences pointues sur la gestion et l'opération de ces supercalculateurs. L’arrivée du cloud nous pousse à développer de nouvelles compétences, on ne gère pas les machines physiques comme on gère le cloud : pour une machine sur site, l'intérêt c’est de maximiser son temps d'usage, pour la rentabiliser. Dans le cloud, c’est l’inverse, on est facturé au calcul effectué, et on veut donc optimiser son utilisation. On avait besoin de développer ces compétences en interne, car il faut absolument que l’on maintienne notre expertise pour être en mesure de supporter le développement des projets de TotalEnergies.

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