Université de Bordeaux : « La probabilité que nous soyons déficitaires est importante » - Premium

Vous annoncez un possible déficit budgétaire, dès la fin de l’année en cours. De combien parle-t-on ?Pour l’année universitaire en cours, nous avions voté un budget initial avec un déficit de 12 millions d’euros. Aujourd’hui, nous constatons une moindre consommation des crédits et notamment sur les fluides, donc nous sommes sur un atterrissage entre -3 et 1 million d’euros.La probabilité que nous soyons déficitaires est importante, mais pas complète. C’est la première fois depuis 2014, où l’on était aussi déficitaire car c’était la somme des trois comptes financiers des universités [ndlr, année de fusion de Bordeaux 1, Bordeaux Segalen et Montesquieu Bordeaux IV]. Donc on peut dire qu’il s’agit du premier déficit de l’Université de Bordeaux, en absolu. « Jouer sur tous les paramètres budgétaires » Quelles en seront les conséquences ? Il n’y a pas de conséquences. Si on est déficitaire, cela aura forcément un impact sur le fonds de roulement et entraînera des prélèvements sur ce dernier. Mais pour toutes les universités [ndlr, 60 devraient être en déficit sur les 74 françaises], les directives ont été de maintenir notre fonctionnement. On nous a dit « vous avez des surcoûts liés aux mesures Guérini [ndlr, revalorisation des rémunérations dans la fonction publique], liés aux fluides, mais vous maintenez toutes vos activités ». Donc ces surcoûts vont entraîner un déficit qui sera toléré. Après, ce que l’on a fait à l’Université de Bordeaux, c’est construire une trajectoire en 2024 en ayant des perspectives sur les dépenses et les recettes pour les quatre prochaines années. En regardant le fonds de roulement, la trésorerie, les opérations de valorisation du patrimoine immobilier, les diminutions ou augmentations des effectifs, cela nous permet d’avoir une trajectoire soutenue à horizon 2028. On parle d’un budget annuel qui oscille entre 550 et 600 millions d’euros par an, donc de plus de deux milliards d’euros sur quatre ans. On essaye de jouer sur tous les paramètres budgétaires, comme le fait un chef d’entrepriseA lire également : Pourquoi l’Université de Bordeaux alerte sur sa situation financière ? Cela signifie-t-il une restructuration des ressources humaines ? Non, notre priorité est de maintenir l’emploi. Avec une augmentation des effectifs étudiants [ndlr, 54.000 inscrits cette année, 55.000 en 2023 après plusieurs années de baisse] un taux d’encadrement de 50%, un nombre de vacataires important, un émargement à de nombreux grands programmes France 2030, la dévolution du patrimoine… nous ne sommes pas en mesure de baisser les emplois au niveau du socle. Nous essayons de rationaliser bien sûr, mais on sait qu’on est sous-encadré. 27 hectares dédiés au « parc privé »Vous mentionnez le patrimoine et sa valorisation comme levier financier, quelles sont les possibilités à ce sujet ? On a testé plusieurs dispositifs. Il y a deux ans, la vente d’un site à Talence de 1,5 hectare, qui n’était pas dans le campus principal - il s’agit d’un revenu net, qui constitue une partie du fonds de roulement de notre établissement. Mais ce n’est pas notre principale modalité de valorisation, car nous souhaitons rester propriétaires et en maîtrise du foncier. Donc nous avons le bail à construire qui consiste à céder l’usage à un privé, qui construit un immeuble de logements étudiants par exemple, l’exploite durant 60 ans, génère des ressources dont on récupère une partie. Nous avons déjà fait cela une fois, et l’opérateur nous a payé l’intégralité des loyers au démarrage du bail, soit sept millions d’euros. C’est assez simple à mettre en œuvre, et très adapté à certaines opérations. Vous avez également évoqué la possibilité de co-investissements, lors de votre conférence de presse de rentrée ce lundi. De quoi s’agit-il ? En effet, c’est une question qui s’est posée à nous lorsqu’on a travaillé avec la Banque des Territoires. Elle nous a dit, « on peut imaginer d’autres dispositifs, au lieu que l’Université laisse l’opérateur réaliser le projet et bénéficier d’une grande majorité des bénéfices ». Une forme de co-investissement où l’Université apporte la foncière, la Banque des Territoires apporte l’argent et l’expertise, et un tiers, un groupe d’investissement du BTP, qui proposerait une opération. Dans le cadre de la dévolution du patrimoine, sur les 130 hectares intra-rocade que nous possédons, nous en avons identifié 27, que l’on peut appeler « le parc privé », dédié à la valorisation. On a d’abord isolé sept hectares sur Talence, Pessac, Gradignan et à Bordeaux avec l’îlot Broca près de la Victoire.Valoriser du foncier à destination des entreprises Que comptez-vous y faire, et à quelle échéance ? L'idée est d’aménager les campus en lançant un appel à manifestation d’intérêt, avec un certain nombre d’informations. On ne veut pas de hangars Amazon, mais des activités en lien avec la nôtre, et nos valeurs. Bien entendu tout cela se fait avec les collectivités territoriales, qui nous accompagnent ne serait-ce que pour la délivrance des permis de construire. Nous en sommes au stade de l’AMO, l’appel à assistance de maîtrise d’ouvrage, qui nous aidera à finaliser l’AMI. Il devrait être lancé début 2025, et nous espérons avoir des retours à la fin du premier semestre. En fonction des opérations, on choisira les dispositifs les plus adéquats - bail à construire, société avec co-investissement… Et si on en a plusieurs, on se dira peut-être qu’il nous faut une foncière pour assurer la gouvernance de l’ensemble des sociétés de projet. Mais on ne va pas en créer une qui soit vide de sens, on attend d’être convaincu car il y a aussi la question des risques, des retours financiers. Notre objectif, c’est d’abord d’aménager nos campus, et ensuite d’avoir un retour sur investissements. L’une des problématiques communes aux biotechs et medtechs, c’est la difficulté pour trouver du foncier spécifique, doté de laboratoires, de salles blanches, etc. Est-ce une dimension que vous voudriez donner à ce patrimoine disponible ? Oui, bien sûr. Ce que vous dites, on le perçoit déjà car on compte un certain nombre d’entreprises qui sont ou ont été hébergées au sein de l’Université. On a par exemple le bâtiment IECB [ndlr, Institut européen de chimie et de biologie] sur le campus de Pessac, qui est un hôtel à projets et qui héberge des startups en biologie/santé, mais on voit bien que l’offre n’est pas suffisante. Et c’est aussi vrai dans d’autres domaines ! L’Inria par exemple a prévu de doubler son bâtiment, on se dit que ça pourrait être un endroit tiers lieu pour les startups du numérique. À Peixotto, nous avons par exemple le bâtiment A4 qui est très grand et désaffecté. Nous sommes en train de le désamianter, et nous voudrions en faire un totem de l’innovation, en lien avec le monde socio-économique. À terme, nous souhaitons avoir des zones thématisées, d’implantation d’entreprises innovantes en lien plus ou moins direct avec nos laboratoires.

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