Une association pour fédérer les entreprises du patrimoine vivant de Nouvelle-Aquitaine
Au Pays basque, l'entreprise du patrimoine vivant Lartigue est spécialisée dans le tissage de linges. Crédits : Placéco
Il y a un mois, le Conseil régional de Nouvelle-Aquitaine officialisait une toute nouvelle association, pour les entreprises du patrimoine vivant (EPV). Une structure censée soutenir ces sociétés aux savoir-faire artisanaux et industriels « d’excellence ». Quelle feuille de route et quelles problématiques à aborder pour faire vivre ces EPV ? Éléments de réponse avec Benjamin Moutet, dirigeant de la société Tissage Moutet (Orthez, 64), et président de l’association.
Pourquoi avoir créé une association néoaquitaine des entreprises du patrimoine vivant ? Le label ne suffit-il pas à les fédérer ?
Le label, depuis sa création en 2005, est géré directement par le ministère [ndlr, de l’Économie, des finances, et de la souveraineté industrielle et numérique]. Mais notre association permettra de créer des conversations directes entre les entreprises labellisées du territoire, de les soutenir et de les encourager. Car recevoir un label ne suffit pas forcément à être au courant de tous les labellisés de votre département, et encore plus de votre région… Il est important que l’on ait une structure qui nous tienne informés.
Ce label n’est peut-être pas suffisamment connu, hormis des entreprises concernées… Comment le présenteriez-vous ?
Le premier point, sur lequel j’insiste, c’est que c’est un label public. C’est fondamental, dans un débat qui tend à privatiser de très nombreuses choses. Le caractère public garantit, auprès des services de l’Etat, que l’excellence sur le long terme d’une entreprise est recherchée. On ne va pas chercher à valoriser à très court terme une entreprise performante, qui aurait les moyens de se faire labelliser son activité. Je pense que cela différencie le label EPV de beaucoup de certifications privées qui existent à droite ou à gauche… Second point, cette exigence publique est aussi fondamentale dans le partage de la valeur, car notre richesse industrielle, artisanale, doit être partagée collectivement. Le label permet cette ouverture, pour s’adresser aussi aux jeunes générations qui à leur tour pourront s’approprier le savoir-faire.
Accompagner les EPV dans la transmission des savoir-faire
Y a-t-il un profil-type de l’entreprise du patrimoine vivant, en Nouvelle-Aquitaine ?
On a souvent en tête de belles entreprises comme J. M. Weston, à Limoges, ou la maroquinerie Laffargue à Saint-Jean-de-Luz. Ce sont des fers de lance pour nous, mais sinon on est plutôt sur de petites entreprises dont on n’entend pas forcément parler. Après, ce qui les lie, c’est le souci de l’excellence, et la volonté de transmettre. Ensuite, on peut dire que ce sont pour beaucoup des entreprises qui ne sont pas installées en agglomération. Et c’est super ! Les EPV structurent notre territoire avec leurs savoir-faire éparpillés à droite et à gauche, et tout n’est pas à Bordeaux, Limoges ou Biarritz.
Quels sont vos objectifs, au sein de l’association néoaquitaine ?
D’abord, se faire connaître à toutes les entreprises labellisées du territoire, ce qui est déjà un petit boulot en soi [ndlr, voir encadré en pied d’article]. Ensuite, aborder des sujets comme la formation, les difficultés de recrutement, la subvention de formations… Des données qui vont les intéresser. Car quand on est une petite entreprise du patrimoine vivant, se former prend du temps, et coûte de l’argent. Ensuite, nous souhaitons faire remonter au national des sujets plus transversaux. Par exemple, il y a la question de la transmission - en France, contrairement à nos voisins allemands, autrichiens ou suisses, on a du mal sur ce sujet. Je ne sais pas pourquoi. Donc nous devons aider les chefs d’entreprise, pour qu’ils ne se sentent pas seuls dans la recherche d’un repreneur. C’est un sujet national - la sauvegarde de nos savoir-faire, l’obstination à ne pas vouloir simplifier des processus de fabrication et au contraire les sacraliser, les protéger, pour que les nouvelles générations s’en emparent et les mettent à la sauce de leur époque, ce qui permettra d’innover.
Parmi ces sujets, la RSE, responsabilité sociale des entreprises, est-elle un enjeu pour vous ?
C’est un sujet très à la mode en tous cas, et qui revient tout le temps dans les conversations. Pour nous, entreprises du patrimoine vivant, c’est un peu comme lorsque le « made in France » est arrivé dans la place publique en 2012. De fait, on est dans une démarche de RSE, c’est naturel ! On source localement nos matières premières, on évolue dans un écosystème très ancré sur le territoire… Sauf que les EPV se confrontent à la RSE et se demandent ce que c’est. Le rôle de notre association est aussi de rassurer ses adhérents, sur cette grosse machine parisienne qui arrive et veut formaliser les démarches. Leur dire, c’est un sujet sans en être un.
En chiffres :
☞ La Nouvelle-Aquitaine compte 152 entreprises labellisées EPV, générant 5.000 emplois. Le chiffre d’affaires cumulé est estimé à un milliard d’euros, dont la moitié provenant de l’export.
☞ Sept secteurs d’activité regroupent le plus d’EPV dans la région : décoration, mode et beauté, loisirs et culture, équipements professionnels, art de la table, gastronomie et patrimoine bâti.
☞ Trois pôles géographiques sont identifiés par l’association : la Haute-Vienne (Limoges et Saint-Junien) autour du cuir et de la porcelaine, le Cognaçais avec les spiritueux, et le Pays basque, fort de sa gastronomie, son linge et son cuir.