Tourisme : comment la filière espère accélérer après un début de saison en demi-teinte - Premium

Sur quelles bases commence la haute saison touristique en Nouvelle-Aquitaine ?Le mois de juin a été décevant et en baisse par rapport à 2023. Les Français sont venus moins nombreux qu'en juin 2023, avec une baisse encore plus sensible sur le littoral et notamment dans les campings, ce qui est assez rare chez nous. Et puis la fréquentation étrangère est également inférieure à celle de l'an dernier à la même période, particulièrement sensible en camping et dans les hôtels de l'intérieur. Typiquement, même Bordeaux a été impactée par cette baisse. Sur les hôteliers bordelais, c'était un mois de juin très décevant. Les activités de loisirs et les sites de visite, eux, ont atteint plutôt un taux de satisfaction plus élevé, même si sur le littoral, la fréquentation restait inférieure à celle de juin 2023. Et puis on a quand même eu quelques destinations qui ont mieux tiré leur épingle du jeu, notamment les Deux-Sèvres, Poitiers avec le Futuroscope, le littoral charentais et puis le bordelais avec le vignoble, Limoges, le Lot-et-Garonne et le Béarn. Comment expliquer ce démarrage plus lent cette année ?On n’a pas encore suffisamment assez d'éléments. Néanmoins, il y a l'impact de cette clientèle qui est plus en recherche de destinations plus calmes. On sait qu'aujourd'hui, dans les motivations des vacanciers, 54% c'est se reposer, se ressourcer. 46% c'est pour prendre son temps, se mettre au calme, découvrir des paysages, l'environnement, sortir de son quotidien… Donc il y a l'envie d'être un peu moins sur des zones très fréquentées, ce qui peut expliquer que ces sites se sont mieux sortis que les autres de cette situation un peu compliquée. Ça, c'était une tendance qui est importante parce que cette baisse de fréquentation pour la majorité des hébergeurs, elle a vraiment impacté les hébergements de plein air, les hôtels et puis même les plates-formes, des hébergements marchands type Airbnb. II y a aussi plusieurs facteurs. D'abord, c'est parce qu'il y a aussi une avant-saison qui a été compliquée par la météo, notamment pour les campings. On est aussi dans un contexte d'inflation qui impacte aussi les dépenses des Français. Les activités sportives et les loisirs sont les seules à s'en sortir. Parce que c'est gratuit. Quand vous faites le tour des offices de tourisme sur site, c’est la première chose qu'ils vous disent, les gens demandent ce que nous avons à proposer et ce qui est gratuit. Et puis le pays est quand même dans une forme de sidération, d'incertitude, qui fait que ça a eu du mal à démarrer.« Très difficile de monter ses équipes »Depuis le début des vacances d’été, quelle tendance observe-t-on ? Le mois de juillet reste encore incertain aujourd'hui. Pour la première quinzaine de juillet, 56% des professionnels constatent une baisse des réservations. Au niveau de la clientèle étrangère, par rapport à 2023, seulement 34% des responsables d'hébergement sont satisfaits. C’est vraiment peu. Parce que la première quinzaine de juillet a été coupée, d'abord par un dimanche d'élection, des météos qui n'étaient pas agréables et ne se prêtaient pas aux excursions en Nouvelle-Aquitaine. Et sur les plannings de la seconde quinzaine de juillet, ça tarde à se remplir, avec un déficit des réservations plus sensible dans l'intérieur de la région que sur le littoral, notamment dans les campings et les hôtels. Et puis on a des réservations pour le mois d'août qui sont au même niveau que l'an dernier sur le littoral, grâce au bon score des campings, qui ont été attractifs auprès de ceux réservant très en avance. Et tout le monde espère une belle arrière-saison pour septembre. On voit d'ailleurs que les arrivées aériennes internationales repartent à la hausse. Il y avait eu une baisse de 4% en avant-saison. Et puis depuis juillet, ça augmente de 4% et le prévisionnel d'août augmente de 6%. Avec de bons scores pour le marché nord-américain et européen, avec l'Allemagne, le Royaume-Uni, les Pays-Bas, l'Italie et la Suisse. Néanmoins, on sait aujourd'hui que les dépenses baissent pour 58% des touristes, ça impacte la durée du séjour.Quel impact sur l'organisation des professionnels, notamment en matière de ressources humaines ?Difficile de staffer une équipe quand vous n'êtes pas au taux de remplissage escompté. Ça pose un vrai problème pour les professionnels qui doivent s'organiser, trouver aussi les ressources en dernière minute et préparer un staff prêt à arriver en seconde main. C'est franchement un jeu d'équilibre très difficile, tant pour les professionnels que pour les saisonniers qui voient des offres évidemment revues, tant dans la durée que sur le salaire. Ceux qui vont être encore impactés sont sur des zones tendues, sur le littoral où on sait qu'il y a moins de possibilités d'hébergement, où cette problématique est récurrente. Globalement, aujourd'hui, quand on vient en Nouvelle-Aquitaine, on favorise au moins deux jours en hébergement non marchand, c'est-à-dire qu'on va aller voir la famille au passage et puis on va faire quatre à cinq jours en hébergement marchand. Quasi systématiquement, il y a de l'hébergement non marchand qui est envisagé sur le circuit.Peut-on espérer un fort afflux de décisions de dernière minute ?Oui, complètement. L'année dernière, ça s'est un peu passé aussi comme ça. Pas aussi mauvais en début de saison, mais c'était un peu compliqué. Et finalement, le mois d'août a été extrêmement bon. Avec même des taux de fréquentation très élevés, un peu problématiques dans la gestion du service et de l'hospitalité que l'on peut offrir car si on n’est pas prêt, pas staffé, forcément derrière, il y a une insatisfaction des clients. Et ça aussi, c'est important pour tous les professionnels. Mais ils comptent sur août et sur l'arrière-saison, qui est aussi très bonne en général. C'est fin août jusqu'à la mi-septembre où on profite encore d'une belle arrière-saison. Donc si l'été 2024 n'est pas un bon cru parce que le nombre de Français est en baisse de deux points par rapport aux étés précédents, on peut imaginer que le mois d'août se passera beaucoup mieux, notamment parce beaucoup de gens réservent à la dernière minute. Ça fait partie de l'exercice des professionnels qui travaillent beaucoup sur le « revenu management » et jouent avec leurs tarifs. Il faut essayer de s'adapter. Ce que l'on ne gère pas, c'est la météo… ou une élection qui vient se mettre au milieu de tout ça et qui renverse le jeu.« Sur le tourisme durable, on explose les compteurs »Avez-vous des remontées terrain sur l'impact d'un éventuel passage du SMIC à 1.600 euros ?Il n'y a pas de réaction à chaud d'abord parce qu'en pleine saison, tout le monde a la tête dans le guidon. En revanche, sur la question des salaires, les professionnels ont déjà fait beaucoup d'efforts. Au bout du compte, c’est le client qui va payer. L’inflation a absolument marqué le prix des cartes et des prestations. Tout a augmenté. Donc si demain, on doit augmenter les salaires, quand on voit les charges aujourd'hui que doivent supporter les employeurs, hôteliers, hébergeurs en tout genre, restaurants, sites de visite, je ne vois pas comment ils pourraient y arriver, avec le peu de marge qu'ils dégagent. Je rappelle qu'il y a quand même la fin des PGE à rembourser, dans un contexte qui est quand même très en yo-yo.Observe-t-on un « effet JO » ?Pas du tout. Je discutais récemment avec des hôteliers du Bordelais ou du Pays basque, qui avaient imaginé qu'il y aurait une espèce de fuite des Parisiens sur le mois de juillet, sur le début d'août, pour laisser Paris à ces JO. Et pour le moment, il n'y a vraiment pas de retombées. On imaginait qu'il pourrait y avoir une espèce de vivier intéressant pour la Nouvelle-Aquitaine. On avait prévu que 43% des habitants d'Île-de-France quitteraient la région pendant la période des Jeux Olympiques. Pour le moment, cette prévision ne se traduit pas dans les réservations.La volonté régionale de promouvoir et proposer un tourisme plus durable, est-ce d’abord pour les professionnels une contrainte ou un facteur d'attractivité ?C'est un facteur de différenciation et donc d'attractivité. C'est un facteur généralisé à tous les acteurs du tourisme. Je dois saluer d'ailleurs le travail qui a été fait autour de l’œnotourisme, toutes ces maisons qui proposent dégustation, hébergement, expérience in situ ont été les premières à vraiment marquer la différence sur l'environnement et la biodiversité, il y a déjà quelques années. Aujourd'hui, il faut savoir qu'il y a plus de 70% des acteurs engagés dans ces démarches pour l'environnement. Quand on parle de tourisme durable, évidemment, ce n’est pas très « charming » et personne ne va taper « séjour bas carbone » sur Google. En revanche, ce que l'on sait, c'est qu'aujourd'hui, les Français comme les étrangers qui viennent nous visiter y sont très attentifs. Même des clientèles américaines, qu'on disait éloignées du sujet. Nous avons en Nouvelle-Aquitaine une destination par nature durable. On a évidemment en Nouvelle-Aquitaine des pics de fréquentation, mais on est quand même très éloignés du surtourisme. Et au sein de l'entreprise, quand vous vous engagez pour un label, ce n’est pas une personne, c'est toute l'équipe qui s'y met. Et c'est une espèce d'expérience « team building », où chacun à son niveau prend vraiment la mesure des changements que l'on peut proposer, qui ne sont pas tous des efforts, mais plutôt au contraire un réconfort pour le travail que l'on mène sur son territoire.Et nous avons toute l'offre séjour bas carbone. Ça veut dire qu’on vous aide à oublier vos clés de voiture. Vous pouvez visiter un maximum de lieux, rester même si vous n'avez pas de voiture parce que vous avez un service de train, de bus, de vélo, énormément d'options pour pouvoir visiter autrement la Nouvelle-Aquitaine. Et là-dessus, on est en train vraiment d'exploser les compteurs. Ça veut dire qu'on a une clientèle qui est attentive à ça. Il ne faut pas que ce soit plus cher parce qu'on a envie de voyager plus léger. Et ça, je crois que c'est un combat qu'il va falloir mener. J’espère que le gouvernement qui va se mettre en place prendra les bonnes décisions. Peut-être que le périmètre du ministre du tourisme était un peu trop vaste pour que le sujet soit pris très sérieusement. Je pense notamment aux hébergements pour les saisonniers sur lesquels les professionnels n'ont toujours pas le droit à l'abattement de la TVA. Il y a un autre sujet très important, sur les organisateurs touristique. Aujourd'hui, quand ils vendent une expérience typiquement sur GetYourGuide, qui pourrait être comparé à Booking, ils n'ont pas de liberté tarifaire, parce que le gouvernement n'a toujours pas tranché sur ce point, alors que l’Europe est d’accord. Il faut vraiment défendre ce sujet de la liberté tarifaire.

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