Reprise : pourquoi l’entreprise Ségassie a changé de mains
Gilbert Ségassie (à g.) a cédé son entreprise familiale à Jérôme Tallefourtané (à d.) début juillet. | Photo LVG
Le 1er juillet, Ségassie Négoce Bois a changé de mains. L'entreprise familiale depuis 4 générations est transmise à un repreneur externe. Jérôme Tallefourtané, repreneur, et Gilbert Ségassie, son ancien président, racontent à Placéco Béarn l'histoire de l'entreprise, de sa transmission, et leurs projets d'avenir. Récit.
Le profil LinkedIn de Jérôme Tallefourtané affiche encore, sous sa photo, son ancien poste : « Responsable financier et contrôle de gestion chez Chambre d'agriculture ». Mais les derniers messages le mentionnant sont des au revoir et des félicitations de ses anciens collègues : le 1er juillet, il est devenu dirigeant de l’entreprise Ségassie Négoce Bois, une entreprise familiale installée à Boeil-Bezing près de Nay et qu’il vient de reprendre. Une quasi première expérience entrepreneuriale, pour celui qui a été cogérant de l’entreprise Clôtures Paloises entre 2006 et 2010, et dont le profil a toujours été tourné vers le contrôle de gestion et la gestion budgétaire.
« J’ai entendu parler de cette entreprise à reprendre par le bouche-à-oreille en octobre dernier », raconte Jérôme Tallefourtané. Il n’est, à l’époque, « pas particulièrement en recherche », mais « quand on m’en a parlé, ça a ouvert quelques portes dans ma tête. J’étais tout le temps en déplacement avec la Chambre d’agriculture, et j’avais besoin de changement ». Il décide donc, « un peu par curiosité », d’aller découvrir cette entreprise, tout proche de son logement à Aressy. « J’ai eu un coup de cœur immédiat, raconte-t-il. Pour l’atmosphère, les produits que l’on vend, auxquels je crois ». Pour le patron, aussi, Gilbert Ségassie, avec qui « on s’est compris tout de suite. Il m’a présenté son entreprise, parlé de son activité, de ses clients, et tout s’est fait très simplement. »
Une entreprise familiale à reprendre
« Je suis la quatrième génération à la tête de l’entreprise, raconte Gilbert Ségassie. L’oncle de mon grand-père s’était lancé dans le sciage de bois, mon grand-père avait suivi, puis mon père a développé l’activité avec les entreprises locales. » À l’époque, la plaine de Nay est un haut-lieu de la menuiserie et de l’ébénisterie et compte de nombreux fabricants de meubles, qui garantissent à la scierie Ségassie une solide clientèle. Mais cette filière va décliner dans les années 1960-70. L’industrie aéronautique naissante aspire la main-d’œuvre locale, puis « les grandes surfaces, les Conforama et autres avec des meubles préfabriqués sont arrivés et ont détruit le marché », se souvient Gilbert Ségassie. Quand son père décède, à l’âge de 58 ans, la scierie s’arrête quelques années. Puis, Gilbert Ségassie décide de reprendre l’activité.
« C’était plutôt une décision affective, assume-t-il. Il y avait une entreprise familiale, mon père s’est battu toute sa vie, pourquoi pas moi ? » Il fait prendre un premier changement de cap à l’entreprise en renonçant au bois d’ameublement pour se lancer dans le bois de charpente, de plus en plus demandé dans la région alors que les lotissements sortent de terre. « Ça a bien marché jusqu’en 2002, raconte Gilbert Ségassie. Puis j’ai arrêté la scierie. J’en avais marre. Toujours des problèmes, toujours à travailler du lundi au lundi… » Le déclencheur sera le refus d’un permis de construire pour un nouveau bâtiment. « J’ai alors décidé de basculer vers le négoce de bois. C’est quelque chose que je faisais déjà un peu, en parallèle avec la scierie, et qui me plaisait pas mal. »
Pour se préparer à ce virage, le dirigeant décide de se faire embaucher dans un commerce « pour apprendre le métier » et passe quelques années dans une entreprise locale « en sachant que j’y resterais pas. J’ai une âme d’indépendant, je prends du plaisir à entreprendre, à être le boss. Quand on peut être autonome, pourquoi le faire pour les autres ? Et puis j’aime ce métier, ce matériau, le bois ». En 2008, il crée l’incarnation actuelle de l’entreprise familiale, Ségassie Négoce Bois, toujours sur son site historique avec ses murs en galets de vieille maison béarnaise. Et seize ans plus tard, il décide à son tour de passer la main. « J’ai commencé à me poser la question il y a deux ans, dans l’optique de prendre ma retraite », raconte Gilbert. La transmission, cette fois, ne se fera pas dans la famille : « mes enfants avaient déjà fait leur chemin dans la vie, on n’a pas vraiment envisagé que ce soient eux qui reprennent », explique-t-il, sereinement. Voir l’entreprise quitter le giron familial ne le dérange pas, l’important, insiste-t-il, est de faire « vivre le bébé le plus longtemps possible. »
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« Je m’attendais à ce que ça soit compliqué, se souvient Gilbert Ségassie. Je voyais autour de moi des commerçants qui cherchaient à vendre et avaient de grosses difficultés. » À sa propre surprise, quatre candidats à la reprise se manifestent rapidement. Lui aussi, pour décrire sa rencontre avec Jérôme Tallefourtané, parle de « coup de cœur ». « Je me suis dit “c’est pour lui”, tout naturellement, raconte-t-il. On a bien accroché, le feeling était là, ça ne s’explique pas. »
Se couler dans le moule avant d'apporter sa vision
Le nouveau patron tient à rester discret sur les détails du financement et le montant de la reprise, mais dévoile tout de même que « rien que sur le stock, on était à plus de 120.000 euros ». Le montage financier mis en place « mixe différentes techniques, l’emprunt, le crédit vendeur… on a essayé de cocher autant de cases que possible. »
La reprise est aussi accompagnée, « en externe et en interne », explique Jérôme Tallefourtané. En externe, par le Réseau Initiative Béarn, dont il fait partie des lauréats et qui lui a permis de bénéficier d’un prêt aidé, mais aussi, souligne le nouveau dirigeant, par le Crédit Agricole et la CCI Pau-Béarn, très investie dans les questions de reprise. Le réseau Initiative Béarn a également offert une formation au repreneur, qui a opté pour une formation technique. « Sur la partie gestion d’entreprise, commerciale, la posture d’entrepreneur, je pense avoir la bonne maturité, affirme-t-il. J’ai déjà occupé des postes à très grosse pression, et on est toujours un peu le patron de son poste ». Quant à l’accompagnement interne, il s’exprime par le choix fait par Gilbert Ségassie de rester quelque temps à bord de l’entreprise pour aider à la transition. « Je resterai trois mois, prévoit-il, et plus s’il y a besoin. Et même après, je serai toujours disponible pour aider ».
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« Aujourd’hui, les process sont bons, on garde les process, on garde les produits », assure Jérôme Tallefourtané, qui prévoit une première phase « d’apprentissage » au cours de laquelle il souhaite se couler dans le moule de l’entreprise. « Tout ce qui est fait est très bien fait, on gardera la même ligne de conduite, résume-t-il. Je me suis interdit, durant les trois premières années, d’avoir des idées. Y réfléchir, oui, mais les mettre en œuvre non. Après, reprend-il, il faudra apporter une vision, développer le produit, la clientèle, jusqu’à une phase qui inclura un déménagement physique ». Ségassie Négoce Bois restera, cependant, sur la plaine de Nay, promet-il, et « ne fera pas autre chose que du bois ». L’entreprise gardera même son nom historique. « Je ne veux surtout pas casser cela, ajoute le repreneur. Je veux rester l’entreprise Ségassie. Si l’on change tout, on peut perdre le client, mais aussi notre âme. C’est important pour moi… Et c’est peut-être aussi pour ça que c’est nous qui avons été choisi pour cette succession ».
Ségassie Négoce Bois
Fondation : Mars 2008
3 salariés
CA : 1.300.000 euros