Taxes Trump : les vins bordelais doivent «démontrer leur capacité de résilience» - Premium

Président de la maison de négoce Haut Médoc Sélection (HMS) et du syndicat Bordeaux Négoce, Philippe Tapie s’appuie sur une longue expertise dans l’exportation, et notamment aux États-Unis. Quel est l'état d’esprit de la place bordelaise, au lendemain des annonces de Donald Trump ? Je suis dans un état d’esprit de « retroussage de manches ». Nous devons partir à fond pour relancer les négociations. Ne nous mentons pas, il y a eu cette annonce des 20% de droits de douane mais nous ne sommes qu’à moitié surpris, ce n’est pas non plus la révélation du siècle. Désormais il faut digérer la nouvelle, avec son périmètre et son champ d’application précis. Sous le premier mandat de Donald Trump les vins à plus de 14 degrés d'alcool étaient par exemple exclus des hausses douanières, donc j’attends les décrets d’application pour connaître le réel périmètre de la mesure. C’est maintenant que la partie se joue, selon vous ? Oui, et il est hors de question d’entrer dans une logique de déprime, nous devons démontrer notre capacité de résilience. À l’échelle européenne, nos instances doivent rester dans une communication active et non pas un rapport de force. Car les conséquences risquent d’être dramatiques, y compris outre-Atlantique, ce qui pourrait faire réfléchir l'administration américaine… Selon certaines études, en première lame, ce sont 72.000 emplois qui seraient concernés sur le territoire américain - on parle des importateurs, des distributeurs, des cavistes qui réalisent beaucoup d’affaires avec la filière française des vins et spiritueux. Ne nous interdisons donc pas de mettre en avant ces évidences dans le discours politique à tenir.Toutes les expéditions geléesLe président de la Confédération nationale des producteurs de vins à appellations d'origine contrôlée, Jérôme Bauer, chiffre à un milliard d’euros la perte pour les vignobles français. Qu’en est-il pour le bordelais ? Le chiffre que j’ai à l’échelle nationale, pour les vins et spiritueux, s’élève à 800 millions d’euros de pertes. Et pour nous, à Bordeaux, c'est entre 150 et 180 millions… Les États-Unis représentent 25% de l'activité d'exportation, que ce soit au national ou à Bordeaux. Quelles vont être les conséquences à court terme, pour les professionnels girondins ? Pour le moment, on a gelé toutes nos expéditions. Et maintenant qu’on a une vraie visibilité sur les chiffres, on va pouvoir reprendre les discussions avec les clients et les importateurs. Et définir ensemble une stratégie en fonction des profils de chacun. Pour garder une note d’optimisme, si on avait été taxés à 200% comme initialement annoncé, on ne se serait même pas posé de questions… Je n’ai pas à commenter la façon de faire de Donald Trump, mais il y a un état de fait qui est posé, il faut trouver un compromis acceptable.Pour aller plus loin - Taxes Trump : « Ça ne peut pas être positif pour l’économie de la Nouvelle-Aquitaine »Comme quoi ?Eh bien, nous sommes pour une suppression totale des taxes, d’un côté comme de l’autre, ce qui était le cas depuis 30 ans pour les spiritueux. Pour les vins, nous étions à 1,5% du côté des États-Unis, et 4% du côté français. Je pense que c’est une revendication qui se justifie factuellement, économiquement, au vu des emplois concernés. Peut-on imaginer réorienter la part d’export vers d’autres marchés ? C’est évidemment l’une des premières solutions. Mais 25%... on ne parle pas d’une petite affaire. Contrairement à la première mandature de Donald Trump où des marchés émergeants tiraient les exportations, là ce n’est pas le cas. Donc redéployer nos exportations, oui, mais il va falloir être inventifs, trouver des marchés de micro-niches ! D’autant que le contexte économique est encore plus morose qu’il ne l’était sous « Trump 1 ». On n’avait pas besoin de ça.

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