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Fruits et légumes : face au changement climatique, « soit on subit, soit on anticipe »

Écosystème
mercredi 05 juin 2024

La Nouvelle-Aquitaine produit 14% des fruits français, et 12% des légumes. Photo d'illustration : Adobe Stock Milan

Entre un contexte économique incertain et une baisse du pouvoir d’achat, mais aussi un changement climatique de plus en plus marqué, les producteurs néoaquitains de fruits et légumes ne semblent pas épargnés. Quelle réalité, et comment actionner les bons leviers pour s’adapter ? Pour Placéco, le président régional d’Interfel, Jean-Hugues Belland, livre quelques éléments de réponse.

Tout d'abord quel est le poids de la filière fruits et légumes, en Nouvelle-Aquitaine ? Est-elle en croissance ?
Au niveau régional, nous comptons 5.157 entreprises pour un peu plus de 24.000 ETP [ndlr, équivalents temps plein] dont 30% de saisonniers. Tout cela génère un chiffre d’affaires de 3,6 milliards d’euros, dont 1,6 milliard pour la consommation. Il y a une forme de stabilité, en matière de volumes consommés nous sommes sur une progression assez lente - entre 1 et 2% par an. Mais je dirais qu’en Nouvelle-Aquitaine, on est plutôt en sous-consommation puisque les ménages achètent environ 158 kg de fruits et légumes frais chaque année, contre presque 190 kg en région PACA, par exemple.

Comment expliquez-vous ce constat ?
Je pense qu’il y a deux phénomènes. D’une part, en PACA, ils ont une culture de la consommation légumière plus importante que nous, notamment au travers de plats types ratatouille par exemple. Mais aussi, il y a un élément assez important que je sous-estimais - nous avons encore beaucoup de jardins privatifs. Au sein d’Interfel, on se base sur la consommation que l’on constate au travers d’achats, donc nous n’arrivons pas à mesurer l’autoconsommation. Après, puisque l’on parle chiffres, je crois qu'il est important de retenir qu’au travers des 4.000 exploitations agricoles, ce sont 830.000 tonnes qui sont produites chaque année en Nouvelle-Aquitaine. Soit 14% de la production française de fruits, et 12% de celle des légumes.

Voyez-vous des évolutions dans la demande des consommateurs ?
On constate un phénomène assez surprenant. Les gens aiment la notion de territorialité, de proximité, et en même temps il y a une demande croissante de produits dits exotiques. On a une forme d’inadéquation entre les attentes des consommateurs et les attentes exprimées. Cette notion de territoire est pourtant l’une des préoccupations des opérateurs de la région, on a toujours travaillé sur la primauté des aspects locaux. Mais il y a aussi une forme d’antinomie - globalement, on peut être autonomes en Nouvelle-Aquitaine sur certains produits comme les carottes, les tomates, les melons ou encore les salades, quand sur d’autres on ne le sera jamais. Donc nous sommes tout de même limités sur cette notion de territorialité….

S'adapter et expérimenter

Les éleveurs néoaquitains de volailles pointent le problème des poulets ukrainiens, qui sont importés en France et vendus à des prix défiant toute concurrence. Est-ce pareil, pour vos professionnels ?
On a la même contrainte, mais avec un avantage - la saisonnalité. Prenons l’exemple d’un produit à faible coût de revient, la tomate du Maroc par exemple, qui est produite tout l’hiver là-bas. Il peut y avoir des frictions entre ces produits et les nôtres, mais c’est à la marge - une fin de campagne marocaine va chevaucher le début d’une campagne marmandaise. Alors que si l’on prend l’exemple de nos homologues du poulet, celui venant d’Ukraine est présent toute l’année.

On imagine qu’en plus, le changement climatique peut avoir un impact sur les denrées produites dans notre territoire. Comment vous adaptez-vous ?
Soit on subit, soit on anticipe. Les saisons sont de plus en plus précoces - il y a quelques années, on commençait à commercialiser les fraises locales mi-mars, aujourd’hui c’est dès mi-février. Il faut prendre cela en compte. Il y a aussi des changements variétaux, pour la châtaigne par exemple dans le Périgord, on s’aperçoit que les variétés que l’on a vivent mal le réchauffement climatique, mais on a l’opportunité de faire des essais avec des variétés que l’on va chercher au Portugal ou en Grèce, par exemple. Donc, en résumé, on accompagne le changement. Je suis également administrateur du CTIFL, le centre technique interprofessionnel des fruits et légumes, et lorsque l’INRAE [ndlr, Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement] met en place de nouvelles variétés, il nous les confie pour que l’on réalise des essais. Par exemple, il y a aujourd’hui des essais d’agrumes dans le Lot-et-Garonne, et ça fonctionne. Je ne dis pas que c’est l’avenir, car le seul souci de l’arboriculture, c’est qu’on ne peut pas jauger de l’adaptation d’une variété à moins de cinq ans, mais en tout cas on anticipe.

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