Topaketa : revivez l’interview de Miguel Telleria (Maison Adam 1660) - Premium

Placéco Pays basque a sorti sa plus belle tenue de Noël à l’occasion de son dernier événement mensuel de l’année 2024. Ça tombe bien puisque les 90 adhérents présents ont également joué le jeu pour ce Topaketa organisé à Moma Kitchen à Bayonne. Ce mardi, nous recevions Miguel Telleria, directeur général avec son frère de l’entreprise familiale Maison Adam 1660, spécialisé dans les chocolats, gâteaux basques, et macarons. Extraits.Placéco Pays basque : Comment Maison Adam se prépare-t-elle pour la période de Noël, l'une des plus intenses de l’année ? Miguel Telleria : Dès le mois de novembre, notre équipe de chocolatiers se met au travail pour produire toute la gamme de Noël. Cela va des petits sapins traditionnels au « Père Noël tombé dans la cheminée », notre nouveauté de cette année. On réalise aussi des pains d’épices et des ballotins de chocolats, très prisés pour les fêtes. C'est une production intense avec beaucoup à gérer en peu de temps. Il faut produire, et stocker la production. Ça commence à se vider petit à petit côté boutique, mais début décembre ça s’accumulait encore beaucoup, c’est volumineux et il y a quand même beaucoup de travail de la part de nos équipes. C’est impressionnant de voir toute cette matière qui dort. Pour le chocolat par exemple, vous ne pouvez pas faire à la demande, à flux tendu ? Le chocolat, c’est quelque chose qui se travaille de manière hebdomadaire, ce n’est pas une matière fraîche comme peut l’être une pâtisserie — une pâte à choux ou un millefeuille, par exemple, qui ont besoin d’être préparés frais du matin. Le chocolat, lui, se travaille davantage en amont, en respectant les rétroplannings. Avec une bonne organisation, on arrive ainsi à tenir les délais. Faites-vous appel à des renforts pour cette période ? Oui, nous prenons quelques personnes en renfort, principalement pour la production, l’emballage et en boutique. Cependant, pour le travail du chocolat non, ça demande un savoir-faire particulier qui ne s’improvise pas. Nos chocolatiers restent les maîtres d'œuvre. Quelques pâtissiers de la maison viennent en appui, mais cela demande une réelle expertise.Dans un contexte où beaucoup d’entreprises peinent à fidéliser leurs saisonniers, quelle est votre recette ? On n’a pas de recette magique. Nous essayons de bien nous occuper de nos équipes et de traiter les saisonniers comme les permanents. Nos équipes permanentes sont bienveillantes et forment efficacement les nouveaux venus. Ils ont accès à toutes les gourmandises aussi (rires). Beaucoup reviennent d’année en année, parfois même les frères et sœurs des anciens saisonniers. Cela nous fait plaisir et participe à cette ambiance familiale."Nous voulons rester une entreprise à taille humaine"La Maison Adam est ancrée dans une longue histoire. Vous faisiez déjà des macarons en 1660 ?La recette du macaron date de 1660, année du mariage de Louis XIV avec l’infante d’Espagne à Saint-Jean-de-Luz. À l’occasion de cet événement, mes ancêtres, comme d’autres commerçants luziens, ont offert ces fameux macarons aux mariés. C’est le point historique de notre entreprise, mais à l’époque le macaron c’était une recette ménagère. Puis les Adam ont eu deux filles dont l’une était détentrice du secret du macaron. Elle s’est mariée avec un basque espagnol d’Eibar, mon arrière-grand-père. Il a fui le régime espagnol pour vivre ici, il a pisté l’essor du commerce ici. Il a intégré des spécialités espagnoles, comme le turron. C’est là que la pâtisserie s’est développée dans la famille. Puis mes grands-parents ont créé les standards de la maison. Mon père a eu une vraie vision ensuite, et on l’a récupéré avec mon frère il y a six ans.Comment faire durer aussi longtemps une entreprise avec des produits aussi traditionnels et immuables ? Là où on peut s’exprimer le plus c'est dans la chocolaterie. Le chocolat se marie avec beaucoup de choses. On peut se faire plaisir. Pareil pour les gâteaux basques où nous faisons des éditions limitées. La difficulté, c’est que nous sommes connus pour nos spécialités, et que c’est donc difficile de toucher à des spécialités. Pour le macaron, par exemple, il est impensable de toucher à la recette d’origine. Des versions avaient été testées dans les années 2006/7 et abandonnées. Mais en effet, le macaron avant tout, c'est un produit qui se marie avec énormément de choses et qui peut donc se réinventer. On a eu à cœur de moderniser notre communication, notamment grâce à notre logo et nos campagnes.Avez-vous des ambitions de développement au-delà du Pays basque ? Nous comptons aujourd’hui 45 salariés et nous tenons à rester une entreprise à taille humaine. Je tutoie chaque membre de l’équipe, je connais leurs enfants, leurs passions. Cela participe à l’identité de la Maison Adam. La croissance pourrait exister, mais elle risquerait d'impacter notre qualité et notre fraîcheur, qui sont nos fondamentaux. Nous travaillons en revanche sur notre boutique en ligne depuis le COVID et nous ouvrons donc nos ventes petit à petit vers les pays proches.Côté RSE, vous misez sur quoi chez Maison Adam 1660 ? On part de loin parce que la génération précédente était plus concentrée sur le profit. Avec mon frère, on a remis des choses à plat, comme la provenance de nos matières. Les amandes sont désormais espagnoles, le sucre est français, le beurre aussi. Et côté RSE, on travaille aussi sur un packaging en métal, soit français soit européen. On a aussi remplacé le papier bulle par du carton.Parmi les projets RSE que vous avez aussi en cours, il y a aussi celui de la ferme que vous allez transformer à Saint Pée sur Nivelle, concrètement qu’allez vous y faire ? Effectivement, ce projet a été validé il y a un an et demi maintenant. L'idée, c’était de sécuriser un espace naturel pour la Maison Adam. On avait commencé à avoir envie de produire une partie de nos matières premières sans tomber non plus dans l'arrogance de l'autosuffisance. On voulait rendre à la terre ce qu'on lui prend, notamment en plantant des arbres, et en installant des ruches. En tant que jeunes dirigeants, on a une vision quand même d'être le plus propre possible. Et pour la ferme, on a commencé à travailler avec un architecte. Et donc l'idée, c'est que cette ferme soit un outil de travail qui permettra de transformer les productions récoltées dans les champs mais aussi de servir de lieu pour l'intégralité de nos salariés."J'ai beaucoup appris de l'épisode de la polémique de la ferme de Saint-Pée"Ce projet s'est retrouvé au cœur de l’actualité l’année dernière. Des militants avaient manifesté devant vos boutiques, dénonçant un projet spéculatif. Comment avez-vous géré cette crise en interne ? On a été très surpris avec mon frère. On était sur un projet agricole, naïvement, on pensait que ça ne poserait pas de problème. Mais une fois que le pétard est parti, on a fait une réunion de crise avec notre famille, directeurs et associés. On a tenu une ligne de conduite qui était de ne pas faire d’accroc, pas de violence verbale, physique. On a tenu bon. C’est compliqué de voir des personnes qui ne croient pas en notre projet. Ça n’a pas été facile, mais ça nous a servis de leçon. Moi, j’ai appris de cet épisode. Est-ce qu’on se remet en question quand tout ça arrive ? Est-ce qu’on envisage d’arrêter le projet ? La question s'est posée. Mais quand on s’est posé, on s’est répété un peu le pourquoi du comment de ce projet. Nous avons tenu notre ligne avec nos objectifs pour diriger notre Maison. Et jusqu’à présent on ne s'est pas trop mal débrouillé. Et on se dit qu’on était légitime avec ce projet, et qu'il n'y avait pas de mauvaises intentions derrière. Environ 90 adhérents Placéco ont répondu présent, et vêtus de leur plus bel accoutrement de Noël. Crédits : Julia Cauchois

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