Pyrénées-Atlantiques : le tourisme au défi de la décarbonation - Premium

« C’est le Graal », a commenté une participante venue de Savoie, à l’issue de la présentation ce mercredi aux Rencontres de l’e-tourisme, de l’outil mis en place par l’Agence Départementale du Tourisme des Pyrénées-Atlantiques (ADT 64). Le Graal ? Trois tableaux en apparence toute simple : l’un recense le bilan carbone moyen en kilogrammes de CO2 du voyage d’un touriste dans la région, selon sa région d’origine. Le second représente la dépense quotidienne moyenne des touristes, toujours selon leur région d’origine. Le troisième est une matrice, qui met en relation les deux premiers tableaux et donne, pour chaque origine, un rapport « dépenses quotidiennes / émissions de CO2 ». Un « outil d’aide à la décision », explique Emilie Roy, directrice marketing et communication de l’ADT 64, « qui permet d’agir pour décarboner le tourisme tout en faisant le moins de mal possible à l’économie locale ».Les touristes suisses et espagnols privilégiés aux Américains et aux BritanniquesAu niveau du Pays basque, donne-t-elle en exemple, le système met en avant les touristes venus de Suisse et du nord de l’Espagne. Les premiers ont un impact carbone moyen, car s’ils viennent principalement en avion et en voiture, leurs séjours sont en général plutôt longs ; et surtout, ils sont les plus dépensiers parmi les visiteurs du Pays basque. Quant aux touristes du nord de l’Espagne, s’ils sont les moins dépensiers de tous, leur impact carbone est également extrêmement bas. Ce sont donc ces deux zones d’origine, pourtant situées à des extrémités différentes du spectre des dépenses et de l’impact carbone, qui présentent le meilleur rapport « pollution sur dépenses ». À l’inverse, les touristes britanniques ou américains, dont le déplacement est particulièrement émetteurs en CO2, présentent un très mauvais rapport. « On a donc arrêté toutes nos actions de promotion sur le Royaume-Uni et les Etats-Unis », conclut Emilie Roy. Lyon et Marseille, conjuguant une longue distance à une forte utilisation de la voiture, ont connu le même sort. L’engagement du département est à l’unisson de celui de la région Nouvelle-Aquitaine. Une enquête de clientèle, réalisée sur 40.000 séjours touristiques, recense l’origine des touristes, leur type d’hébergement, leur moyen de transport, leurs activités et leurs dépenses. Objectif : mieux connaître la structure du bilan carbone du tourisme dans la région, et grâce à cette compréhension, identifier des leviers d’action. L’enquête a ainsi mis en avant le fait que 56% des émissions de gaz à effet de serre du tourisme néo-aquitain sont attribuables aux transports. L’alimentation représente 13% des émissions, les achats 10%, l’hébergement et les loisirs 9% chacun. D’où un constat : « Si 10% des touristes passaient de la voiture au train, cela ferait baisser les émissions de 2% », calcule Amandine Southon, Responsable tourisme durable & RSE au CRT Nouvelle-Aquitaine. « Si l’on augmentait de 10% la consommation de plats végétariens, on gagnerait 24.000 tonnes de CO2 par an. Par contre, si l’on réduit de 20% la consommation d’énergie dans l’hébergement, la baisse n’est que de 1% ».« Il y a plein de solutions de décarbonation au-delà du remplacement de l’avion par le train, insiste Cédric Chabry cofondateur de l’agence Kairn et animateur de la table ronde. On n’est pas obligé d’avoir un TGV reliant Paris à son territoire pour pouvoir agir. Il y a aussi le transport sur place, le fameux dernier kilomètre. Décarboner le dernier kilomètre, ça permet de décarboner toute la chaîne en amont », insiste-t-il : débarrasser le voyageur du besoin de disposer d’une voiture individuelle pour se rendre dans les sites touristiques, c’est aussi lui donner la possibilité de privilégier le train plutôt que la voiture pour visiter un territoire donné. « C’est une question d’infrastructure, d’équipement, mais aussi d’information du public autour de la mobilité en vélo, par exemple », conclut-il. Un enjeu sur lequel le département 64 est en pointe.Séjours bas-carbone : le Pays basque précurseur, le Béarn freiné par le manque de transports en commun« Nous avons créé 18 propositions de séjour bas-carbone au Pays basque », explique Emilie Roy. Conçus en partenariat avec les agences de voyage, les offices du tourisme… il s’agit d’offres de séjour de longueurs et thèmes différents, ayant en commun leur accessibilité en train, la présence d’une offre de mobilité douce sur place, ou encore des hébergements et restaurants engagés dans la réduction de leurs émissions. Côté Béarn, les premiers séjours bas carbone devraient voir le jour en 2024, et seront dans un premier temps au nombre de 4. « Il est plus compliqué de monter ces séjours en Béarn, constate Aurore Salaün, responsable du marketing territorial Pays Basque à l'ADT 64 et chargée du déploiement des séjours bas carbone. Les points d’intérêt touristique n’y sont pas toujours à-côté des transports en commun, et certains territoires de montagnes sont difficiles d’accès ». La vallée d’Ossau, par exemple, si elle est relativement bien desservie en hiver, est pratiquement inaccessible en été sans voiture individuelle. « À Pau, autour d’Oloron, il est facile de construire des séjours bas-carbone. Ailleurs, c’est plus compliqué. On doit contourner le manque de transports en commun en privilégiant d’autres solutions de mobilité douce, le vélo électrique par exemple ».

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