ESS : demain, Bordeaux sera-t-elle une ville « low-tech » ? - Premium

L’un des thèmes abordés cette semaine par la commission transitions économiques que Bordeaux préside dans le cadre de l’AIMF, était le low-tech. C’est un sujet sur lequel Bordeaux s’est peu positionnée jusqu’à présent… Oui, on en parle assez peu car tout est encore à construire. Même, j’ai envie de dire, à théoriser. Il y a de nombreux écrits, de nombreuses structures associatives qui travaillent sur ce sujet mais aujourd’hui, qu’est-ce qu’une ville low-tech ? On ne sait pas trop y mettre une définition, même si des rapports, des études ont été produits à ce sujet. Je pense notamment à « La ville low-tech », un rapport financé par l’Ademe et mené par l’Institut Paris Région. En début de mandat, nous avons nous aussi, à la Ville et la Métropole, cofinancé une étude qui s’appelle « Pour des métropoles low-tech et solidaires ». Mais on ne fait que défricher un sujet extrêmement large : la low-tech est très systémique, et nécessite de revoir intégralement notre façon de penser et d’arbitrer nos choix de ville. En questionnant nos besoins, nos recours aux hautes technologies, pour répondre à un certain nombre de problématiques. C’est un contre-pied énorme fait à la « smart city », concept qui s’écroule complètement en ce moment. Il s’agit d’un sujet systémique, dont pourtant peu de politiques s'emparent, pour l’instant… En effet, c’est d’ailleurs l’un des éléments qui est ressorti des échanges cette semaine : une participante soulignait le manque de volonté politique. Mais c’est aussi car on n’y voit pas encore assez clair, sur ce que serait une ville low-tech, et comment s’y prendre ! Quels sont les indicateurs ? Quand on est face à un projet que l’on mène, nous, ou celui d’un acteur privé qui veut s’installer sur le territoire, avec quel prisme le regarde-t-on ? Avec quels indicateurs se demande-t-on s’il est pertinent et low-tech ? Il faut pouvoir les définir, et je pense que l’une des suites possibles, et à mon sens souhaitables de ces travaux au sein de l’AIMF, c’est peut-être d’aboutir à un guide à destination des villes. Qui ne soit pas une liste de solutions low-tech, car celles applicables à Bordeaux ne seront jamais celles à Douala au Cameroun, ou en Amérique Latine, ou en Asie. Il faut des solutions adaptées aux territoires, aux ressources sur place, et aux réalités sociales et besoins des populations. Par contre, la démarche est similaire : avant tout, ce sont des questionnements.Créer des synergies sur notre territoireÀ Concarneau, en Bretagne, il existe une structure, le Low-tech Lab. Pourrait-on en imaginer une similaire, ici à Bordeaux ? Il en existe une, je l’ai cofondée avant d’être élu. D’ailleurs, elle est membre du Low-tech Lab. Mais au-delà de cette association qui végète un peu, il y a des acteurs qui entrent dans cette démarche low-tech. On peut citer l’Atelier Remuménage qui organise du transport et des déménagements en vélo-cargo, la Planche, un atelier dédié au bois qui permet aux professionnels comme aux particuliers de se former… Des acteurs qui ne se revendiquent pas souvent de la low-tech, mais qui en font. Tout dépend de ce que l’on met dans cette notion : est-ce l’opposition absolue à la technologie ? Non. Pour moi, c’est une définition qui évolue énormément en fonction des acteurs, et logiquement tous ne s’y retrouvent pas. Je pense que l’objectif de notre territoire, de notre Ville ou de la Métropole, c’est déjà d’arriver à les rassembler, à lancer une dynamique commune et partagée pour que des projets low-tech émergent. Aujourd’hui, on a des acteurs, mais pas de dynamique. Cette volonté prendra-t-elle de l’ampleur, en 2025, avec l’accueil du GSEF - le forum mondial de l’ESS - par Bordeaux ? Oui, on entre en plein dans le cadre du GSEF. Ce forum est toujours un endroit propice pour aborder des questions très innovantes, qui nous bousculent aussi car nous avons la nécessité de revoir notre manière de faire, nos projections en matière de mobilité, de production d’énergie, de transitions en général. Il y a deux ans au GSEF d’Abidjan, j’ai échangé avec le maire d’une commune en Afrique et c’est le premier à avoir parlé de low-tech. Il présentait l’aboutissement d’un projet d’assainissement, financé à coups de dizaines de milliards d'euros par des structures internationales, et était doté d’une salle de contrôle remplie d’écrans. Ce maire m’a dit : « C’est super, mais dans notre ville, nous n’aurons jamais les capacités humaines de maîtriser ces technologies. Ne pourrait-on pas réfléchir à des solutions low-tech ? » La low-tech, c’est l’un des concepts qui inversera le mieux les rapports Nord/Sud. Nous, pays du Nord, ne serons plus à nous positionner en modèles vis-à-vis de ceux du Sud - or pour l’instant, le développement international ressemble beaucoup à cela. Avec la low-tech, on inverse les rôles. Les villes du Sud ne vont pas nous imposer leurs solutions, par contre elles peuvent être des sources d’inspiration, pour nous permettre de requestionner nos modèles de développement.

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