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L’économie néo-aquitaine ralentie par l’incertitude, les dirigeants restent optimistes

Écosystème
jeudi 19 septembre 2024

Dans un contexte de forte incertitude, l'activité économique régionale confirme son ralentissement en 2024. Crédit : Banque de France

Confrontée à un choc d’incertitude lié notamment à l’environnement politique actuel, la Nouvelle-Aquitaine affiche à mi-année un ralentissement économique plus marqué que ce qui avait été anticipé en janvier. Panorama et analyse avec les prévisions économiques à mi-année par la Banque de France et la CCI de Nouvelle-Aquitaine.

« La crise sanitaire a bouleversé les équilibres mondiaux, on a observé un ralentissement de la mondialisation et on doit faire face à un monde plus fragmenté. » Ainsi est dessinée en préambule la toile de fond sur laquelle s’inscrivent les prévisions à mi-année de l’économie néo-aquitaine, proposées par la Banque de la France et la CCI régionale.

Une Europe en retard

Marie-Agnès de Montbron, directrice régionale de la France en Nouvelle-Aquitaine, continue de décrire le cadre. « Il y a beaucoup de tensions, notamment politiques, la moitié de la planète vote cette année. Mais aussi les conflits en Ukraine, au Moyen-Orient, des conflits commerciaux aussi. On observe un léger repli du commerce mondial. » La Chine, première usine mondiale, est à la peine, indique-t-elle, avec de profonds dysfonctionnements de son économie, une consommation domestique en berne, des entreprises qui peinent à investir, une crise depuis deux ans du secteur immobilier qui pèse un quart de leur production nationale, ce qui génère de forte surcapacités de production chez les industriels chinois. Lesquels doivent exporter au maximum, « quitte à provoquer des baisses de prix, notamment sur l’acier ». Du coup, les partenaires commerciaux ripostent par des mesures protectionnistes. Aux USA, la croissance marque le pas et des droits de douanes prohibitifs viennent riposter aux exportations chinoises. Et il y a une campagne électorale qui exacerbe les tensions et suscite beaucoup dans l’hypothèse où Donald Trump serait élu. Deux éléments de son programme inquiètent au niveau mondial : la taxation massive de toutes les importantes et sa possible remise en cause de l’indépendance de la FED. « C’est un vrai risque pour la stabilité monétaire », alerte Marie-Agnès de Montbron.


Prévisions de croissance au niveau mondial. Crédit : Banque de France

En Europe, la directrice régionale de la Banque de France annonce une bonne et une moins bonne nouvelles. La première est la lutte contre l’inflation, dont les taux gravitaient autour de 8% il y a deux ans. La hausse des taux décidée par la BCE « a plutôt bien fonctionné » avec aujourd’hui, en France comme en Europe, environ 2,2% d’inflation. Petite déception en revanche sur le niveau de croissance. « On a réussi à juguler l’inflation sans générer de récession, mais la reprise économique attendue n’est pas là, poursuit-elle, on a revu la contribution des ménages à la baisse et, du côté des entreprises, il y a de l’attentisme au niveau des investissements, prolongé par le contexte politique. » Le gouverneur de la Banque de France a dans ce cadre mis l’accent sur le rapport de Mario Draghi, ancien président de la BCE, qui a pointé un certain nombre de retards de l’Europe par rapport à l’Asie et aux USA, « des domaines où nous devons faire des efforts » : dans l’innovation, l’agilité et la rapidité des prises de décisions et le sens du collectif de l’ensemble des partenaires européens. En France, « on est sur un automne en demi-teinte, avec des indicateurs d’incertitude qui restent élevés ». Dernier point de cadrage national : la dynamique s’est inversée au niveau de l’inflation, aujourd’hui ce sont les salaires qui augmentent plus vite que les prix. « Ça devrait se traduire par des gains de pouvoir d’achat en 2025 », décrypte Marie-Agnès de Montbron, qui anticipe une très légère hausse du chômage en 2025, avant une petite décrue en 2026.

La Nouvelle-Aquitaine au ralenti

Jean-François Clédel, président de la CCI Nouvelle-Aquitaine, livre pour sa part un baromètre économique de toute première fraîcheur : l’enquête, auparavant effectuée début juillet, a cette année été menée entre le 26 août et le 13 septembre. Elle cible l’industrie, les services et la construction, avec des réponses pondérées par les effectifs des entreprises.


Solde des opinions positives et négatives des chefs d'entreprise néo-aquitains. Crédit : Banque de France

À mi-année, l’industrie régionale révise à la baisse des prévisions d’activité et de rentabilité. En contradiction avec les prévisions antérieures, l’industrie néo-aquitaine « parviendrait pas à accroître son chiffre d’affaires en 2024 », est-il souligné. L’industrie alimentaire apparaît plus largement pénalisée par le ralentissement des marchés export et la baisse de la consommation des ménages. A contrario, l’aéronautique s’appuie sur des carnets de commandes solides mais la supply chain a du mal à suivre et les difficultés de recrutement persistent. Globalement, les effectifs industriels régionaux devraient régresser d’1,9% cette année, une baisse qui impacterait plutôt les intérimaires. Corollaire, les intentions d’embauches se révisent à la baisse. La rentabilité devrait progresser mais les perspectives restent prudentes, compte tenu du manque de visibilité sur les augmentations de salaires. Les intentions d’investissement, encore favorables, apparaissent tempérées et s’orientent davantage vers la transition énergétique.

Concernant les services marchands, c’est une croissance globale d’1,8% du chiffre d’affaires qui est anticipée, même si le secteur transport-entreposage, confronté à un ralentissement de la demande sur le 1er semestre, révise le plus fortement ses prévisions et anticipe une légère baisse de son chiffre d’affaires. À mi-année, les intentions d’investissement se dégradent. Les effectifs devraient poursuivre leur consolidation, alors que les difficultés de recrutement s’atténuent.


Rythme des investissements selon la taille des entreprises. Crédit : Banque de France

Le secteur régional de la construction, pour sa part, connaît une situation compliquée, avec une prévision de baisse du chiffre d’affaires (-2,9%) plus importante qu’envisagé en début d’année (-2%). Dans le bâtiment, la contraction serait plus marquée dans le gros œuvre affecté par la construction de logements neuf, qui ne redémarre pas. Dans le second œuvre, l’entretien et la rénovation, notamment énergétiques, restent dynamiques mais les changements réglementaires successifs liés à la prime « rénov » ralentissent la signature des chantiers. Les entreprises de travaux publics tablent sur une baisse plus limitée de leur chiffre d’affaires, les carnets de commandes demeurent peu garnis, en dépit des appels d’offres des collectivités publiques. Les effectifs s’ajusteraient à la baisse, notamment pour les intérimaires et les départs d’effectifs permanents ne seraient parfois pas remplacés.

Les attentes des dirigeants

Quant aux attentes des chefs d’entreprise néoaquitains, elles se focalisent en majorité sur la réduction de charges fiscales et la simplification des déclarations, sur la réduction du coût du travail et les incitations à l’embauche. Au second plan arrive la facilitation de l’accès aux prêts et financements pour les entreprises ainsi qu’aux subventions pour les initiatives de transition et d’efficacité énergétique. Les dirigeants restent majoritairement confiants en l’avenir de leur entreprise (à 71%, vs 73% en début d’année), même si leur regard est plus pessimiste sur l’avenir de l’économie française en général. « On se dirige vers une fin d’année morose, mais on a évité le pire. Il y a des inquiétudes, de l’attentisme, mais on a aussi des raisons d’être optimiste », conclut Marie-Agnès de Montbron.


Principales difficultés rencontrées par les chef d'entreprise, selon la taille de leur société. Crédit : Banque de France

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