Teréga veut faire du CO2 une matière première - Premium

Depuis 2016, explique son Président et Directeur Général Dominique Mockly, Teréga explore des solutions de décarbonation, avec trois axes stratégiques. Les deux premiers sont bien connus : le biométhane et le transport et stockage d’hydrogène, sur lequel le géant gazier mise depuis longtemps et déploie de forts investissements. Mais à ceux-ci s’ajoute désormais un troisième axe : le CCUS, pour Carbon Capture, Utilisation and Storage, c’est à dire en bon français, la captation, le stockage et l’utilisation du CO2. « Si nous nous sommes d’abord concentrés sur le biométhane, le CO2 fait désormais partie de nos priorités en raison des fortes évolutions réglementaires qui impactent les industriels, explique Dominique Mockly. Avec la fin programmée des quotas gratuits de CO2 d’ici 2034, les entreprises vont devoir prendre des mesures radicales pour limiter leurs émissions ». À ses côtés, Antoine Charbonnier, directeur de la Business Unit CO2, souligne : « L’enjeu est de taille, car les industries ne pourront plus compter sur des quotas gratuits et devront trouver des solutions pour supprimer leurs émissions à un prix compétitif. » Pour Teréga, la solution réside, alors, dans la captation du CO2. « La plupart des industriels ont entamé une première phase de réduction d’émissions, mais ils atteignent vite une limite, celle des émissions dites incompressibles, qui ne peuvent pas être éliminées, insiste Dominique Mockly. Pour eux, capturer ce CO2 est une question de survie économique. » Le CO2 comme matière première Au-delà de la réduction des émissions, le CO2 capté pourrait aussi devenir une ressource. « Il y a un débat sur la question : le CO2 est-il un déchet ou une matière première ? » interroge Dominique Mockly. « Quand il est récupéré et concentré, il peut devenir une ressource pour certains industriels. Dans notre Appel à manifestation d’intérêt (AMI), huit entreprises locales ont d’ailleurs exprimé leur intention d’utiliser ce CO2. Pour six d’entre elles, il s’agirait de transformer cette matière en nouvelles molécules, tandis que deux autres l’intègreraient directement dans leurs processus industriels. » Teréga estime que le marché du CO2 est à l’aube d’une véritable structuration, appuyée par une demande croissante en applications industrielles. La consommation actuelle reste encore limitée, nuance Antoine Charbonnier : « Les besoins des secteurs aérien et maritime, qui nécessiteront des carburants synthétiques produits à l’aide de CO2, devraient permettre de développer davantage la consommation. Nous avons identifié un potentiel d’utilisation de 1,7 million de tonnes de CO2 à horizon 2030, et ce chiffre augmente à l’horizon 2040. »À lire également - Teréga s’associe à la Région Occitanie pour un hub gazier bas carbone Teréga compte sur le contexte géologique de la région, favorable au stockage souterrain du CO2. « En Nouvelle-Aquitaine et Occitanie, nous avons un potentiel de captation de 6 millions de tonnes de CO2 par an, soit plus de la moitié des émissions industrielles locales, et un potentiel de stockage évalué par l’Etat à 750 millions de tonnes. Parmi les réservoirs souterrains identifiés, dix sont déjà identifiés comme des sites à haut potentiel de stockage », expose Antoine Charbonnier.Ces sites potentiels répondent à des critères géologiques et techniques précis, mais doivent également tenir compte des enjeux d’acceptabilité. « Chaque site sera évalué selon sa viabilité technique et économique, mais aussi selon son intégration au niveau local », ajoute Antoine Charbonnier. Et si un projet incarne, à son corps défendant, cet enjeu de l’acceptabilité, c’est bien Pycasso. Ce projet vise à développer une infrastructure capable de gérer l’ensemble de la chaîne CCUS pour les industries de la zone sud-ouest. « Pycasso n’est pas seulement un projet de captation : il est conçu pour créer un maillage d’infrastructures de transport et de stockage au niveau régional, avec des liaisons potentielles entre les pôles industriels de Bordeaux, Lacq et Lannemezan », explique Antoine Charbonnier. Mais le nom est surtout connu, en Béarn, pour un point précis du projet : les études de faisabilité visant, à terme, à stocker du CO2 dans les gisements de gaz déplétés du bassin de Lacq. La perspective avait provoqué une levée de boucliers du côté des élus et industriels locaux. « Le site de Lacq aurait pu être un centre de stockage idéal, mais nous n’avons pas réussi à nouer un dialogue avec les acteurs locaux, regrette Dominique Mockly. Nous avons donc écarté cette idée, et nous cherchons d’autres secteurs où il sera possible de discuter d’enfouissement de CO2 de façon rationnelle. Il est primordial pour nous de travailler en bonne entente avec les acteurs locaux. » Inventer l'infrastructure CO2 des décennies à venirEn proposant une infrastructure locale de CCUS, Teréga entend offrir aux industries de la région un avantage compétitif. « Avec un stockage onshore, les coûts sont bien plus faibles que pour le stockage offshore, affirme Dominique Mockly. Les territoires capables d’offrir des solutions de CCUS locales attireront davantage d’industries. À l’inverse, ceux qui ne peuvent pas proposer de solutions de stockage et de réutilisation du CO2 risquent de perdre des entreprises dans le futur. » Antoine Charbonnier complète : « Nous voyons déjà certains industriels baser leurs décisions d’implantation sur la capacité d’un territoire à offrir des infrastructures de CCUS. » Ainsi, par exemple, du bassin de Dunkerque, qui, faute d’une solution de stockage locale, s’appuie sur l’exportation de son CO2 vers la Norvège et l’Angleterre. « En étant dans le sud de la France, il est d’autant plus essentiel pour nous d’avoir des infrastructures de stockage localisées, car nous ne bénéficions pas des solutions de stockage offshore du nord de l’Europe », ajoute-t-il. À lire également - Teréga se projette à dix ans avec son plan stratégique Gaïa 2035Les volumes de CO2 captés et stockés devraient initialement être gérés à l’échelle locale, avant de s’étendre progressivement. « L’objectif est de construire des boucles locales de stockage et de réutilisation, indique Dominique Mockly. « Nous avons imaginé un réseau de canalisations reliant Bordeaux, Lacq, Lannemezan, Toulouse et Port-la-Nouvelle, avec peut-être un raccord jusqu’à Marseille. Toutefois, ajoute-t-il, le marché dictera probablement la structure finale. Si un écosystème autour du CO2, par exemple pour produire du kérosène vert, se développe dans un pôle industriel, d’autres sites pourraient suivre cet exemple. » À ce jeu, la Nouvelle-Aquitaine et l’Occitanie pourraient sortir gagnantes, considère le PDG de Teréga : « Nous disposons des ressources géologiques, des capacités industrielles et des ambitions pour devenir un modèle dans la gestion du CO2. » Pour mener à bien ces projets, Teréga s’appuie sur des investissements conséquents. « Dans notre plan stratégique Gaïa 2035, nous prévoyons qu’à cet horizon, 50 % de nos investissements, soit environ 100 millions d’euros par an, seront consacrés aux gaz verts et à la décarbonation. Sur dix ans, cela représente 1,2 milliard d’euros, détaille Dominique Mockly. Ces investissements vont nous permettre de poser les bases d’un réseau d’infrastructures adapté aux besoins futurs de la région et de créer une économie du CO2 locale. » « Notre objectif est de rendre cette infrastructure opérationnelle d’ici 2030-2040, conclut Antoine Charbonnier. À l’heure actuelle, nous sommes en phase d’étude et préparons un inventaire technique des sites les plus propices. Une fois ce travail effectué, nous pourrons engager des discussions plus concrètes avec les autorités locales. »

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