Viticulture : « Il y a toujours eu de l’innovation, et souvent à Bordeaux » pour Bernard Farges (CIVB)
Bernard Farges, président du Conseil interprofessionnel des vins de Bordeaux (CIVB), du comité national des interprofessions des vins, et de Vinitech-Sifel. Crédits : CIVB
Le salon Vinitech-Sifel, dédié aux professionnels de la viticulture, se tient les 26, 27 et 28 novembre au parc des expositions de Bordeaux. 45.000 visiteurs sont attendus pour l’occasion, et 850 exposants, dont un quart d’internationaux. L’occasion de faire un point sur les défis que doit relever la filière, avec Bernard Farges, président du Conseil interprofessionnel des vins de Bordeaux (CIVB), du comité national des interprofessions des vins, et de Vinitech-Sifel.
Le salon Vinitech-Sifel s’ouvre ce mardi 26 novembre, dans un contexte de crise viticole. Cette dernière influence-t-elle le programme ?
Un salon n’est pas un outil de soutien de crise. C’est un outil qui permet de poser les choses, d’organiser des débats, des présentations, des réunions importantes s’y tiendront… Mais avant tout, il y a des exposants et des visiteurs qui doivent se rencontrer. Les exposants sont présents pour montrer leurs offres, et très souvent leurs innovations. Bien sûr en phase de crise, les attentes sont grandes à ce sujet… Mais pas seulement. La filière viticole française, représentée par les grandes organisations, travaille depuis pratiquement deux ans pour définir un cap pour l’ensemble des viticulteurs. Il comprend quatre plans - la réduction des surfaces, on le sait, la relance de la consommation, l’export, et donc l’innovation.
Sur ce dernier volet, de quoi parle-t-on ? Est-ce que ce sont des innovations techniques, d’usages ?
C’est en quelque sorte du pied de vigne à la bouche du consommateur. Il y a la question de l’adaptation de nouveaux cépages au changement climatique, des travaux en ce sens seront d’ailleurs présentés sur le salon. Sur la culture de la vigne aussi, il faut pouvoir mieux résister aux périodes de sécheresse, aux maladies… Tout cela rejoint un autre de nos piliers, la relance de la consommation. Comment faire pour répondre encore plus aux attentes des consommateurs ? Se pose notamment la question de la richesse en sucre, parfois trop importante du fait du climat, avec derrière une teneur en alcool élevée qui ne correspond plus aux attentes des gens.
Innover pour séduire de nouveaux consommateurs
Sur le packaging, on parle depuis quelques années de vin en canette, également une entreprise de Dordogne, Green Gen Technologies, a récemment présenté une bouteille en carton… qu’en est-il de ces nouveaux ou futurs contenants ?
Pour les canettes, pour l’instant ça ne prend pas beaucoup. Les Etats-Unis sont un marché important, en France nous savons que les consommateurs sont plus « traditionnels » dans leurs attentes. Le gros du travail est à mener sur les nouvelles générations, celles qui ne boivent pas ou peu de vin. Pour les convaincre, il faut des outils, des contenants auxquels ils sont habitués, et désacraliser un peu le produit. Même si la bouteille classique restera car les consommateurs ont des attentes différentes, et ne sont pas monomaniaques ! Ensuite, notre secteur vise la neutralité carbone, ou du moins à être le plus neutre possible. Notamment avec des emballages plus légers ! Donc oui, la bouteille en carton fait absolument partie des innovations. Je ne sais pas quelle part de marché elle gagnera, il y a 20 ans on n’aurait jamais imaginé cela car la décarbonation n’était pas le sujet.
850 exposants sont attendus cette année sur le salon. Crédits : Vinitech-Sifel
On sait que l’innovation est généralement plus importante en temps de crise. Les vins de Bordeaux se sont-ils en quelque sorte « reposés sur leurs acquis », avant que le contexte ne se dégrade ?
Il y a toujours eu de l’innovation, et souvent à Bordeaux. On fait à notre territoire le reproche d’une sorte de classicisme, pourtant toutes les alternatives, les innovations que l’on a pu présenter n’ont pas toujours rencontré de succès. Mais le sujet n’est pas que le Bordelais, la crise n’existe pas qu’ici ! Elle est très violente en vallée du Rhône, l’Australie arrache des vignes de rouge, la Californie aussi… Le sujet de la consommation de ce vin est valable partout dans le monde. C’est pour cela que nous devons nous rapprocher des générations qui ne nous ont pas suivis, et auxquelles on ne s’est jamais adressé en matière de produit, de packaging, de discours… Le succès du rosé est aussi venu de la simplicité dans le discours. Il faut être beaucoup moins enfermant, il y a toujours des amateurs qui voudront des détails, l’exposition des vignes, etc, mais d’autres veulent juste boire, se faire plaisir et qu’on les laisse tranquilles.
Vous avez mentionné l’export comme l’un des piliers de la stratégie pour sortir de la crise en France. La réélection de Donald Trump, aux Etats-Unis, contrecarre-t-elle vos ambitions ?
Elle changera un certain nombre de choses sans doute, du moins de ce qu’on peut lire, entendre et voir. Est-ce que son administration reviendra sur la mise en œuvre de taxes ? Personne n’en sait rien, donc on ne va pas crier avant d’avoir mal.