Reprise : comment Le Soulor a trouvé son nouveau dirigeant - Premium

« Depuis le début, on essaie de ne pas reproduire les erreurs de nos anciens », commence Philippe Carrouché. Quand son associé Stéphane Bajenoff avait repris, en 2016, un atelier de fabrication de chaussures au bord de la fermeture, pour en faire Le Soulor, « le précédent propriétaire était arrivé à la fin d’un cycle. Il n’avait pas fait entrer de jeunes, il n’avait pas organisé la reprise, il ne restait plus qu’un employé qui allait partir à la retraite… on s’est dit qu’on avait déjà eu tellement de mal à remonter cette entreprise à partir de zéro, qu’il aurait été dommage de refaire la même erreur ». Les deux entrepreneurs, à la tête de l'entreprise depuis six ans, et qui en ont fait une florissante PME, labellisée Entreprise du Patrimoine Vivant et largement reconnue en Béarn, sondent leurs enfants respectifs au sujet d’une éventuelle reprise… sans succès. Ils décident de chercher un repreneur à l’extérieur. « Quand on est une entreprise comme la nôtre, qui fait parler d'elle, les gens prêts à investir ne manquent pas, note Philippe Carrouché. Mais travailler, venir tous les matins, c’est autre chose. C’est plus compliqué. »À lire également - Chaussures : Le Soulor 1925, les montagnes béarnaises en étendardLes deux associés décident de se donner le temps de la réflexion. « On ne s’était pas donné de délai particulier, raconte Stéphane Bajenoff. On avait encore des perspectives de croissance, les finances sont saines… » Plutôt qu’une recherche active, ils décident de s’ouvrir aux propositions. « On en parle à quelques autres personnes, des entrepreneurs comme Arnaud Pouyanne, Benjamin Moutet, Arnaud de Belabre… des gens qui nous ressemblaient », explique Philippe Carrouché. Ils définissent un cahier des charges du repreneur idéal : quelqu’un de « plus jeune », possédant une « surface financière suffisante », et qui souhaite « s’ancrer dans le territoire ». « On a eu quelques contacts, raconte Stéphane Bajenoff, parfois des personnes très motivées mais sans moyens financiers, ou bien au contraire des gens qui avaient de gros moyens mais pas du tout la même vision que nous ». Deux ans plus tard, le repreneur idéal finit par faire surface.« Trouver du sens »« J’ai fait du conseil pendant vingt ans pour Accenture, raconte Jean-Baptiste O’Neill. Toujours autour de produits, de clients qui les fabriquent ou les distribuent, des acteurs de la grande distribution, de la mode et du luxe ». Après treize ans en France, il passe sept années au Moyen-Orient, en charge du portefeuille « distribution » du géant du conseil. « Une expérience géniale, qui m’a permis de grandir, d’apprendre plein de choses et de voyager. Mais à un moment donné, j’ai commencé à en avoir marre, à ne plus y trouver de sens », ajoute-t-il. Le moment de bascule, se souvient Jean-Baptiste O’Neill, vient alors qu’il se trouve aux Emirats arabes unis, et anime un groupe de réflexion avec des jeunes du lycée français. « On parlait d’environnement, d’écologie, et j’ai vu des jeunes d’un pessimisme, d’un niveau d’anxiété stupéfiant. Je me suis pris une claque, raconte-t-il. Je me suis demandé quel sens avait ce que je faisais, quel rouage j’étais dans le monde… est-ce que c’était ça, le monde que je veux pour moi, pour mes enfants ? » Il rentre alors en France pour « faire un pas de côté et réaligner ma vie ». Mais avec, pour celui qui me renie pas sa fibre entrepreneuriale, l’idée de reprendre une entreprise fabricant « des produits qui soient locaux, beaux, sains, utiles, et avec un beau savoir-faire ». Pas grand-chose ne prédispose ce Breton de naissance à chercher cette entreprise en Béarn, sinon des souvenirs d’enfance dans une maison de campagne à Buros. Mais, dit-il, « ces entreprises, on les trouve surtout dans les régions qui ont une forte identité. Donc, le Béarn, ou le Pays basque, faisaient partie des endroits que l’on regardait. Puis, mon épouse, qui est dentiste, a eu une opportunité à Bayonne et on a choisi les Pyrénées-Atlantiques. » Un ami le met en contact avec Arnaud de Belabre, et celui-ci, au fait des envies de reprise du Soulor, joue les entremetteurs. Le courant passe et, fin 2023, l’affaire est conclue.Travail sur la marque« Ce par quoi je voudrais commencer, c’est par un travail sur la marque, annonce le nouveau président du Soulor. Il y a ici un savoir-faire fantastique, maintenant, il faut travailler sur celui-ci. On a donc engagé une agence spécialiste des Entreprises du patrimoine vivant, qui va nous rejoindre dans quelques jours et nous aidera sur notre marque. Quelle est notre mission, notre vision, nos valeurs ? Qui sont nos clients, que veut-on leur transmettre ? Quelle est la ligne éditoriale de nos canaux de communication physiques et numériques ? Nous allons définir un cap très clair là-dessus pour amplifier le flux dans nos boutiques existantes à Paris et à Pau, et sur notre site internet. »À lire également - Jacques Pédehontaa : « Le Béarn a de très nombreux marqueurs pour développer sa notoriété » Conséquence de cette nouvelle approche, le développement des ventes à l’international, sur lequel travaillaient les précédents dirigeants, est « un peu dépriorisé », assume le repreneur. « Je veux qu’on aie d’abord une notoriété plus forte sur notre marché cœur. Je ne veux pas prendre le risque d’investir sur le développement international tant que l’on aura pas défini la marque. Quand cela aura produit les fruits escomptés sur notre marché naturel, la France puis l’Europe, on ira se faire connaître un peu plus loin. » Et d’ajouter : « On produit aujourd’hui 200 paires de chaussures par mois, on peut doubler facilement ce nombre en restant dans les murs. Et on ne manque pas de place autour pour aller encore plus loin s’il le faut. » Un doublement de la production qui ne sera possible, prévoit Jean-Baptiste O’Neill, qu’au prix d’un travail sur la scalabilité de l’entreprise. « Aujourd’hui, on a un processus de travail artisanal. Si on veut doubler notre production, il va falloir travailler différemment, en matière d’organisation et de gestion du back-office. » À ses côtés, Stéphane Bajenoff et Philippe Carrouché hochent la tête. La transition se fait en bonne intelligence, les ajustements de stratégie également. Si Jean-Baptiste O’neill a racheté la totalité des titres du Soulor, ses prédécesseurs restent ses « conseillers » pour « une période d’accompagnement que l’on a définie avec Jean-Baptiste, explique Philippe Carrouché. C’est lui qui est le maître à bord maintenant, et s’il a des difficultés, il pourra toujours nous appeler ». « Nous avons posé les bases de la notoriété du Soulor en Béarn et dans le Sud-Ouest, approuve Stéphane Bajenoff. À Jean-Baptiste de faire notre notoriété au niveau national. »

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