« Il faut être fou pour faire des vélos en France » - Premium

Après une croissance exceptionnelle, le marché du vélo revient à la normale. L’euphorie de la période Covid-19 passée, de nombreux acteurs du secteur sont dans le mal. « On est tous impactés », reconnaît Xavier Bonelli, fondateur de Maa Bikes. Dans ce contexte aux vents défavorables, le patron parvient à tenir le cap. Les clés de sa résilience résident dans son ancienneté, une agilité à toute épreuve et une stratégie commerciale orientée vers les entreprises. Les trois années exceptionnelles passées (2020-2022), un certain retour à la normale est de rigueur. Avec 32% en 2020, 28% en 2021 et 12% en 2022, le marché français marque un repli sur 2023 (-9%) et 2024 (-15%). Si on prend du recul néanmoins, les chiffres actuels demeurent nettement supérieurs au chiffre d’affaires pré-covid ( 56% par rapport à 2019). Mais après cette folle période, l’heure des comptes a sonné. « La baisse du marché particulier est en train de provoquer un gros écrémage », constate Xavier Bonelli. Quand des géants du secteur souffrent à l’instar du groupe Accell (leader européen), des startups abandonnent (Angell Bikes) et même des entreprises locales disparaissent les unes après les autres (Coleen, Larrun, Sodium Cycles… toutes trois basées sur la côte basque). Dans ce marasme, Maa Bikes parvient à surnager. Tout d’abord grâce à l’expérience. Sur le marché du vélo depuis 2013, l’entreprise n’est pas née de l’opportunité Covid et possède donc quelques longueurs d’avance. Mais le maintien de l’activité provient surtout d’un choix commercial. Des choix forts et engagés En parallèle d’un réseau de revendeurs aux quatre coins de France, Maa Bikes s’est très tôt tournée vers les entreprises pour vendre ses vélos. Avec son best seller, le fat bike, elle séduit une clientèle dans divers secteurs d’activités. Le réseau immobilier Orpi, la chaîne de télévision TF1, le fast-food landais Jack’s Burgers, ou encore les centres E. Leclerc de Soustons, Linxe et Oloron, tous ont acquis des vélos Maa Bikes pour leurs salariés. Mis à disposition des collaborateurs pour leurs trajets domicile-travail, le vélo est vendu au prix public, améliorant ainsi la marge de l’entreprise. « Avec cette clientèle, sur un contrat, on vend 30, 50 ou 80 vélos d’un coup », se réjouit le dirigeant. Son objectif, réaliser 80% de ses ventes auprès des entreprises, demeure réalisable tant que la fiscalité reste favorable. « Elles peuvent défiscaliser plus de 50% du prix du vélo sur quatre ans », précise-t-il.Le fat bike, à l'aise dans la nature comme à la ville. Crédit photo : Maa Bikes Outre ce choix stratégique, la société basée à Seignosse évolue tout en souplesse à travers le temps. « Nous ne sommes pas nombreux car on a choisi de sous-traiter afin d'avoir des frais fixes faibles », précise le chef d’entreprise. Aux salariés s’ajoutent un community manager et une responsable marketing en freelance ainsi qu’une équipe d’une quinzaine de personnes chez FMS. Dans les locaux de cette dernière à Saint-Geours-de-Maremne, des collaborateurs en situation de handicap assemblent les pièces. C’est un choix fort de la part de Maa Bikes. Non seulement, elle rapatrie la production en France mais en plus, elle opte pour l’inclusion sociale à travers ce partenariat avec une entreprise adaptée. « Les salariés reçoivent les cadres, puis ils passent les fils, montent les dérailleurs, les pédales », détaille Xavier Bonelli. Ainsi, la marque landaise peut s’enorgueillir d’un « fabriqué en France ». Mais cette volonté a un coût. Victime de la guerre commerciale La chute des ventes auprès des particuliers s’explique notamment par les prix devenus inaccessibles pour beaucoup de consommateurs. Chez Maa Bikes, le best-seller se vend entre 2.950 et 3.500 euros. « Les vélos coûtent cher à cause des taxes européennes », pointe l’entrepreneur. « Les cadres viennent de Taiwan ou de Chine, les dérailleurs du Japon, nous n’avons pas le choix, or l’Europe nous impose une taxe de 48% sur nos importations. » Au final, aux 1.000 euros de pièces s’ajoutent 480 euros de taxes puis la main d'œuvre pour le montage, la marge du revendeur et la TVA. D’autant plus qu’à chaque importation, il faut immobiliser la caution aux douanes et parfois attendre longtemps. « L’an dernier, notre container est resté bloqué pendant trois mois, alors que nous avions 400 commandes en attente, mais sans ses pièces pas de vélos et donc pas de chiffre d’affaires. » Aujourd’hui, Xavier Bonelli le reconnaît, « il serait plus facile de faire venir des vélos complets depuis la Chine ». Même si la marge se réduit avec la fabrication en France, le fondateur de la marque croit en ses valeurs. Pour lui, l’impact d’une entreprise ne se résume pas à son bénéfice financier mais à ce qu’elle peut essaimer sur son territoire. Générer de l’emploi, favoriser l’inclusion et développer des vélos dont l’usage s’avère positif pour la planète et pour les utilisateurs. Voici aussi des missions dont doit se soucier une entreprise. Envers et contre tout, Xavier Bonelli poursuit avec conviction, même si « tout le monde dans le milieu dit qu’il faut être fou pour faire des vélos en France ». Quand certains soulignent le marasme dans le marché du vélo, Maa Bikes perçoit en cette période un assainissement nécessaire. Pour voir plus loin, l’entreprise landaise se projette sur un partenariat avec Pragma Industries pour imaginer un vélo à hydrogène. Elle espère aussi une évolution de la réglementation afin de faire chuter le taux de taxe appliqué de 48% vers un pourcentage plus facilement absorbable. Maa BikesAnnée de création : 2013Implantation : SeignosseEffectif : 5 personnes CA en 2023 : 2 M€

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