EXCLUSIF : Le torchon brûle entre les actionnaires de Tudigo - Premium

Tentative de prise de contrôle à vil prix, alliances et trahisons, déstabilisation, échange de noms d’oiseaux et de courriers d’avocats, petits actionnaires pris à témoin… C’est un petit Dallas sauce bordelaise qui se joue actuellement autour de Tudigo, plateforme dédiée à l’investissement non côté. Même s’il semble d’abord être question de « business as usual » ainsi que le résume l’un des acteurs du dossier, il y aurait bien là plus qu’une « tempête dans un verre d’eau » comme cela a pu nous être rétorqué.Geev, inHeart, Kahe Nautic, Space Cargo Unlimited - pour évoquer des sociétés girondines - mais aussi Alegria.group, Botanie, Helios ou encore Le Train… Tudigo a accompagné le financement de nombreuses entreprises innovantes, souvent qualifiées « à impact » et relayées comme autant de success stories, même si certaines connaissent aussi des difficultés. Doublant de taille tous les ans, financièrement et humainement, affichant ses ambitions dans le domaine du private equity, la plate-forme bordelaise Tudigo (quelque 70 salariés) traverse aujourd’hui de sérieuses turbulences, agitée par des conflits internes entre ses principaux actionnaires.Parmi ceux-ci figurent principalement Alexandre Laing (cofondateur et CEO), Stéphane Vromman (cofondateur et président), actionnaires à hauteur de 45% chacun. Mais aussi Pierre-Etienne Lorenceau, entré au tour de table à l’occasion d’une précédente réorganisation du capital, à hauteur de quelques pour cent. Selon plusieurs sources, fin août 2024, Stéphane Vromman annonçait aux équipes de Tudigo sa prise de recul opérationnelle. Puis, en décembre dernier, sa volonté de quitter l’entreprise. « Il n’était plus actif depuis pas mal de temps, après qu’on a découvert beaucoup de problèmes sur ses pôles et qu’on a essayé de mettre en place une nouvelle organisation », nous indique l’un des proches du dossier. Une nouvelle organisation qui commençait à porter ses fruits semble-t-il, Alexandre Laing évoquant pour sa part, sur janvier-février 2025, une croissance de l’activité de 30% par rapport à la même période de l’année passée.Manœuvres en coulisseDepuis la fin de l’année 2023, Tudigo avait sollicité Guillaume-Olivier Doré et ses sociétés Source Private Equity (SPE) d’une part, CCCD d’autre part, pour des missions et contrats d’accompagnement. « J’ai travaillé avec Tudigo pour les aider à se transformer en fonds d’investissement », confirme à Placéco l’entrepreneur, par ailleurs président et cofondateur d'Impact Source, fonds de fonds dédiés aux fonds d'investissements à impact. Des missions qui ont brutalement cessé il y a peu, même si les récits divergent sur les raisons et le véritable preneur de cette décision. Rupture unilatérale subie ou lancée à l’initiative de Guillaume-Olivier Doré ? Les versions ne s’accordent pas… « À l’occasion de ces prestations, nous avons identifié des difficultés graves qu’il convient de corriger, ce que ne souhaite pas entendre Stéphane Vromman », indiquait ainsi Guillaume-Olivier Doré il y a quelques jours dans un mail envoyé aux actionnaires de Tudigo Partners. Un message qui faisait suite à la réunion d’associés tenue le 6 mars dernier, au cours de laquelle des noms d’oiseaux auraient circulé, ainsi que des propos peu amènes de Pierre-Etienne Lorenceau sur le travail mené par SPE, CCCD et leur dirigeant. Des « allégations désobligeantes concernant la qualité de leurs prestations, leurs coûts, ainsi que l’opportunité des orientations proposées », peut-on ainsi lire dans un courrier d’avocat représentant les intérêts de Guillaume-Olivier Doré et ses sociétés, missive envoyée comme « correspondance officielle » à Pierre-Etienne Lorenceau, le mettant en demeure de « cesser toute communication susceptible de porter atteinte à la réputation » des sociétés citées et de Guillaume-Olivier et ses sociétés.Pierre-Etienne Lorenceau, à la faveur de sa position d’actionnaire minoritaire indépendant, aurait « proposé son aide en tant que médiateur » en fin d’année dernière, au moment où Stéphane Vromman s’annonçait comme démissionnaire. Selon plusieurs sources, il aurait utilisé cette position pour commencer à organiser un rachat des parts de Stéphane Vromman. Des promesses de vente auraient été signées dans ce cadre. Concomitamment, le 21 décembre dernier, Stéphane Vromman aurait nommé Pierre-Etienne Lorenceau président de Tudigo Partners. Ce qui permettrait théoriquement à ce binôme d’avoir 52% de Tudigo et de mettre les mains sur les manettes. Une manœuvre que l’on pourrait qualifier d’inamicale, entre tout cas non concertée avec le cofondateur Alexandre Laing. Une tentative « d’OPA très sauvage », entend-on au fil des récits, au cours de laquelle celui qui s’était avancé comme médiateur aurait parlé d’audits indépendants menés pour le compte de Tudigo Partners, alors qu’il s’agirait en fait de procédures de due diligence, c’est-à-dire l’ensemble des vérifications qu’opère un éventuel investisseur ou acquéreur pour se faire une idée précise de la situation d’une entreprise. « Il essaye de mettre la main sur Tudigo au plus bas prix possible », estime ainsi ce fin connaisseur du dossier.Quelles possibilités de sortie de crise ?Guillaume-Olivier Doré, pour sa part, confirme par ailleurs avoir, pendant un temps, mis sur la table sur le sujet d’un possible plan de reprise de Tudigo, différent de celui de Pierre-Etienne Lorenceau. « Un sujet qui avait été rapidement évoqué dans une réunion, évacue-t-il, mais ça n’a pas été beaucoup plus loin, car j’ai constaté que les conditions relationnelles et humaines n’étaient pas réunies pour que les choses se passent de manière sereine et structurelle. » Et d’estimer que, dans cette situation, « on tire sur l’ambulance », c’est-à-dire sur lui-même, alors même que les missions auraient été payées sans barguigner par Stéphane Vromman, qui gardait la main sur les finances, missions sur lesquelles Alexandre Laing n’aurait « absolument rien à redire », rapporte Guillaume-Olivier Doré. « Je suis plutôt dans la position de la victime expiatoire, qui est entre le marteau et l’enclume. » Pour sa part, Alexandre Laing, constatant que le linge sale n’est plus lavé seulement en famille, tente de reprendre la main. Même si ses leviers sont pour l’heure limités. « C’est moi qui ai développé Tudigo jusque-là, j’ai essayé de tenir la baraque, notamment encore la semaine dernière, malgré les troubles que les communications de l’un et de l’autre ont occasionnés, à l’interne comme à l’externe », indique-t-il à Placéco. Sa priorité ? « Mettre fin au conflit. J’ai demandé à plusieurs reprises la nomination d’un [autre, ndlr] médiateur. » Une perspective que refuserait pour l’instant Stéphane Vromman et qui semble donner quelques sueurs froides à Pierre-Etienne Lorenceau. Les actionnaires de Tudigo Partners tentent de démêler et de comprendre la situation, découvrant à la tête de leur structure un président « élu en cachette le 21 décembre ». Alexandre Laing, pour l’heure, n’aurait pas le moyen de révoquer Pierre-Etienne Lorenceau de cette présidence ni de nommer un nouveau médiateur. Il n'en aurait pas le pouvoir légal. Les actionnaires, en revanche, s’ils sont plusieurs et représentent au moins 5% du capital, peuvent convoquer une assemblée générale. « Je pense qu'il est urgent de ramener de l'objectivité et de la neutralité dans les débats », appelle de ses vœux Alexandre Laing.

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