Comment Bihur fait de l’upcycling de coproduits et biodéchets - Premium

« Ces biscuits sont réalisés à partir de drêche ». La mention au bas du paquet des nouveaux biscuits apéritifs de la marque Abarratia a de quoi surprendre. En effet, la brasserie Eragin Fabrika à Ayherre s’est rapprochée de Bihur afin de collecter ses coproduits de brasserie, à savoir de la drêche, pour les transformer.« Ces déchets, dont on ne sait pas quoi faire, nous, on a décidé de les réutiliser » démarre Pierre Etcheverry, associé de Mattin Eppherre dans le projet Bihur. « En faire un produit noble dans diverses applications ». Du basque « transformer », Bihur porte bien son nom. En effet, la société source les déchets des entreprises, notamment d'agroalimentaire, comme la drèche, pour les transformer en matière première, afin de concevoir de nouveaux produits. Dans le cas du projet en partenariat avec Eragin Fabrika, la drêche est récupérée, puis « on la déshydrate, on en fait une farine, dont on a fait des fiches techniques » poursuit Mattin Eppherre. À partir de ces fiches, Bihur a créé des recettes d’utilisations possibles de cette matière première. Mais le travail de Bihur ne s’arrête pas là puisque l’entreprise trouve également l’autre maillon de la chaîne, en l'occurrence, le marché, et le client potentiellement intéressé par cette matière. Dans le cas d’Eragin, le fournisseur de coproduit est aussi l’un des clients puisqu’à la fin de la boucle, l'entreprise d’Ayherre rachète les biscuits conçus chez un biscuiter de Monein, réalisés à partir de sa drêche avant de les commercialiser sur ses réseaux habituels. « En fait, on a bouclé la boucle avec l'entreprise Eragin, on arrive à collecter leurs déchets, les transformer, les revaloriser sur un secteur qui les intéresse » souligne Mattin Eppherre.Agroalimentaire et cosmétiqueEn parallèle, Bihur est en phase de lancement avec la minoterie Etche de Soule qui fournit une trentaine de boulangeries du sud ouest. « On a développé un pain avec des boulangers partenaires et on a été voir Etche pour qu’ils distribuent cette farine » explique Mattin Epphere. Avec une recette qui donne « un pain équivalent un peu au pain complet » commente l’entrepreneur. « Mais on n’a pas vocation à le distribuer nous-même » nuance-t-il, voulant se distinguer d’autres projets similaires. Des projets comme Résurrection en Gironde qui entendait aussi réutiliser sa propre drêche pour en faire des biscuits, et les commercialiser, mais a été liquidée l’année dernière. Justement, pour se différencier de ses concurrents, et notamment de ceux qui n’ont pas réussi à aller jusqu’au bout, il mise non pas sur de grosses levées de fonds, mais plutôt sur « des reins solides capables de soutenir nos ambitions ». Pierre Etcheverry précise avoir « les ressources, et avoir développé un savoir-faire technologique, et une ingénierie de transformation ». Mattin Eppherre d’ajouter qu’à la différence de Résurrection, il a « comme vision la création de filière, et de traiter des volumes de déchets », et donc ne pas se contenter de traiter sa propre production de drêche.Au-delà de transformer les coproduits et créer des filières à l’issue, Bihur entend aussi répondre aux problématiques des entreprises qui cherchent justement à intégrer des coproduits à leurs productions. Que ce soit par conviction, ou incitées par la réglementation, de nombreuses entreprises cherchent à trouver des alternatives. « Il y a des gens qui cherchent un sourcing, mais il y a un chaînon manquant » justifie Mattin Eppherre. Drêches, cuirs végétaux, Bihur veut être ce chaînon manquant et fournir des fibres de coproduits qui répondent aux caractéristiques exigées par leurs clients. « Et surtout derrière être capable d’assurer une fourniture industrielle, les clients ne peuvent pas se permettre d’être en rupture d’approvisionnement au bout de six mois » ajoute l’entrepreneur. Et c’est l’un des enjeux de la jeune société. Car si pour réaliser la farine à biscuit ou à pain, le fournisseur pouvait n’être qu’une entreprise, pour se développer et assurer la quantité nécessaire à son développement, Bihur sait qu’elle devra chercher plus loin. « C’est aussi notre travail, de trouver des gisements qui peuvent être compatibles avec l’utilisation » poursuit le chef d’entreprise. D'autant que le marché est en train de se développer autour de la réutilisation de coproduits, boosté par une réglementation plus stricte imposée aux entreprises de l’agroalimentaire. Et faire peser le risque d’une concurrence autour de la revente de ces coproduits, récupérés jusqu’alors gratuitement. « C’est vrai pour les industriels, mais pour une brasserie artisanale, c’est plus compliqué pour eux de facturer les déchets parce qu’ils ont des productions irrégulières » assure le chef d’entreprise. Des brasseries artisanales que démarche Bihur, et qui « jouent le jeu » selon Mattin Eppherre.Déménagement prochainBihur récupère aussi des pépins et peaux de kiwi ou encore du piment. Pas pour fabriquer de la farine, mais de la poudre pour la cosmétique. Car l’autre client potentiel de la société sont les laboratoires et acteurs du monde de la cosmétique. Enfin, dernière voie explorée, celle des biomatériaux qui peuvent être intégrés dans la plasturgie, le textile ou encore l’ameublement. Le développement de solutions d’emballage à partir de coproduits fait partie de leurs pistes pour l’avenir. Depuis son site basé à Bardos, l’entreprise dispose d’outils de déshydratation, de broyage, de micronisation, de tamisage et de conditionnement. Un investissement de 200.000 euros pour lequel Bihur a été aidé par la Région Nouvelle-Aquitaine. Dans l’avenir, « si le besoin devient industriel, nous aussi, on va travailler sur notre outil de transformation » anticipe Mattin Eppherre. D’ici la fin de l’année, Bihur va déménager à Ayherre dans un local de 1.000 mètres carrés. Non loin de l’un de leurs principaux fournisseurs, Eragin Fabrika. Si l’entreprise est bien implantée au Pays basque, Mattin Eppherre ambitionne « de devenir une référence de la valorisation de coproduits » au niveau national, et « d’adresser tous les industriels avec qui on travaille actuellement et être reconnu pour ce savoir-faire ».

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