Nouvelle-Aquitaine : les investisseurs se recentrent sur les levées d’amorçage - Premium

Selon votre dernier baromètre, la Nouvelle-Aquitaine se positionne à la cinquième place des régions françaises, en valeur totale des opérations. Est-ce un palmarès stable ? De mémoire, l’an dernier, la Nouvelle-Aquitaine avait terminé troisième. Mais c’est un podium très lié à la manière dont les opérations se bouclent dans le temps - c’est d’ailleurs pour cela que la publication, jusqu'alors trimestrielle, est devenue semestrielle, car on peut avoir de très grandes variations en peu de temps. Après, la région est troisième en nombre d’opérations - on voit là un vrai dynamisme, et une montée en puissance depuis 2022. En 2015 il y avait eu 17 opérations au premier semestre, 22 en 2022, 32 en 2023, et aujourd’hui nous sommes à 38. Pour autant, le montant global de ces 38 levées, qui s’élève à 142 millions d’euros, est en baisse de 17% sur un an… Comment expliquez-vous cela ? Est-ce une anomalie ou un retour à la normale après des années fastes ? Il y a plusieurs explications, et la première tient en une levée de fonds, bouclée en février 2023 : celle de The Exploration Company qui s’élevait à 40 millions d’euros. Donc forcément, d’une année à l’autre il y a un grand écart. Ensuite, je pense que la Nouvelle-Aquitaine s’inscrit tout de même dans une tendance que l’on observe en Europe comme en France, de stabilisation des montants. On n’est plus du tout au niveau de ce qu’on pouvait avoir en 2022. Cet écart, et je partage vos propos sur un retour à des conditions normales de valorisation, est intrinsèquement lié à la baisse du nombre de très grosses opérations. Typiquement en France, on a quand même eu deux fois moins d’opérations supérieures à 50 millions, ce semestre, qu’en 2022…En chiffres : ☞ 38 levées de fonds néoaquitaines ont été bouclées au premier semestre 2023 ( 3%), pour un montant global de 142 millions d’euros (-17%). ☞ Le ticket moyen s’élève à 4,2 millions d’euros (-12%).Pourtant, on l’a dit, la Nouvelle-Aquitaine est dynamique en nombre d’opérations, et progresse même de 3%. On assiste donc à un recentrage des levées ? Exactement, c’est un recentrage des investisseurs sur des tickets d’amorçage, inférieurs à deux millions d’euros. Au premier semestre 2023, 50% des investissements entraient dans cette catégorie, aujourd’hui on est à 60%. Peut-être que ça rassure les investisseurs, du moins c’est une volonté de diversifier les risques - quand vous avez des tickets plus petits, vous êtes moins exposés à des défaillances, ou a minima à une croissance moins pertinente, que si vous injectez cinq ou dix millions d’euros. Et puis, il y a toujours une recherche de startups disruptives, qui portent une technologie plutôt de rupture. Le fait de les accompagner très tôt permet d’avoir encore des valorisations acceptables, atteignables pour pas mal d’acteurs qui peuvent multiplier les opérations.Des investisseurs plus attentifs à l'impact des startupsOn voit dans votre baromètre que la plus importante levée néoaquitaine s’élève à 35 millions d’euros, et concerne une startup « engagée environnementalement », Exoès. L’aspect responsable devient-il un critère incontournable ? Ce n’est en effet pas un hasard, là encore on entre dans la même tendance européenne et française. On voit que deux sujets sortent du lot, l’IA et la cleantech, qui sont parfaitement cohérents, malheureusement, avec les enjeux que la planète peut avoir et qui créent de réelles opportunités de développement. D’ailleurs, la deuxième levée de fonds de la région est celle du Landais Materrup, qui produit du béton bas carbone. Il y a une vraie volonté de limiter l’impact de certaines technologies, certaines activités, et les investisseurs eux-mêmes sont plus regardants sur l’impact de leur portefeuille, le reporting ESG [ndlr, environnemental, social et de gouvernance] qu’ils ont sur leurs différentes lignes. Qu’en est-il, alors, des startups qui ont ces dernières années bouclé des tours de table avec d’énormes valorisations ? Je pense que ce sera compliqué pour elles, d’autant plus que le second semestre 2024 s’annonce particulièrement incertain. La situation politique française a quand même changé, on n’a pas encore de majorité claire, ni d’orientations clarifiées et assumées. Ça crée une situation d’incertitude et d’attentisme de la part des investisseurs, qu’ils soient français ou étrangers. Aujourd’hui il est difficile de savoir si tout cela remettra en question la viabilité des startups concernées, mais ce qui est certain c’est qu'à minima, ça les oblige à différer leurs gros investissements, et probablement à ralentir leur croissance, faute de réussir à trouver des relais d’investisseurs. Après, de là à ce qu’ils se décident à passer outre-Atlantique pour en trouver… Ça reste une possibilité, même si je pense qu’ils se laisseront du temps avant de sauter le pas.

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