Micro-entreprises : « L’envie de monter un projet en adéquation avec ses convictions »
L'Adie a tenu son assemblée générale le 7 mars. Crédits : Adie
L’Adie, association pour le droit à l’initiative économique, soutient depuis 1993 des porteurs de projet dans la création de leur micro-entreprise. Elle publie son rapport d’activité 2023, et se projette, pour accompagner davantage ces entrepreneurs vers la transition écologique. Explications avec Jean-Marc Ewald, directeur régional de l'Adie.
Que retenez-vous de votre bilan de l’année 2023 ?
Nous avons accompagné 4.500 personnes, et nous en avons financé 2.700. Cela porte notre encours bancaire à 21 millions d’euros, en hausse par rapport à l’an dernier. C’est une année satisfaisante pour les entrepreneurs je pense, la soif de créer est toujours aussi présente. Mais dans un contexte où il faut plus structurer les choses, nous avons mis l’accent sur notre accompagnement, et sur la question des fonds propres. 58% des personnes que l’on aide sont en dessous des minimas sociaux, ce sont des gens qui n’ont pas d’argent, donc il a fallu mettre en place des mécanismes de fonds propres pour assurer l’activité, au démarrage. Notamment avec des dispositifs de primes - 188 ont pu être distribuées -, et 480 prêts d’honneur.
Est-ce que le contexte économique compliqué a eu un effet sur l’activité de l’Adie, et donc sur les porteurs de projet ?
Oui et non. On s’adresse à des personnes qui n’ont pas accès aux crédits bancaires, notre mission est de les accompagner pour qu’elles puissent établir des relations normales avec les banques, et qu’elles continuent de se développer. C’est ce temps-là, avant que les banques prennent le relais, qui s’est allongé - nous devons parfois faire un deuxième ou un troisième micro-crédit.
Accompagner vers la croissance
Voyez-vous une évolution de leur motivation, depuis le démarrage de l'Adie ? Est-ce une idéalisation du statut de l’entrepreneur, ou une nécessité de créer leur propre emploi ?
Quand on a démarré l’Adie [ndlr, en 1993], beaucoup de personnes lançaient leur micro-entreprise par défaut, par dépit. Aujourd’hui on constate d’autres leviers, l’envie de monter un projet en adéquation avec ses convictions, autour du développement durable… On voit cela émerger de façon beaucoup plus forte. Après, on sait que l’on va vers un public de plus en plus précaire. A tel point que nous nous sommes intéressés au travail informel, et nous nous sommes rendus compte qu’il prend pas mal de place dans l’économie. Il est très souvent subi, ou les gens ne voient pas forcément l’intérêt de le faire. Aujourd’hui on va vers toutes ces personnes pour les amener à se formaliser, et leur permettre de faire grandir leur entreprise.
L’un des indicateurs, pour qualifier cette réussite, est le taux de pérennité à trois ans. Quel est celui de l’Adie ?
La dernière enquête a été réalisée en 2020, et le taux de pérennité était de 81%, contre 63% au national. Ce qu’il faut savoir, c’est que l’on constate que parmi les gens qui arrêtent, la moitié rebondissent. Certes leur entreprise n’a pas fonctionné, mais ils sont quasi-unanimes pour dire que l’expérience a été profitable, qu’elle a contribué à la construction de leur projet. Nous réalisons cette enquête tous les trois ans, et nous aurons donc bientôt les résultats de 2023.
Accompagner à la transition
Quels sont vos axes de travail pour les deux ans à venir ?
Pour 2024, on prévoit d’accompagner 10% de personnes financées supplémentaires. Pour cela nous devons maintenir un haut niveau d’accompagnement, être agile et à l’écoute… Mais nous voulons aussi créer des clubs Adie, pour mettre les entreprises en réseau. Les micro-entrepreneurs sont souvent isolés dans leur coin, Il faut qu’ils partagent leur expérience, qu’ils puissent réseauter. À plus long terme nous avons trois axes majeurs. La proximité d’abord, nous devons aller là où sont les gens qui ont envie de créer. Il y a le développement du numérique ensuite, de plus en plus de gens nous contactent via Internet, nous rejoignent sur des webinaires et ce sont des nouveaux métiers que l’on doit apprendre. Enfin, il y a la question de la transition écologique. Elle est là, alors comment la rendre désirable pour que les entreprises ne la vivent pas comme une contrainte ? Pour cela nous avons plusieurs pistes, mobiliser des prêts à taux zéro pour financer la mobilité propre par exemple. Ou encore, former nos équipes pour que durant l’instruction des projets, elles puissent détecter ce qu’il y aurait à pivoter pour être plus en ligne avec la question environnementale.