Jean-Pierre Istre (UMIH Pays basque) : « 2024 a été une année en demi-teinte » - Premium

Quel bilan tirez-vous de l’année 2024 pour l’hôtellerie-restauration au Pays basque ? C’est une année en demi-teinte. La saison a été moyenne, en grande partie à cause de la météo. Les quinze premiers jours de juillet, notamment, ont été dramatiquement calmes. Or, on joue une bonne partie de notre chiffre d’affaires entre le 15 juin et 15 septembre. D’après les chiffres de la Banque de France, on observe une baisse moyenne de chiffre d’affaires d’environ 2 %, ce qui n’est pas catastrophique en soi, mais qui s’accompagne surtout d’une baisse des marges. Et c’est ça, qui nous inquiète le plus. Pourquoi cette baisse de marges vous préoccupe-t-elle ? Parce que l’inflation a été forte en 2023 et un peu moindre en 2024, ce qui alourdit nos charges. On a aussi augmenté nos effectifs et les salaires : entre 2022 et 2023, les charges de personnel ont progressé d’environ 20 %. Malgré tout, il y a du mieux côté recrutement, notamment en restauration. Beaucoup ont fait des efforts sur l’aménagement des horaires, pour éviter les fameuses coupures. Vous évoquez une certaine inquiétude sur ce début d’année 2025. À quoi est-elle liée ? Il y a un climat d’angoisse plus général. Les Français sont les Européens qui épargnent le plus, signe d’une certaine inquiétude sur l’avenir. Et dans notre secteur, qui repose sur les dépenses plaisir – vacances, restaurants, loisirs – on passe après les dépenses obligatoires. Le premier trimestre 2025 est très mauvais au Pays basque, et c’est une tendance assez généralisée. Il y a un questionnement, est-ce que les français vont partir en vacances ? Inquiétude il y a, mais je pense qu’il y aura des clients pendant les vacances. Il y a de l’inquiétude, oui, mais aussi de l’espoir. On a la chance d’être dans une destination aimée. Et on voit que certains y croient : des groupes continuent d’investir, comme celui de Annie Famose qui rénove le plus grand hôtel de Biarritz, l’ex-Radisson, nouveau M Gallery. D’autres établissements comme les Baigneuses ont changé de mains. Ces investissements pérennisent l’emploi et l’activité. Le logement des saisonniers reste un sujet de fond. Des initiatives voient le jour, comment les percevez vous ?C’est bien mais ce n’est pas suffisant. La nouvelle résidence de 140 logements à Anglet, qui ouvrira en juin, est une très bonne nouvelle. D’autres initiatives comme celles soutenues par Action Logement, la CCI, le Département ou la Caisse des Dépôts vont aussi dans le bon sens, même si on reste sur des volumes modestes : une seule maison de six logements à Biarritz cette année. On attend la résidence pour saisonniers de Biarritz. Mais ce n’est pas suffisant. C’est la ville qui a le plus besoin de saisonniers, donc ce n’est pas suffisant. Mais le fait d’y penser et de s’y pencher, c’est déjà bien. Quels sont les autres défis auxquels vous êtes confrontés ? Le tourisme d’affaires peut représenter un sujet d’inquiétude. Certaines grandes entreprises commencent à être inquiètes, et il y a donc un risque sur les congrès et séminaires. Or, sur Biarritz, ils représentent une part importante de l’activité. Et puis, il y a aussi des sujets comme les tickets restaurants, de plus en plus utilisés en grande distribution au détriment des restaurants. On parle de 570 millions d’euros qui ne vont plus dans nos caisses. Et du côté de l’emploi ? Le rapport de force s’est inversé. Avant, c’est l’employeur qui choisissait. Aujourd’hui, on voit des candidats qui prennent les CV et disent qu’ils vous rappelleront. On doit s’adapter à ces nouvelles attentes, en termes de conditions de travail, de formation, de management. L’intelligence artificielle, par exemple, est déjà partout : dans les systèmes de réservation, de référencement, sur les réseaux sociaux. Il faut accompagner les professionnels pour ne pas être « largués » . Quel regard portez-vous sur la volonté institutionnelle de mieux répartir les flux touristiques vers l’intérieur du Pays basque et le Béarn ? Alors nous on laisse aux touristes le choix de l’hébergement. Mais valoriser les autres territoires, ça ne me choque pas. Mais dans les faits, un touriste qui pose ses valises à Biarritz pour trois jours ne va pas forcément aller jusqu’à Pau, il va plutôt à Saint-Sébastien. On a beaucoup vendu le littoral, et c’est difficile de revenir en arrière. Le touriste zappe aujourd’hui : trois jours ici, deux là… Ce qu’il faut surtout, c’est insister sur le fait qu’on peut venir au Pays basque toute l’année, pas seulement entre le 15 juillet et le 15 août. Et là-dessus, le Département et l’ADT font déjà un bon travail.

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