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Bordeaux Métropole vigilante quant aux nuisances de l’aéroport

Écosystème
mardi 28 mai 2024

Vue aérienne des pistes de l'aéroport de Bordeaux Mérignac. Crédit : SA ADBM/Arnaud Bouissou

La vie et les projets de développement de l’aéroport de Bordeaux sont un atout économique d’importance pour la région. Mais ne sont pas sans conséquence pour son environnement : trafic en hausse, nuisance sonores, vols de nuit… La nouvelle présidente de Bordeaux Métropole, Christine Bost, affiche sa vigilance et rappelle les complexes équilibres en jeu.

« L’aéroport de Bordeaux a de nombreuses qualités et quelques inconvénients », résume Christine Bost, présidente de Bordeaux Métropole, dans une dialectique mêlant évidences et science de l’équilibre de la parole publique, dont elle ne se départira pas durant tout son propos, cet après-midi devant la presse. Côté pile, le poids économique. « C’est un outil indispensable », rappelle-t-elle, avec quelque 40.000 emplois (directs et surtout indirects) et une projection montant à 50.000 à l’horizon 2030-2040. « Ce sont plusieurs milliards d’euros induits pour le territoire de la Nouvelle-Aquitaine, donc c’est un outil précieux, qu’il convient de maîtriser et d’en mesurer les impacts sur son environnement », martèle-t-elle encore. Côté face, ce sont donc les nuisances que la présence, l’exploitation et le potentiel développement de cette plate-forme aéroportuaire, imposent à son environnement. Dont les riverains mais aussi les habitants des communes se trouvant dans l’axe des deux pistes d’atterrissage/décollage. La première, dite principale (axe Parempuyre - Saint-Jean-d’Illac), absorbe 80 à 90% des mouvements d’avions. Le reste est supporté par la piste secondaire, dite sécante (axe Martignas-Bègles), dont la suppression est actuellement étudiée. Ce qui ne serait pas sans conséquences, diversement appréciées selon les interlocuteurs.

Les vols de nuit

Premier constat, sa fermeture reporterait l’ensemble du trafic sur un seul axe. Parmi les « baromètres » à disposition, le Plan de gêne sonore (PGS), qui donne la possibilité d’une indemnisation si son logement est concerné. Il a fait l’objet d’une révision récente, près de deux décennies après la précédente, ouvrant droits à des mesures supplémentaires, en particulier pour les territoires d’Eysines et du Haillan. Nuisances qui peuvent être particulièrement sensibles la nuit, l’aéroport de Bordeaux-Mérignac étant l’un des rares en France à n’avoir pour l’heure aucune restriction en la matière. « Il pourrait y avoir à l’avenir soit une interdiction totale, soit une régulation en fonction des fuseaux horaires. La demande des élus, de façon collégiale, étant la suppression des vols de nuit entre 22 heures et 6 heures du matin », relaye la présidente de Bordeaux Métropole. À cet égard, le préfet de la Gironde planche sur le sujet et devrait rendre ses conclusions fin juin. « Ensuite il y aura une enquête publique, puis ça pourrait passer devant la commission européenne », croit savoir Christine Bost qui déplore, sur le sujet « un calendrier assez élastique ».

En 2015, il y avait annuellement 1.300 vols entre minuit et 6 heures du matin, un chiffre qui atteignait 4.200 en 2018. Le président du directoire de l’Aéroport, Simon Dreschel, évoquait dans nos colonnes la possibilité d’aller jusqu’à doubler les redevances imposées aux appareils « dans les chapitres les plus anciens de nuisance sonore » pour les vols de nuits. D’autres solutions existent pour minimiser cet impact sonore, dont les trajectoires de vol et angles d’approche. « C’est un ensemble, souligne Christine Bost, même si la question des vols de nuit est plus mise en avant dans nos revendications. »

Les vols militaires

Autre paramètre venant compliquer l’équation : l’aéroport de Bordeaux-Mérignac est mixte. Aux côtés des vols commerciaux, il accueille une activité « normale et que nous ne remettons pas en cause » liée à l’Armée de l’air, mais aussi due à la présence proche de Dassault Aviation. Dont les récents succès commerciaux à l’export liés au Rafale amènent des clients étrangers à souvent venir se former en Gironde, nuisances à la clef. Des efforts sont faits pour des décollages et atterrissages se faisant le plus à la verticale possible, mais aussi pour limiter les plages horaires où ces vols d’entraînement sont possibles. Concernant cette activité quasi-imposée à la collectivité - « on l’a appris presque par hasard » veut faire savoir Christine Bost - l’élue préférerait qu’elle se déroule « sur les plates-formes dédiées, notamment la base aérienne de Cazaux ».

Préserver les intérêts de chacun

Dans son plan stratégique, l’Aéroport de Bordeaux est aujourd’hui bien moins focalisé qu’avant le covid sur une croissance à tout crin, essentiellement basée sur le développement des vols low-cost. Ayant enregistré 6,6 millions de voyageurs en 2023, contre un pic à 7,7 millions en 2019, l’Aéroport veut avant tout « reconstruire son trafic » et pense l’avenir en termes d’objectifs capacitaires et de diversification de l’activité, ayant rayé des cadres les horizons à 12 voire 16 millions de voyageurs évoqués par la précédente direction. « Ça serait absolument inacceptable pour nos populations », tonne Christine Bost, consciente néanmoins que la tendance ne sera malgré tout pas à la décroissance. Dans son Schéma de composition générale, l’Aéroport de Bordeaux penche fortement, parmi les options possibles, en faveur d’une suppression de la piste sécante, afin de gagner du foncier pour développer d’autres activités. Cette suppression qui se ferait sans construction d’une nouvelle piste parallèle à la principale, « qui a encore de belles capacités devant elle », souligne la présidente de Bordeaux Métropole.

Croissance - même modérée - du trafic d’un côté, maîtrise des nuisances et de l’impact sur la population de l’autre, quelle position adoptent la Métropole et sa présidente ? « Ne pas s’inscrire en opposition à l’aéroport, mais imaginer une cohabitation plus juste, raisonnable et modérée entre les intérêts des habitants et de l’aéroport, dont la présence représente un enjeu pour notre territoire. » Et d’ajouter : « la Métropole est un outil de solidarité, qui doit s’exprimer dans les choses positives comme négatives et que chacun puisse prendre sa part. » S’il fallait tenter une exégèse de la « pensée bostienne » - en tant que présidente de Bordeaux Métropole - on pourrait comprendre que la priorité va donc, autant que possible, à tout ce qui permet la maîtrise des nuisances notamment sonores, en amont de la suppression de cette piste sécante jugée plus ou moins inévitable à terme. Même si sur ce sujet, « c’est le ministre des Transports et donc l’Etat (ndlr, premier actionnaire de l’Aéroport de Bordeaux avec 60% du capital, la CCI de Bordeaux-Gironde détient 25%, les collectivités locales 15%) qui aura le dernier mot ». En attendant, celle qui est aussi maire d’Eysines plaide pour « le maintien de la piste sécante dont l’utilisation doit rester raisonnable ».

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