EXCLUSIF : Tudigo, le récit du conflit - Premium

Il est toujours plus facile de se mettre d’accord « quand tout va bien », comme entre 2021 et 2023, que « quand les nuages se montrent », comme au deuxième semestre 2024. Stéphane Vromman, président du Tudigo, résume deux points saillants et essentiels. Tout d’abord, Tudigo, acteur emblématique de la place financière bordelaise, a connu une hypercroissance de 2020 à 2023 et a vu cette croissance ralentir en 2024, l’activité restant stable. Ensuite, cette séquence a vu des divergences devenir plus aigües entre les deux principaux actionnaires de l’entreprise. À leurs côtés, deux autres acteurs ont joué un rôle de premier plan dans cette séquence. Séquence dont le récit de chacun se réclame « de la vérité », alors que les faits ou intentions ne coïncident manifestement pas. Tentative de construction d’une chronologie de faits et de moments, que nous faisons commencer en fin d’année 2023.À lire également : Le torchon brûle entre les actionnaires de TudigoEn quelques années, la plate-forme Tudigo s’installe comme plateforme de référence dans le domaine de l’investissement non côté dans des projets de sociétés à impact. Comme nous l’évoquions, Tudigo a sollicité fin 2023 Guillaume-Olivier Doré et ses sociétés - Source Private Equity et CCCD - pour des missions et contrats d’accompagnement. « J’ai travaillé avec Tudigo pour les aider à se transformer en fonds d’investissement », nous a-t-il récemment indiqué. Dans ce cadre, mi-2024, Guillaume-Olivier Doré faisait son entrée au comité de direction de Tudigo, plus particulièrement en charge de l’équipe d’investissement et du portefeuille de 250 millions d’euros déjà déployé. Une montée en puissance relayée dans la presse, poignée de mains et tout sourire entre Guillaume-Olivier Doré et Alexandre Laing (cofondateur, actionnaire à 45% et directeur général), dans les cossus locaux bordelais que Tudigo a acquis courant 2023, rue du Thiac.Premiers nuagesLe second semestre 2024 est semble-t-il celui de la bascule dans la croissance de Tudigo, la société n’accélère plus et boucle son exercice sur une activité « iso », stable. Une perte de dynamique au cours de laquelle « les divergences ont fait surface » entre Alexandre Laing et Stéphane Vromman (cofondateur, 45% du capital, président de Tudigo), acquiesce ce dernier. C’est à cette période que le sujet de la présidence de Tudigo Partners se pose. Tudigo Partners (immatriculation au RCS le 9 novembre 2022) est la structure au travers de laquelle, sur la base d’une valorisation de plus de 40 millions d'euros, Tudigo a levé quelque 3 millions d’euros pour son développement, principalement auprès de petits actionnaires. À ce jour, ceux-ci seraient environ 650. Dont Pierre-Etienne Lorenceau, qui engage pour sa part 100k€ et se retrouve avec environ 3% du capital de Tudigo Partners, société qui contrôle elle-même un bloc d’environ 7,5% de Tudigo. À la présidence de Tudigo Partners, depuis sa fondation : Stéphane Vromman. Entre sa participation directe dans Tudigo et ce mandat de président, ce dernier contrôle, d’une façon ou d’une autre, 45% 7,5% de Tudigo. Un contrôle par deux biais que les fondateurs de Tudigo veulent faire évoluer. La candidature de Pierre-Etienne Lorenceau aurait ainsi été proposée aux actionnaires de Tudigo Partners, mise aux voix et validée par leur vote fin décembre, peu avant Noël, avec prise d’effet au 1er janvier 2025.Automne 2024, les dissensions entre Alexandre Laing et Stéphane Vromman « s’approfondissent », estime Pierre-Etienne Lorenceau. C’est à cette période que Stéphane Vromman aurait envisagé comme solution, parmi d’autres, son retrait de la gouvernance de Tudigo. Mais aussi retrait - total ou partiel - du capital. « Le projet d’un éventuel retrait de ma part a été en débat », a-t-il admis auprès des actionnaires de Tudigo Partners. Une sortie supposant de mobiliser des liquidités en cas de cession de parts. Du cash qu'il s'agirait bien de faire sortir d'une poche. À cette époque, Pierre-Etienne Lorenceau a bénéficié - information qu’il confirme - pendant une courte période (deux mois ?) de promesses de vente sur une part (15% ?) des titres de Stéphane Vromman. Fin janvier 2025, Pierre-Etienne Lorenceau aurait renoncé à ces promesses. Peu avant cela, fin décembre et très peu de jours avant le vote désignant Pierre-Etienne Lorenceau président de Tudigo Partners, Alexandre Laing lui aurait proposé d’acquérir une fraction de ses parts dans Tudigo. Puis très peu avant Noël, l’intégralité de ses 45%. Là encore, cela ne se serait traduit par aucun mouvement d’actions. Et début février, Alexandre Laing aurait retiré sa proposition.Intentions et manœuvresFin février, selon une source, Guillaume-Olivier Doré aurait fait une proposition à Alexandre Laing et Stéphane Vromman pour acquérir leurs parts. Un mouvement qui intriguerait. D’autant que la collaboration entre Guillaume-Olivier Doré et Tudigo finit en eau de boudin. Stéphane Vromann, en tant que président, prend la décision - assumée publiquement - d’interrompre les contrats dont Guillaume-Olivier Doré et ses sociétés bénéficiaient. Outre les deux contrats signés fin 2023, deux autres auraient été conclus « en catimini » début 2025, raconte une source proche du dossier. Traduction : sans que Stéphane Vromman ait été consulté. Un ensemble contractuel « amenant Guillaume-Olivier Doré à pouvoir facturer quelque 60.000 euros par mois ». Soit potentiellement une « douloureuse » annuelle dépassant 720.000 euros. Près de 10% du chiffre d’affaires 2024 de la société… Le président aurait pris cette décision « d'interrompre » les quatre contrats, après consultation des équipes internes. Cette même source raconte. « Les équipes étaient-elles satisfaites du travail ? Manifestement non. Guillaume-Olivier Doré avait été mandaté pour deux projets de fonds. On n’a rien vu, aucun livrable. » Dans une communication par mail aux actionnaires de Tudigo Partners, Stéphane Vromman cingle : « Tudigo lui demandera la restitution de sommes indues, par rapport à des prestations toujours inexécutées, parfois des mois après facturations et encaissements. »La séquence, que d’aucuns qualifieraient de guerre des chefs (Alexandre Laing, Stéphane Vromman), semble alors basculer vers une bataille pour le contrôle, non plus de Tudigo, mais de Tudigo Partners. Dont le président Pierre-Etienne Lorenceau aurait demandé, cette semaine, la tenue d’une assemblée générale. Une AG au cours de laquelle il proposerait que soit notamment mis au débat son mandat de président. Aussi mesure-t-on l’importance de convaincre les actionnaires, ce qui a généré auprès d’eux quantité de communications, récits, réponses, explications des différents protagonistes. La chronologie a rejoint le présent et l’histoire va se poursuivre. « Le bon sens fera peut-être qu’il n’y ait pas de contentieux. En l’absence de bon sens, il y aura du contentieux », commente sous couvert d’anonymat l’un des acteurs. « Quand on attaque sans le soutien de la vérité, on ne peut que perdre en rase campagne », entend-on encore. Existe-t-il encore un chemin commun pour les deux principaux actionnaires au sein de la société qu’ils ont cofondée ? « Bien sûr qu’on va le trouver », sourit l’un d’eux.

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