Camille Syren, « le rôle d’un manager est de s’occuper de la santé mentale du groupe » - Premium

Psychologue systémique à Bordeaux, Camille Syren est coach pour les dirigeants. Co-autrice de La gymnastique du saumon, elle revient avec une conférence destinée aux professionnels, sur Comment garder une équipe en bonne santé, donnée le 8 avril à 18h30 au Village by CA, à Bordeaux.Comment garder une équipe en bonne santé, à quel point est-ce de la responsabilité des managers et dirigeants ? J’ai pour habitude de dire qu’on fait beaucoup peser la responsabilité des équipes sur le dos des managers. Or c’est beaucoup leur demander, qu’être responsables de la santé mentale de tous les collaborateurs, car la santé de chacun appartient à chacun. En revanche, le rôle d’un manager est de s’occuper de la santé mentale du groupe. En regardant non pas ce que chacun fait, mais en regardant ce qui se passe entre les membres du groupe. La qualité des interactions est un vrai marqueur de la bonne santé durable d’un groupe. Comment se rendre compte qu’un groupe ne se porte pas bien ? Quels sont les signaux faibles ? Oui, il y a des signaux faibles. La rumeur, d’abord, les « on dit », les bruits de couloir. Quand on sent que les gens commencent à parler sur les autres, c’est déjà un signal qu’il faut faire quelque chose pour remettre de la communication directe. L’usage du « on », ensuite, derrière lequel des collaborateurs peuvent se cacher. On échange des généralités au lieu d’assumer des opinions avec des « je ». Or, il n’y a qu’en assumant un « je » qu’on peut constituer un vrai « nous ». Également parmi les signaux faibles, il y a le désengagement, la passivité. La naissance de petits apartés, de clans, de sous-systèmes…Veiller à certains signaux faiblesN’est-ce pas un phénomène normal, l’apparition de ces groupes ? Il est tout à fait normal de voir ces sous-systèmes qui se créent forcément, par métiers, par affinités, par proximité géographique… Un groupe en bonne santé n’est pas un groupe qui n’a pas de tension, mais qui s’en occupe. Par exemple pour l’éloignement géographique, il y a un exercice que j’apprécie, c’est demander aux équipes de se géolocaliser dans une pièce, de se placer sur une carte de France fictive. Très vite on se rend compte de la solitude de certains, ce qui permet de se questionner sur la façon de rééquilibrer les interactions comme augmenter la fréquence des points de contact. En fait, les sous-systèmes sont normaux. C’est lorsqu’ils commencent à se cristalliser, à se durcir et à créer des murs au lieu de ponts, qu’il y a un petit signal. Cela peut être compliqué à régler, pour un manager qui ne sait pas forcément comment s’y prendre… Oui, parfois ils ne savent pas trop comment s’y prendre, il faut quelques clefs. On peut se sentir affecté personnellement, ce n’est pas évident de faire le tri entre ce que la personne fait et en quoi ça me concerne directement. On peut aussi manquer de temps, dire « je suis pressé, dans le fond ce n’est pas si grave »… Il faut comprendre que la qualité des interactions dans un groupe devient notre job, à partir du moment où l’on en est responsable.Quatre besoins fondamentaux à garder en têteQue dire à un dirigeant ou à un manager qui n’est pas convaincu par l’intérêt de prendre soin de son équipe ? C’est vrai que la spécificité de notre travail de transformation, c’est que l’on est sur du pur immatériel. Souvent, la question que l’on n’ose pas poser aux clients après coup, c’est « Avez-vous constaté un retour sur investissement ? » Ce que je vois, c’est qu’il y en a un. J’ai encore demandé récemment, et on m’a répondu « Oui, fois dix ». En matière de performance, de tranquillité RH, de temps réduit à gérer les conflits… Sentez-vous une prise de conscience ? Que ce sujet devient plus prégnant dans les entreprises ? Oui, on évolue bien je trouve, mais il est parfois difficile pour les managers ou les dirigeants de préserver leur propre santé. Ce n’est pas la place la plus simple… Pourtant plus on arrive à piloter les interactions dans un groupe, plus on gagne en engagement, en autonomie, en capacité d’initiative, en robustesse… Mon regard de psychologue, c’est qu’il faut revenir à l’essentiel, aux quatre besoins universels que l’on a tous connus entre zéro et six ans. Avec des aventures plus ou moins marquées, qui ont façonné notre rapport à ces besoins se rejouant tout au long de notre vie… D’abord il y a « exister » - c’est une question de légitimité, comment je soigne ma place pour créer une safe place. Puis « explorer » - si on ne donne pas de permission, l’autre va devenir très frileux sur son rapport au risque, à l’action tout simplement. « Se différencier », ensuite - là on commence à dire « je », on est en phase d’opposition, on marque ses limites… Et enfin, « appartenir » - là on apprend des codes de relations d’un groupe social. Lesquels sont-ils, pour votre équipe ? Les avez-vous identifiés ? Lorsqu’on possède ses quatre clefs de lecture, on peut regarder le groupe autrement et réaliser les mini-réglages pour obtenir des résultats. Ce qui est certain, c’est que 100% des collaborateurs ont eu, à un moment, cinq ans.

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