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Dans ma boîte : comment je recrute grâce à l'IA

Stratégie
lundi 15 janvier 2024

Avec ce nouveau rendez-vous hebdomadaire, Dans ma boite, Placéco part à la rencontre des dirigeants de Nouvelle-Aquitaine. Objectif : leur donner la parole sur une initiative qu'ils mettent en place au sein de leur entreprise, pour attirer et fidéliser leurs collaborateurs.

Nicolas Pasetti : « L’IA ne substitue pas aux RH, elle est un outil d’accompagnement"

Peut-on vraiment se baser sur des algorithmes pour trouver les bons candidats ? Dirigeant de l’agence bordelaise E-Team, spécialisée dans le conseil et la communication RH, Nicolas Pasetti, a depuis un an embauché trois de ses collaborateurs avec l’appui de l’intelligence artificielle et de logiciels spécialisés. Il témoigne de son expérience.

Nicolas Pasetti cumule les casquettes. On le connait en ligne comme « le barbu qui parle RH », influenceur B2B très suivi, notamment sur LinkedIn en tant qu’expert des RH. Les élèves du Digital Campus de Bordeaux, eux, le connaissent comme prof de Brand content et de strategy social digital. Depuis 11 ans, il dirige en outre sa propre société, E-Team, agence bordelaise, employant 12 salariés, conseillant les RH dans leurs problématiques de communication, marque employeur et sourcing. En pleine période de levée de fonds, il développe de plus, depuis un an, Oak, société basée à Talence, développant des logiciels de compétences pour de la mobilité interne.

Défenseur des nouvelles technologies utilisées dans la gestion RH, il en est aussi le premier utilisateur. Suite à l’embauche d’un directeur RH au sein d’E-Team, il a recouru à l’IA pour embaucher l’an dernier trois de ses collaborateurs : un consultant en cross marketing, un chef de projet et un vidéaste. « L’IA est un appui surtout pour créer des référentiels métier, avec l’aide de logiciels dotés d'interfaces en langage naturel. Le responsable RH renseigne des fiches de poste, intègre les compétences voulues et crée ainsi un profil idéal, un golden poste », décrit Nicolas Pasetti. « L’intérêt est que le logiciel propose 140 compétences, dont certaines auxquelles l’employeur, qui réfléchit davantage en missions, ne pense pas. Ces compétences sont reliées par blocs thématiques et le responsable RH choisit celles attendues, environ 90. C’est lui qui garde la main. »

Rédaction de l’offre d’emploi : « mieux vaut une touche personnelle »

L’IA peut ensuite être utilisée pour la création d’offres d’emploi attractives. « Chat GPT fonctionne très bien pour rédiger une offre générique. Nous y avons cependant ajouté une touche personnelle, qui fait ressortir l’ADN de notre société, soit la recherche de créativité et d’ouverture. Nous recherchions des pros mais aussi de vraies personnalités. Pour attirer, une offre doit, selon moi, être unique même si elle n’est pas parfaite », conseille le dirigeant.

En revanche, au moment du traitement des CV reçus, l’IA retrouverait toute sa pertinence. L’algorithme du logiciel, en fonction du référentiel métier, classe les CV, établit un scoring, en pourcentage, en fonction des faiblesses mais surtout des appétences les plus intéressantes du candidat. « Cela permet de gagner du temps dans le tri des CV, notamment si on a un ADN ouvert et que l’on reçoit une quantité importante de CV. Le gain de temps peut être de 40%. L’IA permet d’enlever ceux qui ont les plus mauvais scores. En revanche, s’il y a plein de bons scores, cela peut être casse-tête » nuance Nicolas Pasetti.

« L’IA permet d’éviter de tomber dans les biais cognitifs »

L’intérêt de ce scoring, selon lui, est aussi que l’IA se base sur une recherche factuelle, « elle ne s’attache pas à l’âge, au nom du candidat ou à son physique sur la photo, ni aux trous dans son CV, ni à la présentation du CV…. Elle évite de tomber dans des biais cognitifs qu’on peut avoir, ce qui est très humain, lorsqu’on lit un CV. Cela va donc à l’encontre des idées reçues sur l’IA, taxée de clonage. Au contraire, elle permet d’ouvrir le champ des profils et les esprits, une recherche plus éthique. »

Autre avantage selon lui, l’algorithme cherche avant tout la complémentarité avec la société et ses attentes. Par exemple, E-Team a embauché un consultant en cross marketing de 19 ans qui avait peu d’expérience mais qui avait un bon scoring sur des qualités telles que la curiosité et la force d’initiative. « L’IA s’est attachée aux compétences extra-professionnelles. Si on avait juste regardé le CV de façon classique, on ne l’aurait pas forcement pris. Là, le fait de pouvoir former ce jeune en interne, le faire grandir avec la société, nous intéressait », ajoute Nicolas Pasetti, qui en revanche met des limites sur les compétences de l’IA à déceler les savoir-être.

Les limites de l’IA sur les savoir-être et les lettres de motivation

« Les savoir-être, on ne peut savoir s’ils sont réels que si on les évalue, on ne peut pas juste les décréter. L’IA peut estimer de manière factuelle les compétences et les expériences mais pas les savoir-être. Là, c’est la rencontre qui va faire la différence », estime l’expert en RH, qui confie que lui-même n’aurait sans doute jamais été recruté si un algorithme avait été à l’œuvre. Alors qu’il était diplômé d’une maîtrise d’histoire, il avait en effet été coopté pour entrer en 2008 comme commercial dans la branche commerciale du Figaro, Figaro Classifields. « Ce directeur commercial avait détecté en moi un savoir-être même si je n’avais pas les techniques, il a dû insister pour que la RH me prenne. Je suis un exemple de biais », reconnait-il.

Il remet aussi en cause la pertinence de l’IA sur une éventuelle sélection à partir de vidéos de candidats et sur l’analyse sémantique des lettres de motivation. « Je suis moins fan, les paramètres intégrés dans l’algorithme introduisent trop de biais. De toute façon, les lettres de motivation, cela ne se fait plus trop ». En revanche, la création de blockchain avec anonymat préservé pourrait, selon lui, permettre de mieux appréhender les soft skills de candidats dans le futur. « Mais on en est loin en France où il y a une réticence sur les données partagées. »

Un gain de temps pour les réponses aux candidats

D’expérience, le dirigeant de E-team a pu constater aussi un gain d’environ 80% sur le temps de réponses aux candidats grâce à l’automatisation. « Au départ, c’est toute une machinerie à mettre en place, mais ensuite, c’est très efficace. Cela permet aussi de faire des réponses personnalisées, un retour complet et enrichissant pour le candidat, avec même parfois des suggestions de formations. »

Constatant une plus grande « cohésion et complémentarité dans son entreprise », suite au recrutement effectué depuis un an grâce à l’IA, Nicolas Pasetti, sous sa casquette d’influenceur, n’en encourage pas moins les dirigeants à allouer plus de moyens humains aux RH. « L’IA ne substitue pas aux RH, elle est un outil d’accompagnement, elle permet de recruter à bon escient mais aussi de dégager du temps pour de la valeur ajoutée. Le coût d’un recrutement raté pour une société, c’est 45.000 euros. C’est dommage, un chef d’entreprise voit surtout ce que les RH leur coûte, mais peu ce que cela leur rapporte si les recrutements sont bien faits. »

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