Patrick Bobet : « Le Bouscat s’éloigne de la monoculture économique » - Premium

Sur Bordeaux Métropole, Le Bouscat n'est pas forcément la ville à laquelle on pense en premier quand on parle d’activité économique, d’écosystème pour l'entreprise. Le Bouscat n'est-elle qu'une ville résidentielle ?Non pas du tout. Vous auriez eu raison il y a dix ans, mon souvenir c’était plutôt Le Bouscat, ville à vivre. En 2014 on s'est dit que ça serait bien qu'il fasse bon y travailler, qu'on fasse de l’action économique un des piliers forts de notre mandature. Et Joan Taris a fait un très bon schéma de développement économique. Le Bouscat, c'est quand même une ville qui n'est pas immense, moins d’1% du territoire de Bordeaux Métropole et déjà très dense, plus de 3% de la population. Donc il n'y a pas beaucoup d'espace pour faire de l'action économique type industrie. On ne fera jamais d'industrie lourde au Bouscat, ce n’est quasiment pas possible. Donc c'est plus dans des niches, dans la formation et l’enseignement supérieur par exemple. Si on doit revenir à grands traits, il a fallu se demander quels sont les espaces sur lesquels on peut travailler. Il y avait effectivement la place Ravezies, d’où la réponse au projet AIRE. Ensuite, on avait quand même la zone Godard qui avait vocation à s'agrandir, et c'est ce qu'on a fait, je viens tout juste d’inaugurer l’extension. On avait le départ de notre centre-ville de ce qui hébergeait la sécu et les finances. On a récupéré ça pour en faire un lieu de coworking l’Etape, avec aussi l’E-Choppe, cet incubateur autour du commerce connecté. On s'est interrogé autour du départ de Renault. On a lancé quelques petites pistes, ça ne s'est pas concrétisé, donc on a laissé faire un peu l'opérateur Bouygues. On est principalement sur de l’habitat, mais il y a pas mal d'espaces économiques, plutôt des commerces de bouche. On imaginait que sur le site Peugeot, on aurait peut-être pu avoir quelque chose autour du cuir et de la chaussure, c'était l'idée de l'époque.Quels sont les domaines d'activité qui s’imposent dans le paysage bouscatais ?Mon combat aujourd'hui, c'est d'accompagner les commerçants de la barrière du Médoc et d'ailleurs au Bouscat, la filière textile, dont on voit bien que c'est quand même très compliqué aujourd'hui, pour plein de raisons. On les accompagne en les recevant, en les questionnant, en voyant avec eux comment faire, bien sûr, en faisant de la communication sur leur commerce, mais aussi en les poussant à se connecter le plus possible, parce que eux aussi, ils ont des e-boutiques. On avait beaucoup travaillé à l'époque de la Covid dans ce domaine, parce que beaucoup de commerçants n'avaient ni site, ni quoi que ce soit. Et puis peut-être commencer à imaginer une reconversion dans un autre domaine commercial, mais pas forcément du textile. Il faut peu à peu se poser la question. Un chapelet d’écoles le long des boulevards ?Lors de l'inauguration des locaux d’Ynov Campus en février dernier, vous aviez évoqué l'envie de renouveler ce type d'implantation sur le territoire municipal. Est-ce qu'il faut s'attendre à voir un chapelet d’écoles le long des boulevards ?C’est un peu le projet, oui. EBBS est arrivé, Ynov Campus en début d’année. Et sur le boulevard, il y a un troisième projet qui est en train de s'actionner. On voit le bout, mais je ne peux pas encore vous en dire plus mais on est dans cet esprit. Pourquoi les boulevards ? Parce qu'on est en pleine réflexion. On sait bien qu'un jour, on aura quand même un TCSP qui sera encore plus performant que ce qu'on a aujourd'hui. Donc c'est un axe qui va reprendre sa vocation. La vie des barrières, oui, bien sûr, mais il faut aussi que les boulevards restent quand même un axe de transport assez facile, et notamment pour des étudiants. Donc c'est une manière d'avoir des campus au Bouscat sur les boulevards qui touchent Bordeaux, c’est tout à fait cohérent.Que voulez-vous voir d’autre dans cette vitrine du Bouscat que sont les boulevards ?La barrière du Médoc doit rester une barrière commerçante, c’est quasiment la dernière de Bordeaux qui mérite ce nom. Moi, je rêve depuis 20 ans, d'avoir un petit pôle sportif. Alors pas un Décathlon, mais quelque chose qui ressemble à ça, un Intersport ou même un indépendant… Et aussi tout ce qui tourne autour du livre et de la culture. C’est aussi l'idée pour laquelle, à la place du garage Peugeot, en attendant que le projet du groupe Lamothe se construise, on a cet espace qui s'appelle Le Lieu Inspiré, qui tourne autour du livre et de tout ce qui peut s'écrire ou se lire, grosso modo. C’est une façon de « ferrer » nos concitoyens pour voir si c’est une bonne ou une mauvaise idée, un lieu autour du livre…À lire également - Bègles veut « aider les entreprises dans leur transition » environnementaleL’avenue de la Libération a beaucoup évolué ces dernières années, est-ce que sa transformation est achevée ? Quelles évolutions encore attendre le long de cet axe ?On a laissé partir les concessionnaires automobiles et on a fait de l’habitat à la place. Mais avec systématiquement un rez-de-chaussée de plain-pied pour l'action économique, plutôt commerces. Là, le problème c'est qu'on ne maîtrise pas tout dans la mesure où souvent c'est un opérateur qui vient avec un projet bien précis en nombre de logements. Il a déjà sa petite idée de ce qu'il va faire du secteur économique en question. Je n’ai pas envie d'une thématique très précise. On en est sortis de la thématique automobile, c'était vraiment l'avenue des concessionnaires, je n’ai pas envie d'une monoculture sur l'avenue. Je crois qu'il faut travailler par quartier plutôt, pour avoir un minimum de services du quotidien : petit supermarché, boulanger, coiffeur, soins médicaux de manière générale. Il faut quand même garder tout ça. On a une véritable clinique libérale qui s'est installée près du rond-point du 18 juin, avec un groupement de spécialistes. Pour nous c'est une force, toutes les villes rêveraient d'avoir ça. Et j'ai eu une autre demande du même acabit, que je n'ai pas favorisé pour l’instant, parce que ce n’est pas la peine.Des ambitions pour l’hippodromeGodard, Limancet, Tivoli… Comment doivent évoluer les zones d’activités économiques du Bouscat ?Elles ne connaissent pas de vraies problématiques, elle crée des emplois, ont des carnets de commandes qui fonctionnent bien. Ce sont des entreprises qui sont là depuis très longtemps, depuis 10, 15, 20 ans. Sur l’extension de la zone Godard, cinq des huit lots ont déjà trouvé preneurs. Et une sixième enseigne arrive, qui prendrait certainement deux modules pour faire de la préparation de restauration.L’hippodrome du Bouscat va accueillir Lim Group et FreeJump System. Comment peut-il contribuer plus fortement encore à l'activité économique ?Le développement va se faire peu à peu. Je rêve d'une activité qui tournerait autour de la filière équine par définition. Pas forcément une école vétérinaire, même si je ne me l’interdis pas si d’aventure c’était possible. Pourquoi pas une espèce de pôle d'enseignement pour tout ce qui tourne autour de la filière équine. Ça fait une année qu'on travaille là-dessus, c'est compliqué et je ne peux pas encore vous en dire plus.Pour 2024, un gros budget d'investissement a été voté par Le Bouscat, plus de 16,5 millions. À quoi va servir cette enveloppe ?C’est du service pour la population, la piscine, une salle de sport et la rénovation du Castel d’Andorte. Et puis on a un projet qui sera plutôt pour mon successeur, sur Jean Jaurès, ainsi que de gros projets autour de rugby, d'agrandissement de terrains.Sur les mobilités, il y a eu de la friction. Vous pointiez la politique menée par la Métropole et la mairie de Bordeaux. Comment évolue la situation ?Ça reste difficile. Vous connaissez le subterfuge qu'on a dû adopter dans tous les secteurs, de Jean Jaurès, Providence, pour renvoyer quelques automobiles sur les boulevards. On a obtenu gain de cause si j’ose dire, puisqu’on a renvoyé grosso modo 3.000 voitures. Mais on pénalise les bouscatais en faisant ça. On les oblige eux-mêmes à faire un tas de boucles. Mais malgré tout, ce n’est pas complètement logique. Les mobilités, je ne crois pas qu'elles s'arrangeront bien parce qu'on a quand même affaire à des personnes qui sont très dogmatiques. Je propose autre chose, qu'on remette les boulevards à deux fois deux voies, qu'on les restreigne pour que la vitesse soit respectée vraiment et qu'on redonne un plan cyclable plus large que ce qu'il était autrefois, sans en faire un vrai couloir bus, sinon ça ne marche pas. Je ne vois pas pourquoi il faut réserver un espace pour un bus qui passe en moyenne toutes les 15 minutes. Pour moi, c'est du gaspillage. Et puis je compte sur les performances des transports communs pour enlever encore plus d'automobilistes.Acheter du temps pour Electro Mobility Materials EuropeDepuis quelques mois, vous suivez les grands projet industriels sur Bordeaux Métropole, hors OIN et OIM. Le plus emblématique est peut-être l’avenir de l’ex-Ford, à Blanquefort. Où en est-on ?Axtom pilote ce projet de village artisanal. C’est une boîte qui a déjà fait ses preuves, puisqu'elle est dans plusieurs pays d'Europe, ils sont très capables. Le dernier comité de pilotage était en décembre et, pour l'instant, je suis en attente et, pour tout dire, vraiment impatient d’un deuxième copil, qu’on n'a pas encore eu… J’aimerais quand même qu'ils nous disent qu'on a quelques gigafactories qui arrivent, qu’on est en train d’actionner avec tel ou tel acteur. Microsoft avait été évoqué mais ça ne se fera pas. Saft, pourquoi pas. J’attends des choses innovantes et solides, de vrais projets. Ils ont été labellisés « site clé en main », ça donne quelques garanties là aussi, mais moi je n'ai pas connaissance d’avancées depuis trois mois.L’autre gros dossier, c'est Electro Mobility Materials Europe. Est-ce qu'il correspond à la vision du développement économique tel qu'il doit être conduit sur le territoire de Bordeaux Métropole ?Pour moi, c'est clairement oui. C’est le projet le plus emblématique pour moi. C’est de la souveraineté nationale, de l’embauche car on est sur 300 emplois en huit-neuf ans. On ne peut pas à la fois dire, il faut arrêter de rouler thermique et ne rien faire. La meilleure idée c'est peut-être de faire nos batteries nous-mêmes. Je vois une équipe très solide, des gens qui savent vraiment de quoi ils parlent. Certes, il y a le problème d'inondation possible, mais j'ai l'impression que les réponses ont vraiment été déjà données par l'entreprise, qui explique comment ils vont faire, en surélevant de plus d’un mètre au-dessus des plus grandes catastrophes qu’on a connu.À lire également - Alexandre Rubio : « Bassens n’a pas l’image qu’elle mérite »Comment Bordeaux Métropole et EMME travaillent pour faire avancer le dossier et le rendre compatible avec l'environnement, le droit mais aussi avec l'opinion ?L’outil majeur, l'arme absolue, c'est le temps. Il faut prendre le temps d'expliquer aux personnes, les voir et les revoir. Il ne faut pas passer en force. Antonin Beurrier (ndlr, dirigeant d’EMME) l’a compris, il a décalé de quatre mois la mise en conformité du document unique. Il a compris ça, il achète du temps et je crois qu'il a raison. Il faut prendre le temps d'expliquer pourquoi Seveso. Ce n’est pas un gros mot, c'est au contraire une garantie de sécurité, ça veut dire certes qu’il y a un danger, mais surtout qu'on met des remparts colossaux en face, que tout est bordé et cadré. Je n’aime pas le principe de précaution, c’est de la bêtise parce qu’on ne fait rien. Je préfère le principe de prévention.Troisième grand sujet que vous suivez, le dossier Territoires d'industrie. Quels sont les enjeux ?Le premier c'est se mettre ensemble, le Grand Port Maritime, Bordeaux Métropole et la Coban. On a été labellisés au mois de novembre, ça nous donne des moyens, le fameux panier de services que l'État nous propose avec notamment des financements pour des chargés de mission, des études approfondies. Et ensuite qu’on se parle, ces trois entités ont vocation à travailler ensemble. On part sur quatre grands dossiers, la formation, l'innovation, le foncier et la transition écologique. C’est un peu abstrait encore pour l'instant, mais ça veut dire qu’on se demande comment on peut mettre ensemble nos fonciers, notre expertise de transition etc…Je vous ai entendu tout à l'heure prononcer le mot « successeur ». Le contexte peut-il vous faire changer d’avis ? Le Bouscat était une des rares villes sur Bordeaux Métropole où le RN n’était pas en tête aux dernières européennes…Ce n’est un secret pour personne, je ne ferai pas un cinquième mandat. Certes, le RN n'arrive pas premier, mais il a pris 10 points par rapport aux habitudes. Non, on peut être utile à sa ville sans être maire. Et je ficherai la paix à mes successeurs, comme Jean Valleix a fait avec moi. J’étais son adjoint et quand il est parti, il m'a clairement laissé les manettes. Je n’aurai aucun problème avec ça.

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