Industrie 4.0 : comment Lectra veut lier performance industrielle et RSE - Premium

« Lectra est une entreprise difficile à décrire, tout le monde pense la connaître », estime Laurence Jacquot, qui a rejoint le groupe en 2000 et depuis plus de quatre ans directrice du customer success. « Nous sommes un fournisseur de solutions industrielles et de technologies pour les industries utilisatrices de tissus, sur trois marchés, la mode et l’habillement, les équipementiers automobiles, les fabricants de meubles rembourrés », rappelle-t-elle. Fondé en 1973 à Cestas qui reste le point névralgique bien que le siège social soit parisien, Lectra est un « leader incontestable » (522 millions d’euros de chiffre d’affaires en 2022, 2.500 collaborateurs dans le monde, 66 filiales), un rang d’autant plus solide depuis le rachat en 2021 de celui qui était son principal challenger, le groupe américain Gerber. Des éléments très vite posés comme pour ne servir que de cadre à un autre propos. Cette course à la taille gagnée, après quoi court Lectra ?« Nous accompagnons nos clients dans leur transformation digitale », avance-t-elle. Avec l’ambition de créer un écosystème de produits, de logiciels et de services, qui couvre l’ensemble de la chaîne de valeur, dans un domaine où la responsabilité sociétale des entreprises (RSE) impliquées peut avoir un réel impact. « L’industrie textile est l’une des plus polluantes : de 2 à 8% des émissions mondiales de CO2 », souligne Laurence Jacquot, qui rapporte par ailleurs que « 40% des vêtements produits ne sont jamais utilisés ». Les indicateurs sont significatifs : « Un tiers des vêtements dans le monde sont développés - design et conception - avec nos logiciels, nos systèmes de découpe voient passer 50% des sièges auto, 75% des airbags… » Où l’on comprend que le mantra maison serait de faire de la performance industrielle et de la RSE les deux faces d’une même pièce.Basculer toute la chaîne de valeurUne démarche que Lectra veut démarrer dès la planche à dessin : « Nous voulons aider à concevoir des produits en raccourcissant les cycles de développement, ça apporte des économies de temps, de matière, de trajets. » La démarche se veut globale, « pour repenser la chaîne de valeur de nos clients. Sur la partie découpe, nous avons des algorithmes très puissants, pour réduire de 10 à 20% le gaspillage et la matière utilisée ». Le grand défi, « la plus grande économie, c’est la fabrication à la demande », théorise-t-elle. « C’est une tendance qui se met en place, il n’y a que nous qui sommes capables de proposer cette offre-là, grâce à l’interconnexion des données et des machines, via l’ERP de nos clients. Cela va au-delà de la seule digitalisation des usines, pour de l’auto-ajustement en temps réel. Une fois que les clients auront compris le pouvoir de cette offre à la demande, on va bouleverser l’industrie. C’est faire mieux avec moins, fabriquer moins de produits mais plus qualitatifs. La qualité permet la durabilité. Nous voulons accompagner tous nos clients d’ici 2030 vers cette transition 4.0. C’est une stratégie de long terme. On a les briques technologiques et on va continuer à les améliorer. »Un plaidoyer que Lectra indique faire reposer sur des éléments tangibles. Au premier rang desquels les « 10 à 11% du chiffre d’affaires qui sont investis en R&D. On a calculé, c’est l’équivalent de tout ce qu’investissent nos concurrents », pose Laurence Jacquot. Autre illustration : l’acquisition bouclée en toute fin d’année dernière de la société TextileGenesis. Un boost pour la conception ? Dans la fabrication ? Non : cette société néerlandaise œuvre dans le domaine de la traçabilité des matières premières, un aspect de plus en plus réclamé par les consommateurs et que les industriels doivent intégrer dans leurs process. La solution est fournie via une plate-forme SaaS, un aspect central dans la façon dont Lectra envisage l’avenir.A Lectra le but, au client le chemin« Nos clients ne sont pas simplement des grands groupes, nous adressons aussi des PME, de petites structures. Nos solutions sont évolutives et on vend des services. On peut commencer par un petit service, le ticket d’entrée n’est pas énorme », argumente Laurence Jacquot, qui veut aussi souligner « l’engagement d’accompagner les générations futures : on prête, voire on donne, des solutions, des équipements, aux écoles ». Une manière de partager et diffuser sa vision, tout en acculturant de potentiels futurs clients à son propre écosystème. « Cette logique d’abonnement va de pair avec un premier gros avantage : ça facilite la porte d’entrée. On est en train de complètement revoir notre modèle en ce sens. Pour nous, ça change le support, la technologie cloud, la monétisation », déroule-t-elle.Dans l’esprit de Lectra, l’abonnement - par opposition à la vente - permet de créer un lien unique, permanent et réciproquement bénéfique. « On innove sur la technologie mais aussi sur la relation avec le client. On l’aide à prendre en main le service, à paramétrer… On capte des retours en temps réel, s’il bute sur quelque chose qui nous semblait naturel au niveau de l’interface ou de l’expérience utilisateur. Ça n’est pas le client qui dicte sa roadmap à Lectra, qui conserve l’apanage de la vision, de l’objectif à atteindre et des fonctionnalités. Par contre, le chemin pour y parvenir, la priorité qu’on donne à telle ou telle fonctionnalité… là les clients ont de l’influence et nous amènent à redéfinir la façon. Cela peut avoir des impacts assez importants dans le développement, que nous devons mener en mode agile », analyse Laurence Jacquot.La logique d’abonnement aide aussi à garder le cap, même quand l’environnement est incertain. Ainsi du recul de 32% des ventes de nouveaux systèmes subi par le groupe au premier trimestre 2023. Ni une surprise, ni une inquiétude : « Quand l’économie se ralentit, on est les premiers à subir, c’est un décalage de commandes dans le temps. Mais nous restons sereins car 60% du chiffre d’affaires est dû à du récurrent qui lui, croît de 3%. Les revenus récurrents assurent la stabilité, laquelle permet de suivre sa vision. Notre business model est solide et notre feuille de route reste la même. »LectraFondation en 1973Siège : Paris - Usine, R&D, Experience Center… : CestasEffectif : 2.500 (monde), dont 800 à CestasCA 2022 : 522 M€

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