Dans les Landes, bientôt des chiens-robots pour aider les éleveurs à rentrer leurs poules - Premium

Imaginez des chiens-robots intelligents et autonomes, qui rentreraient des milliers de poules, le soir à la nuit tombée. Scénario de science-fiction ou projection en 2050 ? Pas vraiment. Plutôt un partenariat inattendu entre deux acteurs clefs du département landais : la coopérative agricole Maïsadour et Shield Robotics, bureau d’études du groupe Evotech, spécialiste de la robotique. Une rencontre née, d’ailleurs, lors de l’événement réseau de Placéco - Laüsa -, organisé avec Landes Attractivité. « J’ai demandé à Anthony [ndlr, Anthony Gavend, fondateur de Shield Robotics] s’il pensait que son chien-robot pouvait nous aider », se remémore Laetitia Domange, directrice du développement Pôle Agricole de Maïsadour. « De par mon parcours, je suis quand même assez ouvert à n’importe quel type d’innovation, pour tester ce qui n’a pas été fait, répond de son côté l’intéressé. Donc honnêtement, j’ai trouvé ça drôle, et j’ai validé l’idée de tester cela. »Réduire la pénibilité au travail Avant de se lancer, la seule crainte de l’entrepreneur était de générer un mouvement de panique chez les gallinacées dont les cœurs sont fragiles, et d’être à l’origine d'accidents bien involontaires. « Juste avant de réaliser le test, je me suis dit que c’était peut-être une bêtise », se remémore-t-il. Finalement, les craintes se sont vite envolées - à défaut des poules : lors des différentes sessions in, les pensionnaires à plumes semblaient n’avoir que peu de considérations pour l’intrus fait de métal et de plastique. « On y est allé doucement, mais on est obligés de vraiment s’approcher avec le robot [ndlr, téléguidé par un humain] pour qu’elles rentrent dans leur poulailler, sinon elles n'y prêtent pas attention. C’est tout de même une réussite, je crois que personne n’y croyait vraiment, on est tous choqués positivement par le résultat », se réjouit Anthony Gavend. Pour Maïsadour, le déploiement d’un robot remplaçant l’action humaine est avant tout un enjeu de bien-être pour ses éleveurs adhérents, contraints quotidiennement de rentrer leurs animaux à la même heure. « C’est un point de douleur énorme, dans leur activité, insiste Laetitia Domange. Il s’agit de poulets élevés en plein air donc tous les soirs de mars à septembre, ils doivent être présents. Les dîners de famille, les repas entre copains ou les soirées sont forcément plombés par cette astreinte de deux heures - le temps d’y aller, puis une heure passée sur place. » Selon notre interlocutrice, au-delà de la qualité de vie au travail, transformer les façons de faire actuelles permettrait également de faciliter la transmission des exploitations agricoles, aujourd’hui très compliquées. « La nouvelle génération ne veut plus de ces contraintes où les horaires ne sont pas choisis. »Maîtriser le coût final pour rendre le robot accessible Shield Robotics a donc décidé de relever ce challenge. Et passe désormais en phase de R&D pour arriver à un produit fini - et a priori unique en son genre. L’entreprise vise à terme un taux de réussite équivalent à ce qu’un humain peut faire. « En été lorsqu’il fait chaud, entre 60 et 70% des poules vont rentrer d’elles-mêmes dans les cabanes. Donc en réalité, c’est le reste qui pose problème, récapitule Anthony Gavend. Avec un premier passage préprogrammé du chien-robot, on fait entrer 10 à 20% des manquantes. Ensuite, il en reste un peu moins de 20% qui sont récalcitrantes, et qu’il faut aller chercher grâce à l’IA. » C’est d’ailleurs là que réside tout le travail du roboticien, qui compte s’appuyer sur le dernier-né de son groupe : la société Landes AI, spécialiste de l’intelligence artificielle et de l’apprentissage de cette dernière. L’objectif est de créer une IA capable de différencier une poule d’un autre élément, puis de la localiser par rapport à la position du chien-robot. De quoi permettre à ce dernier de se mouvoir pour aller la chercher. « C’est assez complexe, il ne faut pas l’effrayer, ne pas l’envoyer dans la forêt, donc la contourner pour la faire rentrer », précise l’entrepreneur. Qui espère avoir terminé la conception de son IA pour la prochaine saison estivale. Une fois cette étape terminée, ce sont près de 435 adhérents de Maïsadour qui pourraient bénéficier de l’outil - distribué par la filiale Élevage Service de la coopérative. Avant, éventuellement, d’élargir cette innovation au reste du territoire. « Le budget global du projet est en train d’être affiné, détaille Laëtitia Domange. Ça se compte en centaines de milliers d’euros - disons, moins de 500.000 euros. Ensuite, il est encore trop tôt pour connaître le prix de vente du robot, mais il pourrait être en dessous de 10.000 euros. On doit définir tout cela avec Anthony. » Côté Shield Robotics, la stratégie est de déployer une base de chiens robots pouvant œuvrer dans différents secteurs d’activité, comme cet été, sur les Jeux de Paris 2024, puis de les spécialiser selon les différents besoins. « Pour fixer un coût final, ce sera un multiple de tout ce que l’on arrivera à réaliser, qui permettra d’avoir les fameux effets de seuil liés au quantitatif, et espérer petit à petit baisser les coûts. Tout en fabriquant nos produits en France. C’est un défi extrêmement complexe, une vraie ingénierie financière car je tiens à l’idée que l’on doit être beaucoup moins chers que les systèmes américains, tout en étant forcément plus chers que les systèmes chinois. Nous devons trouver un entre-deux accessible », déroule Anthony Gavend. Pour qui ce sujet soulève une autre problématique : « La France ou l’Union européenne décideront-elles d’aider ces agriculteurs, qui s’équiperont pour le maintien d’une agriculture durable - et d’élevages de plein air ? » A terme, un chien-robot pourrait être en mesure de gérer entre 27.000 et 35.000 poules.

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