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Xavier Viton, homme de scène et chef d'entreprise

Inspiration
jeudi 01 octobre 2020

Xavier Viton dans son établissement, le Trianon. Crédits : MB

Homme de scène mais aussi chef d’entreprise à la tête de trois théâtres bordelais, Xavier Viton se définit comme un artisan du spectacle. Riche d’un parcours atypique et de carrières presque antagonistes, il avance, résiliant, face à la crise. Rencontre avec cet amoureux des planches.

Dans le hall du théâtre le Trianon, où les miroirs et les murs rouges nous plongent dans une atmosphère d’une autre époque, Xavier Viton évoque ses différentes vies. D’abord arbitre de football de 15 à 22 ans, il atteint le haut niveau de la Fédération Française de la discipline. « Je pense que cela m’a inculqué les notions de leadership et de discernement », confie-t-il. Dans les années 1990, il embrasse une carrière militaire. « J’étais contrôleur des finances au grade de sous-officier et en parallèle, je prenais des cours au Conservatoire de Bordeaux dans la classe de Mady Mesplé. Je suis très chanceux de l’avoir eue comme professeur. »

Après cinq ans dans l’armée, Xavier Viton décide de se jeter à corps perdu dans le chant lyrique. « J’étais baryton martin en soliste, précise-t-il. Cela m’a permis de parcourir les quatre coins de l’Hexagone durant une dizaine d’années. » Petit à petit, Xavier Viton bascule vers la mise en scène. « En tant que chanteur, ma propre créativité avait des limites. En devenant metteur en scène j’ai pu passer outre ces barrières, et très rapidement on m’a fait confiance. » Il crée la compagnie Prima Voce, et monte des spectacles de théâtre chanté qui remportent un vrai succès.

Amoureux des planches et de la liberté

Mais cette liberté créative ne suffit pas au Bordelais amoureux des planches. Xavier Viton en a marre de devoir convaincre des interlocuteurs avant d’accéder au public. Pourquoi pas, alors, avoir sa propre salle de théâtre ? « L’hésitation a duré six mois, puis j’ai utilisé mes économies pour investir dans un premier lieu. » Nous sommes en 2006 et le metteur en scène acquiert un ancien restaurant qu’il transforme en café-théâtre : celui des Beaux-Arts.

Quatre ans plus tard, le hasard pousse Xavier Viton à reprendre un second lieu. « Un ami est venu me voir et m’a dit qu’il connaissait un local à Victoire, une ancienne boîte de rock alternatif fermée 15 ans plus tôt. J’ai rencontré le propriétaire des murs et nous avons signé le contrat sur un post-it. » Quelques mois plus tard naît le Victoire, un théâtre de 160 places.

En 2012, le hasard place de nouveau un établissement sur le chemin du chef d’entreprise. Jean-Pierre Gil, propriétaire du théâtre Fémina dans lequel Xavier Viton s’était produit des années plus tôt, lui propose un espace près des Grands Hommes. « J’ai refusé car j’avais déjà deux théâtres. En le visitant, catastrophe, ça a été un coup de cœur absolu. » Il en devient le propriétaire et le renomme le Trianon. Au fil des ans Xavier Viton vend le café-théâtre et reprend le café Molière. Pour autant il n’a jamais été propriétaire des murs de ses théâtres, mais seulement des fonds de commerce. « Ce n’est pas rentable, sinon. »

Un artisan du spectacle engagé 

« Je suis un chef d’entreprise à part entière et je le revendique. J’essaye de ne pas m’enfermer dans le milieu culturel, et de m’inspirer de ce qui est fait ailleurs pour l’adapter. » Clubs de chefs d’entreprise, stages de management ou encore formateur pour des cours de prise de parole, Xavier Viton est un entrepreneur. « Je me définis souvent comme un artisan du spectacle. Il faut trouver le juste milieu entre la rentabilité financière et l’humanité, nécessaire. » Son travail est de fabriquer du spectacle, mais aussi d’assurer la gestion de ses trois lieux. « Surtout qu’il s’agit de structures privées, donc nous n’avons pas de subventions. Nous vivons des places vendues ! »

Mais Xavier Viton ne se cantonne pas à son propre business. 15 jours après le début du confinement, en mars dernier, il crée l’association Les Théâtres privés en région. « Aujourd’hui elle réunit 80 membres partout en France. Il a fallu que nous, acteurs culturels, montions au créneau pour faire entendre notre corporation durant la crise. » Cette association a vocation à se pérenniser, car de l’aveu de son instigateur, « il y a tout à faire » dans ce domaine.

Survivre à la crise

Si aucune liquidation judiciaire n’a été enclenchée par Xavier Viton, ces derniers mois ont été particulièrement compliqués. « J’ai d’abord sauvé les personnes qui travaillent aux théâtres en mettant le chômage partiel, que tout le monde ait un salaire. Désormais il faut sauver les lieux. »

En comptant intérimaires, salariés permanents et intermittents, jusqu’à 50 personnes travaillent auprès de Xavier Viton. L’année dernière le chiffre d’affaires des trois théâtres dépassait les 1,5 million d’euros, il n’atteindra pas les 500.000 euros en 2020. « Nous sommes au bord de la rupture, lâche le chef d’entreprise. Nous avons utilisé tous les leviers disponibles. »

Les théâtres ont récemment repris leur fonction première, accueillir des spectacles. « Il n’y a pas vraiment d’engouement de la part du public, mais on sent que les personnes présentes ont envie de rire, sont heureuses d’être là. » Xavier Viton n’imagine pas que l’un de ses lieux puisse fermer ses portes. « Aujourd’hui les réponses de nos partenaires et créanciers nous permettent d’être vraiment optimistes. Mais il ne faut pas que la crise dure longtemps. »

Xavier Viton
Théâtres Victoire, Molière, Le Trianon
Jusqu'à 50 collaborateurs
CA 2019 ; 1,5M€