Comment BS Digital veut imposer ses « AMI » dans l'expertise comptable - Premium

Chez BS Digital, les cartons s’entassent dans les recoins des murs, et jusque dans le bureau du directeur et cofondateur Alexandre Stojanovic. L’entreprise, cela se voit, commence à se sentir à l’étroit dans ses murs. D’ailleurs, BS Digital, hébergée à Hélioparc, va bientôt investir un étage entier dans le futur bâtiment de la technopole paloise. Car l’entreprise, fondée en 2017, grandit vite. Elle comptera bientôt 35 employés, et connaît, depuis 2021, une croissance de 100% par an, affirme Alexandre Stojanovic. Son produit, des logiciels spécialisés dans la comptabilité et fonctionnant grâce à l’intelligence artificielle, équipe 900 cabinets d’expertise comptable, traite plus de 100.000 dossiers comptables, « et on arrive bientôt aux 50 millions de factures traitées », se félicite le dirigeant. « 56% des entreprises qui ferment le font pour défaut d’expertise financière où à cause d’une comptabilité mal tenue, constate Alexandre Stojanovic. La comptabilité est une obligation légale, pour laquelle les entreprises paient très cher, et qui sert aussi aujourd’hui d’outil de pilotage. Jusqu’à présent, la profession comptable était très centrée sur la saisie des chiffres, qui représente entre 60 et 80% du temps, contre 20 à 40% pour le conseil et l’expertise. Nous, nous proposons un outil qui automatise ces 60-80%. » La solution de BS Digital : un « assistant métier intelligent » (AMI, le terme a été inventé par l’entreprise), accessible sur abonnement mensuel et facturé en fonction du nombre de dossiers comptables traités. « C’est une solution cloud, basée en France, à laquelle les clients accèdent par leur navigateur, précise le dirigeant. Chaque client possède sa propre intelligence artificielle, qui apprend en se basant sur les données de son entreprise. »« À l'aube de l'IA »L’entreprise est née de l’association d’Alexandre Stojanovic avec Emmanuel Briquet, tous deux spécialistes du numérique. « C’était en 2015, à l’aube de l’IA, raconte Alexandre Stojanovic. Notre vision, c’était que l’informatique allait suivre la même tendance que le secteur automobile, et avancer vers de plus en plus d’autonomie et d’automatisation. » C’est l’époque des premiers assistants virtuels, les Siri, Cortana et OK Google lancés par les GAFAM à destination des particuliers. « Nous, on a décidé de se spécialiser dans les métiers, reprend le cofondateur de l’entreprise. Nous avons fait la connaissance d’un expert-comptable, et c’est pour ça que notre premier produit est AMI Compta. »En février 2017, BS Digital intègre Hélioparc. Fin septembre de la même année, la jeune startup fait le voyage au congrès de l’ordre des experts-comptables avec son premier prototype. « Tout le monde nous ferme la porte au nez et nous dit qu’il n’y aura jamais d’IA dans le secteur comptable, se souvient Alexandre Stojanovic. Mais pour nous, il n’y avait pas de doute. Plein d’autres secteurs d’activité étaient en train de prendre le sujet à bras le corps, on savait que ce déni de réalité ne pourrait pas durer longtemps, 6 mois-1 an maximum, et c’était précisément le temps qu’il nous fallait pour développer un bon produit. »À lire également - Hélioparc dévoile la nouvelle promotion de l'incubateur GreenovLe déclic se fera en réalité attendre un peu plus longtemps. Fin 2019, BS Digital devient une filiale du groupe français Isagri, leader européen sur l’édition de logiciels pour les agriculteurs, et troisième acteur sur la profession comptable en France. « Ça nous a apporté de la crédibilité et un appui commercial très fort : 30 commerciaux qui commencent à vendre le produit, ça aide », sourit Alexandre Stojanovic. Pour autant, l’entreprise n’est rentable que « depuis pas longtemps », élude le dirigeant. « Il nous a fallu cinq ans de R&D pour arriver là où nous en sommes, et il nous en faudra sans doute encore cinq pour arriver à maturité. Tous les six mois, on voit arriver des nouveaux algorithmes, des nouveaux procédés, qui permettent de faire deux fois mieux pour deux fois moins cher. » Remonter la chaîne de valeur et viser l’international À long terme, BS Digital n’a pas vocation à se limiter à l’expertise-comptable. D’autres métiers de la finance, mais aussi l’agriculture, sont dans le viseur de la startup. Mais sur le court terme, assume Alexandre Stojanovic, « on va continuer sur notre élan dans ce secteur, et monter dans la chaîne de valeur. » Après avoir confié la saisie comptable à AMI Compta, l’entreprise s’attaque maintenant « à la révision et aux outils de pilotage. »BS Digital commence aussi à sonder les marchés internationaux, en débutant par le Québec, mais le Portugal et le Royaume-Uni font aussi partie des cibles envisagées. « Le défi que l’on a, c’est que le métier de comptable n’est pas le même dans tous les pays. Ailleurs qu’en France, il y a moins d’obligations et de contraintes légales, et la profession comptable est plus une profession de conseil. Le marché est aussi beaucoup moins structuré dans d’autres pays, ou alors au contraire ultra-consolidé autour des grands cabinets comptables internationaux. » Néanmoins, nuance son dirigeant, BS Digital restera encore longtemps concentré sur le marché français. « La France est un pays avec plus de 20.000 cabinets d’expertise comptable. Aujourd’hui, il y a 4 millions de dossiers, et on n’en a que 100.000, constate-t-il. En terme de potentiel de conquête, on a de quoi jouer pendant encore de longues années ! » Le recrutement, principal frein à la croissance « On voit que le marché est en train de maturer très fortement, considère Alexandre Stojanovic. Nos clients sont en train de passer le cap, même s’il y a toujours une certaine peur de l’IA. L’enjeu, c’est de faire comprendre aux gens que ça n’est pas la mort des métiers ni des professionnels ». Pour preuve, ajoute-t-il, les clients de BS Digital « ne licencient pas, ils recrutent. Nos clients qui trouvent le plus de bénéfices à AMI Compta sont ceux qui font un travail d’accompagnement au changement en interne et qui forment leurs équipes. » Mais plus que l’évangélisation aux bienfaits de l’intelligence artificielle, c’est l’agrandissement des équipes qui représente le principal obstacle à la croissance de BS Digital. « Notre croissance dépendra de notre capacité à recruter, c’est notre plus grand frein », constate Alexandre Stojanovic. « Nous avons un haut niveau d’expertise, des ingénieurs, doctorants, des double master 2. Notre défi, c’est de trouver des nouveaux collaborateurs de ce niveau à Pau. On aurait pu croître plus vite, mais nos effectifs n’arrivent pas à suivre notre croissance commerciale, et on ne veut pas externaliser. »

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