Navailles, la manufacture de sièges qui tient debout

Navailles parie sur le médical et oriente sa stratégie en partie sur ce secteur pour aller chercher de la croissance externe. Cette entreprise est d'abord l'histoire d'une passion. Celle de Robert Navailles, coureur cycliste amateur, ami et entraîneur du champion Luis Ocana, qui fabrique ses propres cadres de vélo dans son garage de Mont-de-Marsan. Après Guerre, il est appelé à fonder une usine en Argentine pour une marque italienne de cycles puis, de retour dans la préfecture landaise, crée sa propre usine de fabrication. Son savoir-faire en matière de cintrage, de soudure et d'assemblage de tubes d'acier, attire l'attention des industriels de l'ameublement de Hagetmau. La fourche de vélo, de forme conique, ressemble en effet aux piètements des sièges et Robert Navailles voit affluer les contrats de sous-traitance de la part des géants de l'ameublement installés dans la petite ville de Chalosse. En 1966, il est rejoint par ses fils Francis et Claude, le premier soudeur de formation, le second designer formé à l'école Boulle. La société Navailles est officiellement créée et s'implante à Hagetmau, à l'endroit où elle se trouve encore aujourd'hui.

Du vélo au Lido

Elle grandit pendant plusieurs décennies dans l'ombre, inconnue du grand public mais très bien identifiée par les industriels du siège pour son savoir-faire dans le travail du métal, la soudure, la couture, la piqûre et le garnissage. Peu à peu, Navailles s'installe dans les bureaux, les ateliers, les salles de réunions et même dans la célèbre boîte de nuit du Lido, dont elle conçoit les banquettes en 1978. Dans le même temps, l'activité s'oriente vers l'univers médical avec un premier fauteuil gériatrique élaboré en 1981. Le début d'une spécialisation salutaire, qui lui permettra de résister à la désindustrialisation des années 90-2000.

« Le médical représente aujourd'hui près de 70% de notre chiffre d'affaires », enchaîne Cyrille Michaud, directeur du développement. Depuis 2007 et la retraite des frères Navailles, c'est son frère Christophe qui préside aux destinées de l'entreprise. Directeur d'une usine d'assemblage de sièges techniques du côté de Dijon, il a vu en Navailles « un panel très large de savoir-faire dans la conception et la fabrication, ce qui ouvrait un large champ des possibles », rappelle Cyrille Michaud.

Marché très pointu

Ce savoir-faire, les deux frères l'ont mis à profit en étoffant la gamme des sièges de bureaux mais surtout en creusant le marché très spécifique du siège médicalisé, dont Navailles est aujourd'hui le leader français. « Notre principal débouché, c'est le secteur public hospitalier, détaille Cyrille Michaud. C'est un marché très pointu, où il faut une proximité avec les acheteurs. Cela prend beaucoup de temps de nouer des relations et de pousser des portes. C'est aussi un marché de niche, avec de petites séries, des fonctionnalités très diverses, des cahiers des charges co-construits avec des cadres de santé et des ergothérapeutes. »

Fauteuils de repos, de soins, de prélèvements, de transferts, Navailles a pour ambition d'offrir une solution adaptée aux différents usages et aux différentes pathologies. Dernière création en date, le fauteuil ambulatoire Orphée, capable de passer de la position assise à la position allongée, entre autres fonctionnalités. «On compte beaucoup sur ce produit qui va se décliner en différents modèles », ajoute Cyrille Michaud, qui anticipe déjà l'évolution des besoins du secteur : « Un jour, nous aurons des fauteuils qui se transforment en lits. »

« Bon sens paysan »

Face à cette évolution permanente et à ces besoins très spécifiques, Navailles peut compter sur ses savoir-faire historiques et surtout, sur une agilité peu commune : du bureau d'étude à l'expédition, en passant par le prototypage, la tôlerie (cintrage, perçage et soudure des tubes), le garnissage, la découpe et la couture des tissus, le montage, toutes les étapes de la fabrication sont internalisées. Et le terme de « manufacture » dont se prévaut la marque n'est pas galvaudé, puisque tout est fait à la main, par 130 salariés qui perpétuent des gestes traditionnels, dans de vastes ateliers où imprimantes 3D côtoient machines à coudre et cintreuses installées pour certaines depuis l'origine. A cela s'ajoute un écosystème de fournisseurs exclusivement régionaux, à l'image de Mousse Confort Plus, installé à Hagetmau, le tout sous la certification « Origine France Garantie ». Une façon de faire tout autant qu'une manière d'être, que Cyrille Michaud aime résumer par l'expression « bon sens paysan ».

« Nous cherchons désormais à nous appuyer sur la puissance de nos savoir-faire pour aller chercher de la croissance externe, en investissant dans des entreprises complémentaires pour étendre notre gamme sur de nouveaux marchés et consolider nos positions », esquisse-t-il. Avec 18 millions d'euros de chiffre d'affaires réalisés lors du dernier exercice et la reconnaissance des professionnels de santé, aussi bien en France qu'en Belgique ou au Luxembourg, Navailles a tous les atouts pour perpétuer son histoire.