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Responsabilité territoriale : un rapport pour mieux mesurer l'impact des entreprises

Écosystème
mardi 04 juin 2024

Timothée Duverger, ingénieur de recherche à Sciences Po Bordeaux, responsable du master ESSIS et de la chaire Territoires de l’ESS (TerrESS). Crédits : T. D.

Comment mesurer l’impact territorial des entreprises ? C’est la question que s’est posé le think tank Impact Tank. Après 13 mois de travail, la structure a remis son rapport et ses recommandations à Olivia Grégoire, ministre déléguée des Entreprises, du Tourisme et de la Consommation, lors du Sommet de la mesure d’impact. Timothée Duverger, responsable de la chaire TerrESS à Sciences Po Bordeaux et rapporteur du projet, livre à Placéco les ambitions du rapport.

Que contient ce rapport, et à qui s’adresse-t-il ?
Nous avons produit un document structuré autour de quatre axes. Une revue de littérature, qui visait à dire « il ne peut pas y avoir de transition si elle n’est pas juste », et qu’à partir de là il faut mettre en place une responsabilité territoriale des entreprises. Ensuite, nous avons établi un recensement d’initiatives qui s'inscrivent plus ou moins dans le champ de la RTE [ndlr, responsabilité territoriale des entreprises], ainsi qu’un outil de mesure d’impact, en prenant en compte cette dimension territoriale. Enfin, quatrième axe, des recommandations à destination des entreprises et des pouvoirs publics - une sorte de petit guide pour mettre en place des stratégies de RTE ou des politiques publiques.

Qu’est-ce qui en ressort ? Comment mesurer l’impact territorial des entreprises ?
On reprend la mesure d’impact social classique, qui elle, mesure des effets individualisés. Nous y avons introduit deux dimensions. La première, c’est comment définir au préalable le territoire ? Quelles sont ses parties prenantes, et avec qui doit-on codéfinir la mesure d’impact ? Ensuite, second point d’inflexion, il ne faut pas seulement mesurer des effets individualisés, mais aussi collectifs. C’est-à-dire, ce que l’activité des entreprises engendre sur les écosystèmes territoriaux, au-delà des seuls individus. Car l’idée, derrière, c’est que le territoire renforce les effets systémiques des actions - quand on est à plusieurs, ça a des effets multiplicateurs.

Donner des pistes de réflexion aux entreprises

Quelles sont les principales recommandations qui ont été formulées dans ce rapport, à destination des pouvoirs publics ?
Pour synthétiser, j’ai donné trois mots-clefs - coopération, démocratisation, expérimentation. La coopération, c’est le développement des pôles territoriaux de coopération économique [ndlr, les PTCE, qui donnent un cadré légal et financier à des solutions locales pour créer des synergies entre acteurs économiques] comme le projet Ïkos ou la Fabrique Pola en Gironde. Ce que l’on dit, c’est qu’il faudrait une véritable stratégie France Coopération, mais aussi des coopérations public-ESS. Par exemple en Angleterre, la ville de Preston utilise le levier de la commande publique pour financer de véritables filières coopératives sur son territoire, et répondre à ses besoins. Ça s’appelle le Community Wealth Building, et c’est un modèle anglo-saxon très intéressant. Il sera notamment mis à l’honneur le 27 juin prochain par Bordeaux Métropole, à l’occasion d’une journée autour de la commande publique responsable [ndlr, BEE, Bordeaux Échanges Européens].
Concernant les deux autres mots-clefs, il y a la démocratisation - j’ai poussé le modèle des ESOP [ndlr, plans d’actionnariat salarié], et l’idée de la transmission de l’entreprise à ses salariés. À cette occasion, Olivia Grégoire a d’ailleurs affirmé qu’elle allait intégrer ce dispositif dans un texte de loi… Ce qui n’est pas neutre, je pense. Enfin, troisième et dernier point, les expérimentations - comment, d’une expérimentation locale, on peut bâtir une politique nationale ? On peut citer Territoire zéro chômeur pour la garantie d’emploi, la sécurité sociale de l’alimentation…

Ce rapport est une première étape, mais qu’en attendez-vous, maintenant ? Peut-il vraiment faire avancer les choses ?
D’abord, ça permet d’insister sur le fait que le territoire compte, dans le monde économique. C’est l’idée fondamentale. Lors de la remise du rapport, nous avions Gabriel Attal en ouverture, Olivia Grégoire et énormément d’entreprises étaient présentes et ont pu entendre ce que l'on avait à dire. Ensuite, ces entreprises peuvent elles-mêmes se saisir du rapport, cela peut impulser des actions de leur part. Dans la liste des recommandations, tout ne se fera pas, mais typiquement si Olivia Grégoire va au bout de l’idée de démocratisation de l’entreprise, ou qu’elle renforce les PTCE, on aura gagné. Et puis, c’était l’occasion de promouvoir les modèles de l’économie sociale et solidaire auprès des acteurs présents. À ce titre, je pense que l’ESS gagne en légitimité, il y a un intérêt marqué des entreprises, des acteurs publics. Après, c’est une tendance émergente et ce n’est pas encore une évidence, même si des progrès sont faits.

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