Mathias Saura, Medef Gironde : « nous sommes condamnés à être optimistes » - Premium

L’assemblée générale du Medef Gironde, organisée vendredi, marquait symboliquement le premier anniversaire de votre présidence. Que retenez-vous de ces douze premiers mois ? C’était une année passionnante, avec beaucoup de travail, et surtout beaucoup de rencontres, que ce soit en interne, au sein du Medef, mais aussi avec l’ensemble de nos interlocuteurs, les politiques, les fédérations, les CCI… La période n’a pas été extraordinaire en termes économiques, il y a donc eu beaucoup de sujets dans lesquels s’impliquer, pour essayer d’agir au mieux sur l’économie locale et particulièrement sur les secteurs en difficulté. À titre personnel j’en retire un grand plaisir intellectuel.Vous l’avez redit en assemblée générale, les patrons sont attachés à une forme de stabilité, principalement réglementaire, pour développer leur activité et créer de l’emploi. Comment abordez-vous la période à venir, qui risque, quel que soit le résultat des élections législatives, d’être marquée par une forte instabilité ? Quand on veut diriger, il faut prévoir, et pour prévoir, il faut que les choses soient prévisibles. Or nous rentrons dans une période dans laquelle, à titre personnel, j’estime que les choses ne sont pas prévisibles. Nous allons donc devoir être dans la réaction et dans l’agilité. C’est moins confortable, mais nous savons le faire, même si nous préférons effectivement une ligne stable, qui nous donne les moyens d’avancer, d’investir et de prendre des risques. Un chef d’entreprise prend des risques en permanence, mais il évalue ces risques en fonction du contexte. Ne pas pouvoir comprendre ce contexte pousse à l’immobilisme, ce qui n’est pas bon.Officiellement, le Medef ne fait pas de politique. Comment peut-il intervenir dans le débat en cours ? Nous sommes effectivement apolitiques, mais nous intervenons à notre manière, en discutant, et en essayant de faire en sorte que l’agenda des entreprises puisse être au moins connu des politiques, voire pris en considération si possible. Nous leur rappelons donc ce qui est important pour l’économie, pour l’emploi, pour la stabilité des entreprises. La capacité économique et financière ne se décrète pas, elle découle du travail des entreprises, mais elle donne les moyens aux politiques de mettre en œuvre leurs choix. Des choix sur lesquels nous ne voulons pas rentrer, puisque comme partout, nos adhérents ont des lignes de pensée diverses.Au-delà du mouvement, qu'en pense le chef d’entreprise ? C’est compliqué. J’ai aujourd’hui 600 collaborateurs, je pense principalement à eux, parce que les décisions qui seront prises demain pourront soit faire que leur vie soit plus facile, soit qu’elle se complique. Je pense qu’il faut absolument que la valeur travail reste essentielle. En pratique, ça signifie qu’un collaborateur, de mon entreprise ou d’une autre, doit pouvoir vivre de manière parfaitement décente, se loger, être fier de son travail, et avoir l’assurance que son labeur l’aide à avancer dans son projet de vie, vers un avenir meilleur. D’où l’importance de remettre en route le plus rapidement possible l’ascenseur social.Vous avez choisi « Et demain ? » comme thème de la prochaine Université des entrepreneurs, organisée le 10 octobre prochain à Bordeaux. L’an dernier, la rencontre s’intitulait « Résolument optimistes ». Cet optimisme est-il toujours de rigueur ? Sous ma casquette personnelle, je suis inquiet. Mais le chef d’entreprise reste optimiste. Il réfléchit à ce qu’il faudra faire, et pense qu’il trouvera le moyen de s’en sortir, pour son entreprise, pour ses collaborateurs et pour ses clients. Pour que les choses continuent à avancer. Nous sommes en quelque sorte condamnés à être optimistes, par nature. Et il y a pire comme condamnation !Le Medef Gironde s’est impliqué ces douze derniers mois sur les sujets liés à la mobilité, au logement et à la décarbonation, avec une participation récente au lancement de l’Alliance solaire portée par Pierre Hurmic à Bordeaux. Comment prévoyez-vous de continuer à avancer sur ces sujets pour l’année qui vient à l’aune des incertitudes qui entourent l’élection ? À trois semaines d’un temps politique dont on ne sait pas où il va nous mener, faire un plan à un an relèverait de la fiction. Au-delà de ça, si nous reprenons nos agendas, qu’est-ce qui est important ? Nous avons à Bordeaux un énorme problème de logements, auquel il faut apporter des solutions. Il y en a deux. Soit une extension des zones à bâtir, ce qui signifierait de renoncer à la loi ZAN. Soit une extension par le haut, et donc une acceptation, par les politiques comme par les habitants, de la nécessité d’avoir demain des immeubles plus hauts. Nous le voyons de façon très directe avec nos collaborateurs qui n’arrivent pas à se loger correctement, il faut apporter une réponse. Il en va de même pour la mobilité. Nous savons qu’il y a un problème. La réponse passe-t-elle par un métro, par le RER métropolitain, par des extensions de tramway ? C’est le rôle des techniciens que de nous éclairer. De notre côté, nous sommes prêts à accompagner tous les projets qui prennent en compte une problématique et essaient de lui apporter une réponse pour demain. Le sujet de l’alliance solaire montre bien que nous sommes apolitiques. C’est un projet intéressant, puisqu’on parle d’utiliser des zones artificialisées pour produire de l’énergie décarbonée, avec la perspective de créer de l’activité locale et de limiter notre dépendance à l’extérieur sur cet aspect. Le seul point que je regrette quand on parle de solaire, comme beaucoup de chefs d’entreprise, c’est que nous n’ayons pas réussi à faire émerger une filière française du photovoltaïque. Et ça ne me choquerait pas qu’on paie plus cher, au travers des marchés publics, des panneaux solaires français, créateurs d’emplois. C’est difficile, notamment parce que la Chine a mis en place un dumping et des capacités de production phénoménaux, mais comme pour le paracétamol ou d’autres produits de première nécessité, il faut qu’on sache faire.

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