Audrey Sauret à B to Biarnes : « Dans notre sport, on a beaucoup à apprendre des Américains » - Premium

L’Elan béarnais a été plongé, ces dernières années, dans une tourmente financière, avec un épisode rocambolesque de rachat par des investisseurs américains… Pouvez-vous nous raconter ce qui s’est passé ?L’épisode américain, malheureusement, a eu une issue assez triste. L’objectif était pourtant tout autre. L’Elan Béarnais était depuis très longtemps sous le statut de SEM, la mairie était propriétaire de la société. Le sport de très haut niveau ayant besoin aujourd’hui de travailler son modèle économique et sa rentabilité, elle avait souhaité vendre la société. Ça a été compliqué, car ça s’est fait dans l’urgence. Le modèle français n’attire pas beaucoup les investisseurs, la loi impose des conditions assez particulières.Lesquelles ? Le propriétaire n’est pas patron à 100% chez lui. Il doit être appuyé par une association support, à laquelle il est lié par une convention, et qui détient les droits sportifs. Faire une activité sportive sans détenir les droits sportifs… le patron a quand même du mal à comprendre ce qu’il détient réellement. Malgré tout, les investisseurs américains sont arrivés, avec un grand, un très grand projet… un projet à l’américaine, qui n’était pas incohérent contrairement à ce que l’on a pu entendre. Malheureusement, ils n’avaient pas pris toute la mesure de ce dispositif et de cette législation française, ils sont arrivés avec leurs idées de sport business à l’américaine, et non pas de sport professionnel à l’européenne, et encore plus à la façon française.« Il y a eu une descente aux enfers »Est-ce pour cela que le rachat a mal tourné ?Je crois que la plus grande déception, c’est qu’au-delà de ce décalage, il y a eu une ingérence financière, on ne peut pas l’appeler autrement. En un an, ils ont dépensé trois millions en trop… quand on commence à arriver sur ces montants, ça devient vite compliqué. Il y a ensuite eu une descente aux enfers. Les investissements ont au moins permis des résultats sportifs intéressants sur la saison où ils étaient propriétaires… même si le seul vrai propriétaire est Guillaume Berbinau, c’est le seul qui a effectivement payé ses parts. Pendant deux ans, elles étaient dans la nature. Ça a été une période très compliquée. Je suis arrivée en septembre 2022, les Américains étaient sortis en mai, avec une annonce brutale de la disparition du club suite à un déficit de deux millions. Un actionnaire s’est proposé pour permettre la transition. Mais au-delà de l’aspect financier, il y avait beaucoup de dégâts. La particularité du sport, c’est d’avoir beaucoup de parties prenantes : les partenaires, les financeurs, le public, qui joue un rôle de soutien, d’appartenance, et fait aussi partie de nos revenus via la billetterie. Toutes ces parties avaient été très blessées. Déjà, par le fonctionnement des Américains, qui s’étaient un peu coupés de tout le monde en disant « tout va changer, on va tout bousculer, imposer notre manière de fonctionner et faire du business », en posant beaucoup de distance avec tout le monde, même les bénévoles. Il y avait beaucoup de blessures, de déception, d’animosité. La transition s’est ensuite faite, avec le rachat par Sébastien Ménard la première année. puis depuis septembre 2023, avec Guillaume Berbinau qui a repris le club avec de meilleures intentions, un projet beaucoup plus sain, et une vraie gestion d’entreprise.« 40% de nos revenus viennent du propriétaire »Vous mentionnez le sport business. C’est une expression que l’on entend souvent en France, mais avec une connotation assez péjorative. Est-ce que dans le basket-ball en particulier, on n’a pas quelque chose à apprendre du sport business à l’américaine ?On a forcément à apprendre de tout le monde, et surtout des Américains dans notre sport, mais surtout à savoir adapter leur modèle à notre réalité et à notre fonctionnement. Aujourd’hui, l’image du sport en France est toujours associée au football. Celui-ci a toujours bénéficié en France de droits télé importants, toujours bénéficié d’une notoriété territoriale, ils ont eu très tôt des installations, des infrastructures, qui se sont développées. Ils ont développé un système de formation qui fait partie du business et de leur économie, ça fait partie du modèle économique du football de former des gens et de les revendre. Tous ces points-là n’existent pas dans notre sport. Et en plus, on a cette concurrence outre-atlantique qui, aujourd’hui, mène la danse. Ils ont un environnement sportif, législatif, qui n’a rien à voir aujourd’hui avec le niveau européen. Aujourd’hui, nous n’avons plus de maîtrise sur notre jeunesse. Dans les universités américaines, les jeunes joueurs peuvent gagner 4, 5, 6 fois plus que nos joueurs professionnels en Pro B. Nous, nous n’avons pas le droit de les rémunérer. On ne peut pas revendre les joueurs, on ne touche aucun droit dessus. C’est très compliqué, aujourd’hui, de fidéliser un joueur. Quand on veut signer un joueur pour deux ou trois ans, ça lui paraît très long. Ils ont des carrières courtes, avec des revenus qui ne sont pas à la hauteur de ceux du foot, et les joueurs veulent gagner très vite de l’argent et cherchent à avoir des contrats très courts.À lire également - Elan Béarnais : « Sans le rachat par Guillaume Berbinau, nous étions en cessation d'activité »Sur quoi est basé le modèle économique des clubs français ? De quoi vit l’Elan béarnais ? La diversité des revenus est très faible, on a les partenariats publics, les partenariats privés, les revenus billetterie, on fait un peu de location en dehors des soirs de match avec Elan Event… et 40% de nos revenus viennent, aujourd’hui, du propriétaire. Aujourd’hui, l’Elan Béarnais en est là. Ça n'est pas viable sur le long terme. On a fait un audit qui a duré un an et on est maintenant dans une phase de relance du projet, on a besoin de redynamiser notre notoriété, pour pouvoir remplir le palais. On a 7.700 places, aujourd’hui on a 3.000 personnes en moyenne… le partenariat privé est en difficulté, dû à l’instabilité qu’a connu le club, à la conjoncture, et à la concurrence forte dans le sport sur le territoire. On a besoin de redynamiser tout ça, parce qu’en fait ce sont les seuls leviers que l’on a aujourd’hui. On doit arriver à convaincre, et à gagner. Aujourd’hui, ça reste central en France, et même quand on essaie de proposer autre chose, de séduire les gens différemment, on essaie de mettre en avant notre engagement social et sociétal, ça doit stimuler nos relations avec le territoire : le public, les partenaires, et les collectivités pour continuer de bénéficier des infrastructures qui sont aujourd’hui indispensables.

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