Michel Labardin (Gradignan) : « L’un des périls en matière d’aménagement, c’est sacrifier les espaces naturels » - Premium

Certaines communes de la métropole bordelaise ont des identités fortes - Blanquefort avec l’industrie, Mérignac avec l’aéronautique, ou encore Eysines et le maraîchage. Quelle est la « marque de fabrique » de Gradignan ? En effet, chaque ville a son histoire et nous ne sommes pas sur un bassin industriel. Nous avons plutôt un tissu de PME et de PMI, localisées le long des grands axes routiers - A63 et rocade. Il y a une thématique qui sort un peu du lot en matière d’activités, c’est l’informatique. Un pôle de La Poste y est dédié, celui de l’Agirc Arrco, ou encore le service informatique de toute la façade atlantique du Crédit Agricole. On trouve aussi des bureaux d’études, et des secteurs de niche en matière de production… Dès les années 1980, Gradignan s’est positionnée en disant « on n’est jamais mieux servi que par soi-même », c’est en quelque sorte notre credo. Mon prédécesseur avait été pilote pour aménager des zones d’activités, comme ont pu le faire Blanquefort, Bruges et d’autres. Sauf qu’aujourd’hui, ces zones ne sont pas en extension car notre territoire communal n’est pas vaste - il fait 1.550 hectares, et nous avons un souci historique de cohabitation entre les habitants et les entreprises, pour qu’elles ne soient pas défavorables à notre qualité de vie.À lire également : À Gradignan, l’Ermitage devient le pôle emploi et économie de la ville L'une des particularités de Gradignan est d’être dotée de très nombreux espaces verts - 400 hectares - et de 20 parcs communaux. Vous revendiquez d’ailleurs le qualificatif de « ville verte ». Comment concilier cette volonté avec le nécessaire aménagement urbain ? Oui, il y a eu un arbitrage précoce, et j’y ai participé, sur la préservation de la nature. De sorte qu’il y a sans doute des dizaines d’hectares qui auraient pu être affectés à l’activité économique ou à l’habitat, qui ne le sont pas, et qui constituent aujourd’hui la structure verte de notre commune. Cette posture était anachronique il y a 30 ou 40 ans, et l’opposition disait alors à mon prédécesseur « les Gradignanais ne sont pas des vaches ». On était au début des années 1980, ce n’est pas si loin que ça ! Mais le fait de maintenir de grands espaces de nature ne contrevient pas au développement. Par exemple, nous sommes la commune qui a enregistré la plus forte progression en matière d’habitat social en 20 ans - nous sommes passés de 12%, à 22 ou 23%, et nous atteindrons 25% en 2025, date butoir théorique à laquelle nous devons atteindre ce seuil. En fait, on a retravaillé la ville sur elle-même, là aussi dans une obligation légale d’économiser de l’espace, mais on est déjà en route vers cette transition. Car l’un des principaux périls en matière d’aménagement du territoire, c’est sacrifier les espaces naturels, agricoles et forestiers, au profit de l’habitat ou du développement économique.Ne pas oublier les entreprises artisanalesJustement en matière de développement économique, quels sont les leviers dont dispose Gradignan ? On est sur le traitement de l’existant. Une zone d’activité vieillit, elle n’attire plus personne, donc il faut imaginer le coup d’après. C’est ce qui se passe avec l’Opération d’intérêt métropolitain Bordeaux Innocampus, qui concerne Pessac, Talence et Gradignan. On peut renouveler le tissu économique de nos villes, faire du remembrement pour attirer des entreprises avec davantage de valeur ajoutée, lutter contre l’immobilier obsolète et assurer une nouvelle génération de sociétés. Comme nous n’avons pas d’identité forte, comme l’industrie par exemple, autour de laquelle on pourrait continuer à se développer, nous adoptons une autre stratégie. C’est par exemple, et on le fait sans bruit avec les promoteurs, installer des hôtels artisanaux. De façon à rapatrier les artisans qui ont fui ailleurs car nos villes sont trop chères pour eux, qu’ils ont besoin de stationnement, d’ateliers et de bureaux… Quand on parle de développement économique, on se focalise beaucoup sur les grandes entreprises mais on oublie tout ce tissu artisanal qui contribue à la richesse économique, mais aussi à l’emploi. À Gradignan, on souhaite accueillir ces petites entreprises de deux, cinq, dix salariés. Néanmoins ces entreprises peuvent être réticentes à l’idée de s’implanter sur Gradignan, au regard des difficultés de transport que vous pointez régulièrement du doigt… Où en est-on d’un possible tramway ? La question du tramway jusqu’à Gradignan est le seul sujet de controverse avec la Métropole. La conclusion de l’étude menée entre 2018 et 2020 [ndlr, sous l’ancienne mandature métropolitaine] était que le projet d’extension du tram était tout juste rentable, mais comme tous les projets de transports collectifs. Décision était prise de poursuivre le projet en janvier 2020, mais les élections qui ont suivi en mars ont été ce qu’elles ont été [ndlr, changement de majorité métropolitaine et fin de la cogestion], et le projet a été stoppé. L’action publique n’a pas été continue et a été discriminante, ce qui n’est pas acceptable. En fin d’année dernière, j’ai demandé la reprise de cette étude, car s’il y a une valeur à laquelle je crois, c’est la continuité de l’action publique. D’ici la fin de l’année 2024, une équipe de maîtrise d'œuvre sera désignée pour refaire toutes les études et aboutir à une décision - et quelle qu’elle soit, je jouerai le jeu en 2026. Si elle est favorable, il faut encore deux ans pour aller à l’enquête publique, puis il faut obtenir une déclaration d’utilité publique du préfet, pour pouvoir réaliser les travaux.Le projet prévoit de créer un embranchement de la ligne B vers Gradignan depuis le campus universitaire, « au niveau de Sciences Po », et de s’étendre jusqu’au quartier Beausoleil dans la commune. De quoi desservir plusieurs zones d’habitation, comme la future ZAC située dans le cœur de ville de Gradignan et qui devrait, « d’ici 15 ans », permettre la création de 950 logements pour accueillir quelque 3.000 nouveaux habitants. Le terminus se trouverait dans une zone « où se trouve un entonnoir de flux routiers massifs », souligne Michel Labardin. Qui précise qu’un kilomètre de voies de tramway devrait coûter dans les 20 millions d’euros, contre 10 millions d’euros pour un bus à haut niveau de service (BHNS). Avez-vous le sentiment que Gradignan peut-être parfois délaissée par la Métropole ? C’est pour cela que vous adoptez la philosophie « on n’est jamais mieux servi que par soi-même », dont vous parliez au début de l’échange ? Ce serait une vision un peu orientée de le dire comme cela. On est acteur de la Métropole, et à ce titre non seulement on participe des dispositifs, mais on peut aussi les inspirer. Après, ma vision de la Métropole - et je l’ai toujours défendue - c’est que d’un point de vue politique cette entité n’est pas seulement l’addition de 28 communes. C’est la convergence de 28 projets de territoire, qui doivent faire un projet métropolitain. Sans prise de position partisane, il faut reconnaître que la fin de la cogestion en 2020 a signé un changement culturel brutal, qui finalement est tout à fait archaïque au regard des enjeux de ce début de siècle. D’autant que finalement, cet arrêt brutal n’a été qu’une réduction de la cogestion, qui au lieu de se faire avec tout le monde, est une cogestion à quelques-uns. Ce choix très tendancieux a trouvé ses limites, notamment avec la question du financement de la LGV qui est devenu un caillou dans la chaussure… qui a finalement, amené avec beaucoup de lucidité le président Anziani à se demander s’il ne fallait pas enrichir de nouveau la gouvernance…

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