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À Bordeaux, le lieu d'accostage des paquebots fait des vagues, récit du feuilleton

Écosystème
lundi 26 août 2024

À Bordeaux, le projet de faire accoster certains paquebots rive droite afin qu'ils puissent bénéficier d'un branchement électrique crée la polémique. Photo Placéco

En juin dernier le maire de Bordeaux annonçait, sans préambule, le projet de déménager l'accueil de certains paquebots en rive droite. Le Port de Bordeaux, surpris par l'annonce, confirmait une « réflexion » sur cette idée. En juillet, la CCI brandissait son opposition à cette éventualité. Le point sur la situation.

Pour ceux qui n'aurait pas suivi le feuilleton, la polémique peut sembler caricaturale. D'un côté, les écologistes qui veulent se « débarrasser » des paquebots à Bordeaux, de l'autre, le monde économique qui entend bien continuer à profiter de la manne de ceux-ci en plein centre-ville. Entre les deux, le Port de Bordeaux tentant de ménager la chèvre et le chou. La situation est plus nuancée que cet a priori. La problématique de départ, face à laquelle toutes les parties sont plus ou moins gênées aux entournures, est que la présence de paquebots utilisant leurs groupes électrogènes qui génèrent des fumées en plein centre-ville passe de moins en moins bien auprès de la population.

Chacun cherche donc des solutions pour que l'activité économique perdure et que les Bordelais ne se sentent pas embarrassés par les fumées et, pour certains, par la présence d'un symbole du capitalisme. Néanmoins, les résultats de l'étude Capnavir, financée par l'Ademe et réalisée par le CNRS de Lille sur la base d'1,6 million de prélèvements de l'air à Bordeaux au passage de paquebots, sont souvent oubliés. Ils démontrent que les pics d’émission sont de quelques secondes au passage du pont Chaban et de moins de cinq minutes lors de la manœuvre de retournement du navire. Les concentrations généralement observées sont équivalentes au trafic routier, sauf que celui-ci ne dure pas quelques secondes.

L'enjeu du branchement électrique

Pour pallier le problème de l'émission de fumées générées par le fonctionnement des groupes électrogènes des navires lorsqu'ils sont à quai, il faudrait qu'ils puissent se brancher à l'électricité. Or, les quais de bordeaux rive gauche, devant les façades classées à l'Unesco ne peuvent pas être équipés d'armoires électriques au risque de dénaturer les quais, ni de nouveaux câbles à moins de faire sauter les pavés… bref, l'opération aurait un coût exorbitant. Seuls les pontons qui accueillent les bateaux fluviaux ont été électrifiés récemment, grâce à un investissement lourd et multiparties (privé et public). Par ailleurs la réglementation internationale imposée par l'Organisation maritime internationale, à laquelle les navires accostant à Bordeaux sont soumis puisqu'ils naviguent dans les eaux du monde entier, se durcit et va se renforcer dans les mois et années à venir. Certaines compagnies de croisière ont déjà diminué les rejets polluants de leurs navires. Les moins polluants sont les plus récents.

Déplacer les paquebots en rive droite

L'idée a donc germé à Bordeaux de déplacer la zone d'accostage des navires de croisière sur la rive droite, en aval du pont Chaban-Delmas. Non pour « renvoyer la pollution loin du centre-ville huppé » comme le craignent les opposants au principe même de ce mode de tourisme mais pour pouvoir les brancher directement au réseau électrique. En effet, sur le quai de la rive droite, historiquement dédié aux industries et aux chantiers navals depuis le XVIIIe siècle, il est possible de faire arriver le courant électrique jusqu'au bateau. Celui-ci pourrait ainsi s'affranchir du fonctionnement de son groupe électrogène et serait totalement silencieux à quai.

Annonce et contre-annonce

À cet état de la réflexion, Pierre Hurmic, le maire de Bordeaux, annonça sans crier gare un soir de juin sur Instagram que les paquebots pourraient trouver refuge hors du centre-ville. Il ne précisa pas, dans cette vidéo, qu'il pourrait s'agir seulement d'une partie des paquebots, ceux ayant un impact environnemental le plus élevé, les autres, les plus récents continueraient d'accoster en centre-ville. Une partie de l'opinion bordelaise applaudit tandis que l'autre fulmine. Dans la communauté maritime bordelaise, on s'agace d'être mis devant le fait accompli d'une annonce qui « n'était qu'en l'état de discussions ». Dans le monde économique, on reste ébaubi. En juillet, Patrick Seguin, président de la CCI de Bordeaux Gironde, prend la parole dans un communiqué de presse. Selon ses calculs, chaque paquebot générerait pas moins de « 330.000 euros », soit plus de 17 millions d'euros pour 52 navires accostant à Bordeaux chaque année. « Il existe peu de villes au monde capables d’accueillir des paquebots dans leur centre historique », argue-t-il.

C'est vrai, Bordeaux est une des rares destinations au monde à pouvoir « vendre » cet atout touristique. « Remonter la Garonne représente une contrainte technique pour les bateaux et permet de justifier des prix plus élevés pour les croisières. » C'est vrai aussi. Néanmoins, l'option de faire accoster les navires rive droite pourrait multiplier l'offre bordelaise en terme de destination touristique à l'international. Le haut de gamme capable d'être à quai en impactant au minimum l'environnement aurait le droit (selon la charte du Port de Bordeaux) d'accoster en centre-ville, le tarif serait donc plus élevé. Les navires plus anciens et plus polluants pourraient profiter de la destination bordelaise mais en s'amarrant rive droite pour pouvoir se brancher au réseau électrique. Leurs passagers pourront alors se rendre en ville grâce à des navettes, comme dans toutes les grandes villes touristiques du monde.

Le débat en est là. Des échanges sont bien entendu prévus entre les différents acteurs dans les mois qui viennent.

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