Comment la filière hydroélectrique veut redorer son image - Premium

C’était l’un des enseignements des études régulières de conjoncture économique de la CCI Pau-Béarn : fin 2023, 63% des chefs d’entreprise béarnais déclaraient connaître des difficultés de recrutement. « Problème de riche » d’un territoire au taux de chômage particulièrement bas, mais qui touche certains secteurs plus que d’autres. Dans celui de l’hydroélectricité, sur la même période, ils étaient 86% à peiner à remplir leurs ouvertures de postes. La faute, selon une étude de la CCI Pau-Béarn, à une faible visibilité de la filière, qui souffre en particulier de la concurrence de l’aéronautique. Pourtant, souligne Gil Adisson, président de l’UPEA (Union des Producteurs d’Electricité du Bassin de l’Adour), en matière de rémunération, la filière hydroélectrique est « au même niveau que l’aéronautique ». « Chez EDF, renchérit Laurent Fourcade, chargé de développement à l'Agence EDF une rivière, un territoire, il y a le salaire de base qui est tout à fait dans les standards de l’industrie, et un certain nombre de rémunérations complémentaires liées aux astreintes, aux indemnités de logement… On ne le met peut-être pas suffisamment en avant », réfléchit-il.Des « métiers passion » contraignants, mais bien rémunérés Les métiers ne sont pas aussi dénués d’inconvénients, reconnaît Gil Adisson, des « horaires élastiques » à la nécessité de vivre au plus près des sites, souvent « en fond de vallée », en passant par le « stress environnemental » : « On est constamment surveillés par la police de l’environnement, détaille-t-il, un jour, un de mes gardiens s’est fait sortir de l’eau un pistolet sur la tempe ! »Pourtant, une fois les embauches faites, « on n’a pas beaucoup de départs - les gens qui quittent l’hydro, c’est soit pour des contraintes importantes, soit qu’ils ne sont pas faits pour ça du tout, constate Laurent Fourcade. C’est clairement un problème de méconnaissance de nos métiers, qui sont des métiers passion ». « Le grand public est en manque d’informations sur l’hydroélectricité, confirme Patrick Cléris, de la CCI Pau-Béarn. C’est pourtant une richesse du territoire », avec plus de 750 emplois directs et 6.000 emplois induits, dénombre la chambre consulaire, et des « investissements conséquents », se chiffrant à 20 millions d’euros en 2023 et 19 millions en 2024.À lire également - La filière hydroélectrique en meeting à Pau Depuis un an, les acteurs de la filière hydroélectrique ont donc entrepris un travail de sensibilisation auprès des établissements scolaires locaux. « Nous avons signé des conventions avec les lycées d’Oloron, d’Orthez, de Tarbes et de Bagnères-de-Bigorre », indique Laurent Fourcade. L’objectif est double : mieux comprendre les formations existantes et leur contenu, mais aussi permettre aux élèves de découvrir concrètement les métiers de l’hydroélectricité.Se faire connaître en milieu scolaire « Nous organisons des visites de nos installations, et nous fournissons des supports pédagogiques adaptés », poursuit-il. Par exemple, un élève en bac pro apprenant à lire un plan technique pourra s’exercer sur un schéma de centrale hydroélectrique. « Il est crucial d’être au plus près du terrain et de donner du sens aux apprentissages », ajoute-t-il. « L’hydroélectricité est souvent éclipsée par le solaire et l’éolien dans l’imaginaire collectif », regrette Gil Adisson. Pourtant, ajoute-t-il, dans les Pyrénées-Atlantiques, l’hydroélectricité représente 80% de la production d’énergie renouvelable. Cette méconnaissance se reflète aussi dans l’offre de formation. « Certains bacs professionnels se sont spécialisés sur le solaire et l’éolien, et ne sont plus tout à fait en phase avec nos besoins », note Laurent Fourcade. Pour remédier à cela, la filière veut inciter les jeunes et les enseignants à venir observer sur place les évolutions technologiques du secteur. « Nos métiers ne sont plus ceux d’hier. Aujourd’hui, nos techniciens utilisent des tablettes numériques pour les relevés, et nous avons besoin de jeunes qui soient curieux et qui aient envie d’apprendre », insiste-t-il.À lire également - L'UIMM met les femmes du monde de l'industrie à l'honneur « L’hydroélectricité a longtemps recruté de manière familiale, avec des générations entières qui se succédaient dans le métier », rappelle Sophie Le Scaon, représentante de la SHEM. Désormais, le défi est d’élargir le vivier de candidats, notamment en attirant davantage de jeunes filles. « Il faut les sensibiliser tôt et ne pas les lâcher, affirme-t-elle. C’est souvent en classe de 6e ou 5e que les filles se détournent des filières scientifiques et techniques pour aller vers des métiers plus administratifs. Si l'on n'intervient qu'en BTS, quand il n'y a plus que des garçons dans les classes c'est déjà trop tard. »

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