Rosabelle Forzy (Laulhère) : « Pérenniser l’entreprise est un combat de tous les instants » - Premium

Comment était gérée jusqu’à présent la direction commerciale et qu'est-ce qui fait finalement qu'il y a ce recrutement à mener ?Avant j'avais un directeur commercial qui était à Paris. Cette personne a décidé de partir pour de nouvelles aventures et moi j'avais la volonté d'avoir une personne à Pau, plus proche des équipes de production. Je trouve que c'est un poste particulièrement structurant, notamment quand on veut faire des évolutions marquées, quand on souhaite donner une dynamique différente.Vous parlez d'un moment clé de l'histoire de Laulhère. En quoi l’entreprise est-elle à un nouveau tournant ?On le voit, l'industrie française en général, notamment textile, est à un nouveau tournant, qui est capital. Est est-ce qu'on arrive à faire survivre un savoir-faire français avec des coûts qui sont plus importants mais avec derrière des valeurs, une éthique, une écologie ? Est-ce qu'on arrive à faire survivre cette industrie textile française ou malheureusement pas ? Et on n'est pas les seuls sur le sujet. Je pense que si vous parlez à beaucoup d'acteurs d'industrie textile aujourd'hui, on est vraiment dans un tournant parce qu'on ne sait pas si on va arriver à prouver que cette industrie est viable.Quel potentiel de croissance choisir ?Alors comment, industriellement, est-ce que l'on répond à ces enjeux ? Comment on s'adapte à ces impératifs à la fois de patrimoine mais aussi de modernité et d'efficience économique ?Industriellement, on essaie d'être plus malin. Il ne faut pas se leurrer, il y a quelques pays qui sont à notre niveau mais en termes de coûts salariaux, on est à peu près au-dessus de tous les autres. Donc la question c'est comment je re-réfléchis les gestes. Parce que quand vous avez des coûts très très bas, ce geste supplémentaire, ce n'est pas très grave. Donc comment on adapte aussi les méthodes de production au vu des nouvelles machines ? Comment on essaie de réduire les gestes à la fois inutiles, à la fois des gestes qui sont douloureux ? Donc on repense le produit, on repense le flux industriel, on repense les matières, on essaie de tout repenser, de tout remettre en question et on est perpétuellement remis en question.C'est notre métier aujourd'hui, c'est se demander est-ce que ce que je fais est utile, rentable et bien fait, à la fois bien fait pour le produit mais aussi bien fait pour la personne qui le réalise ? Et c'est vraiment toutes ces questions qu'on se pose tout le temps.Sur ce recrutement, pouvez-vous décrire le profil idéal de cette ou ce futur directeur commercial ?Le profil idéal pour moi, c'est quelqu'un qui est à la fois capable de réfléchir aux stratégies, d'être dans l'échange, d'être malin dans sa vision de là où Laulhère devrait être et là où on va être efficace. Et à la fois quelqu'un qui est capable de le mettre en place, de mettre la main à la pâte, parce qu'on a des petites structures. Et donc c'est quelqu'un qui aussi a un vrai côté opérationnel et qui sait comment réaliser ce qu'il a imaginé ou le faire réaliser à ses équipes et qui peut le suivre sur le long terme. C’est un peu le mouton à cinq pattes mais c’est ça le métier de directeur commercial aujourd'hui.L’annonce de recrutement évoque la réflexion commune que vous voulez mener avec cette personne, pour faire grandir la marque. Quels sont les axes de réflexion pour faire grandir une marque comme Laulhère ?Une marque comme Laulhère peut aller dans plein d'endroits. Elle peut à la fois s'implanter encore plus dans un marché français, elle peut aller chercher l'export, elle peut augmenter ses marchés institutionnels, elle peut essayer d'insuffler les marques de haute couture et de s'implémenter plus dans notre travail à façon. On a plein de voies possible. La question c'est où est-ce que je serai efficace, puisqu'on a des équipes très limitées. Le gros de nos équipes est à la production. Qu’est-ce qui me permettra de faire pérenniser cette entreprise et de faire en sorte que je ne sois qu'un passeur. Laulhère c’est 180 ans d'histoire et on espère qu'on fera juste partie de ces 180 ans.Avez-vous déjà des candidatures ? Quelle date limite pour cette embauche ?J'ai déjà des candidatures et je vais commencer quelques entretiens. J'espère vraiment la trouver avant septembre, mais je ne prendrai pas quelqu'un pour prendre quelqu'un.Une image très haut de gamme à l’exportQuelle est actuellement la situation de Laulhère ?350.000 produits fabriqués. Et cinq millions de chiffres d'affaires en 2023. 58 salariés, ça n'a pas bougé en un an et on va essayer de stabiliser. La majeure partie en production. La part d'export globale est entre 35 et 40%.Le potentiel export est-il plus important selon vous ? Et faut-il une stratégie adaptée à l’export ou est-ce qu'on peut dire que le béret est universel ?350.000 bérets, ça paraît beaucoup. Mais il se vend plus de six à sept millions de bérets en France chaque année. Et majoritairement, ce ne sont pas que des bérets, mais des espèces de tricots chinois en forme de béret. Donc je vous laisse imaginer le potentiel mondial au vu de la taille de la France. On a un potentiel énorme partout. La question, c’est évidemment comment les gens vont acheter. Est-ce qu'ils vont penser à autre chose que le prix et même la qualité ? Est-ce que les enjeux sociaux seront un vrai sujet ? Est-ce que les enjeux environnementaux seront un vrai sujet ? C'est ça qu'il faut. Il faut qu'on arrive à éduquer les institutionnels et qu'on arrive à leur faire comprendre l'intérêt d'acheter un produit comme le nôtre.Après, le béret est plutôt universel. En tout cas, il y a une vraie vision, dans les autres pays, du béret comme un emblème de l'élégance à la française. Il y a une vraie image aussi d'engagement via le béret pour beaucoup de raisons. Parce que les révolutionnaires l’ont beaucoup porté. Ou alors des artistes comme les peintres. Il y a des images très différentes en fonction des cultures et des pays. Mais ce qui nous intéresse particulièrement, c'est que contrairement aux Français et contrairement à beaucoup, beaucoup de régions françaises, les étrangers ont une vision extrêmement haut de gamme et extrêmement noble du béret, ce qui peut parfois être moins le cas chez les Français qui boudent un peu ce produit qui est malgré tout un emblème.Sur quoi insisterez-vous à l'avenir dans la communication sur Laulhère ?Pour moi, Laulhère est vraiment un atelier qui fabrique un produit emblématique de la France. Je pense que tout le monde l'a, mais on a une vraie, vraie attention à préserver le vivant dans sa globalité, dans notre mode de fabrication. Et on ne peut pas comprendre Laulhère si on ne comprend pas ces enjeux-là.Rester une entreprise à taille humaineComment Laulhère a changé justement depuis dix années que vous êtes aux manettes ?Déjà, on a la chance d'avoir pu retourner la situation et d'être rentables. Ça change un peu toutes les données. On a également la chance d'avoir un climat social qui s'est bien apaisé parce que les temps étaient très durs. Il y a dix ans, quand j'ai repris la société, c'était une société qui était au quatrième dépôt de bilan. Donc il y avait une instabilité évidente, socialement. C’était très dur pour les personnes qui travaillaient. Je pense que ce n'est plus le cas. Et après, je pense que la vraie différence depuis dix ans, c'est cet esprit de se dire que le savoir-faire est tout sauf figé et qu'en fait, si on veut faire vivre un savoir-faire, on doit perpétuellement se remettre en question. Et je crois que c'est un peu ce que j'ai insufflé à cette société, c'est de se dire que tous les jours, tous nos gestes, il faut toujours se poser la question de comment je l'améliore.Quelle est votre vision cible pour les 10 prochaines années ?Déjà, c’est de rester sur place, dans le Béarn, de continuer à travailler dans le même endroit, de pouvoir préserver ces zones qui sont des zones rurales et de pouvoir préserver l'environnement industriel de Laulhère tel qu'il est. J'aimerais qu'on continue en améliorant tout ce qu'on peut. Et après, j'aimerais qu'on garde la même taille parce que je pense foncièrement que Laulhère doit être une société à taille humaine qui, à la fois, arrive à toucher une rentabilité stable, mais qu'elle doit rester dans cette même taille. Je n’ai pas une volonté d'accroître, mais j'ai vraiment une volonté de prolonger. Ne serait-ce que cette volonté d'être toujours vivant, ça nous demande et ça va nous demander des réflexions et des combats de tous les instants parce qu'on est dans un milieu qui est complexe.Autour de vous, en matière de recrutement et de formation, est-ce que le bassin répond à vos besoins ?J'ai une vraie problématique sur le bassin oloronnais. C'est pour ça que j'ai décidé qu'on ouvrirait des bureaux, notamment administratifs, à Pau et que j’y recrute. J’espère que le bassin va répondre et que l’attractivité paloise va faire son effet. Que notre belle région du Sud-Ouest va me permettre d'avoir des personnes avec des profils qui m'intéressent.

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