Législatives : pour l'UIMM, le retour à une retraite à 60 ans « serait très pénalisant » - Premium

Avez-vous le ressenti, à l’UIMM, que parmi les différents blocs élus à l’Assemblée nationale, certains sont plus ou moins en phase avec le monde de l’industrie ?Aujourd’hui, tous les élus politiques sont attentifs au monde de l’industrie. La réindustrialisation du pays est un besoin compris de tout le monde. Par contre, pour y arriver, chacun a sa méthode… Tous les partis ont compris qu’il fallait mettre de la souplesse, mais suivant les blocs cela va plus ou moins loin. Tout le monde s’accorde aussi à dire qu’il faut conserver notre modèle social, en allant là aussi plus ou moins loin. L’UIMM est très attentive à ce que les contraintes pesant sur les entreprises soient les plus légères possibles. Il est clair que le Nouveau Front Populaire, en imposant le SMIC à 1.600 euros, l’abrogation de la loi sur les retraites… va apporter des contraintes supplémentaires. Après, il y a le bloc centriste, que l’on connaît puisqu’il est au pouvoir depuis sept ans, qui essaie d’allier les enjeux économiques français, le libéralisme et le modèle social... Et puis il y a le RN, qui comme le NFP veut imposer de nouveaux modes de fonctionnement. Dans le cas du RN, c'est la préférence nationale. Tout ça, ce sont des contraintes qui retomberont sur les entreprises.À lire également - Législatives : le monde patronal veut des réponses et de la stabilité pour « définir un cap » Le secteur de l’industrie connaît en ce moment de fortes difficultés pour recruter. Est-ce un problème dont la clé se trouve à l’Assemblée nationale ?L’UIMM a comme objectif de promouvoir l’emploi des seniors, c’est un enjeu national. Au niveau territorial c’est déjà une action que l’on promeut en accompagnant les entreprises et les jeunes retraités qui reviennent travailler, soit pour accompagner les plus jeunes, soit pour prendre des emplois qui ne sont pas pourvus actuellement. Dans le contexte de pénurie de main-d’œuvre, des départs en retraite plus précoces iraient à l’encontre des besoins de l’industrie. Aujourd’hui, nous considérons que la loi sur les retraites est derrière nous. Les entreprises s’y sont adaptées, notamment en travaillant sur l’emploi des seniors. Il faut accompagner cette loi avec des mesures complémentaires, mais les élus y travaillaient. Pour nos entreprises, l’enjeu est aujourd’hui de ne pas revenir en arrière, elles ont besoin de séniorité, de compétences. Il y a des secteurs comme l’aéronautique, qui sont en forte croissance, avec des niveaux de recrutements très importants. Encadrer ces nouveaux employés par des seniors, c’est très important. Et ça, les entreprises l’ont bien compris et l’ont vu comme une opportunité. Ceci dit, nous sommes favorables à la possibilité de rajouter un peu de souplesse par rapport à la loi qui est en place, pour ceux qui voudraient partir plus tôt, peut-être par des accords au niveau des entreprises. C’est très important : chaque société a son contexte, son histoire, son marché, il faut faire confiance au terrain et aux dirigeants pour qu’ils mettent en place des mesures qui vont dans le sens de l’entreprise et du collectif.« Un carnet de commandes n’est jamais garanti »À l’autre extrémité du spectre de l’emploi, il y a la question de l’apprentissage et du maintien des dispositifs qui le soutiennent. Est-ce un enjeu pour vous ? Oui, tout à fait. L’image que pouvait avoir l’industrie auprès de la jeunesse n’était pas forcément positive, c’est clair qu’à travers l’apprentissage ça leur met un pied dans l’entreprise, ils découvrent un secteur qu’ils ne connaissaient pas, bien souvent ils y trouvent un intérêt et on les retrouve ensuite parmi nos employés. L’apprentissage est très important pour nous et on continue à le développer. On l’a déjà multiplié en peu de temps par deux et trois, il faut continuer d'appuyer cette démarche.Les carnets de commandes sont bien remplis dans l’aéronautique, ils se sont aussi illustrés dans le passé par une assez forte volatilité. Dans quelle mesure est-ce que le contexte national et la politique internationale qui sera menée par notre pays peuvent avoir un impact sur ces carnets de commandes ? Un carnet de commandes n’est jamais garanti. Le passé nous a montré que face à des crises, les grands donneurs d’ordres peuvent revoir, adapter leurs commandes, et les fournisseurs en subissent les conséquences. Aujourd’hui, le besoin est là, les commandes sont là et sont fermes. Si je prends l’exemple de Safran Helicopters Engines, nous devons doubler notre nombre de moteurs produits en trois ans, mais aujourd’hui nous sommes obligés de revoir nos hypothèses de livraisons à la baisse à cause de la fragilité de notre supply chain. Nous poussons nos fournisseurs depuis plus d’un an, on essaie de les rassurer, de leur donner des garanties, de les aider même financièrement en faisant des avances de cash, pour qu’ils recrutent. Aujourd’hui, la situation politique du pays met tout le monde dans l’expectative et freine les investissements. Une entreprise qui avait pour projet d’acheter des machines-outils ou de recruter, risque aujourd'hui de temporiser. Tous les efforts que l’on fait depuis pratiquement deux ans, d’accompagnement de nos fournisseurs pour les faire monter en compétences et en capacité, vont être gelés, et donc la remise à niveau de notre supply chain va se décaler dans le temps.« Continuer dans le sens » de l'emploi des seniorsQu’en est-il de la décarbonation de l’industrie ? Est-ce que les initiatives vont continuer quelles que soient les orientations politiques du futur gouvernement, ou bien est-ce quelque chose de plus conjoncturel, qui pourrait s’arrêter ? Pour moi, ça n’est pas un mouvement ponctuel, c’est quelque chose d’ancré dans l’ADN des grandes et des petites sociétés. Tout le monde a un plan de décarbonation, et on ne reviendra pas en arrière, la feuille de route ne sera pas remise en cause. Maintenant, suivant la politique qui va se mettre en place, ça peut ralentir ou accélérer, en fonction aussi du niveau des investissements que les entreprises pourront faire.Quelles sont les mesures que vous attendez d’un futur gouvernement, qu’il soit majoritaire, minoritaire ou de coalition, pour soutenir votre secteur ?Ce que nous attendons, c’est un soutien à la réindustrialisation du pays par une politique de l’offre, assise sur des mesures de soutien à la compétitivité de l’industrie. C’est aussi la simplification de la réglementation, pour donner aux entreprises de l’air et de la flexibilité en matière d’adaptation. Et enfin, c’est l’investissement dans la formation et l’incitation au retour à l’emploi. Les grands groupes travaillent avec différents organismes sur le retour à l’emploi de personnes en reconversion, nous avons beaucoup d’exemples de réussite, il faut continuer dans ce sens. Je rappelle que l’industrie représente 10% du PIB français, quand l’Europe est à 16% et l’Allemagne est à 20%. Donc, il faut absolument soutenir la réindustrialisation à l'échelle nationale.

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