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Placéco Laüsa #7 : revivez l'interview de Quitterie Delfour (Artiga)

Landes Attractivité
mercredi 06 novembre 2024

Quitterie Delfour nous a reçu hier dans son magasin d'usine à Magescq. Crédits : Baptiste, La Flamme Studio

Ce mardi, Placéco Landes organisait son septième événement réseau, en partenariat avec Landes Attractivité : Laüsa. Après Lionel Tirefort, PDG du groupe Islo Santé et Xavier Abadie, directeur général de l'association, c'est cette fois la dirigeante d'Artiga, Quitterie Delfour, qui nous a reçus dans ses locaux à Magescq. L'occasion de faire le point sur son modèle économique, sa vision de marque et les projets à venir.

Quelle est l'histoire de l'entreprise Artiga ?
Cette entreprise, c'est d'abord une expérience d'entreprenariat au féminin. C'est une opportunité de rachat qui s'est présentée à moi, il y a quelques décennies, lorsque ma prédécesseure a pris sa retraite. Elle a travaillé pendant des années en collaboration avec les fournisseurs liés au monde du surf. À ses débuts, ils étaient nombreux à s'installer dans la région. Et l'un de ses premiers objectifs a été de récupérer et de transformer du tissu basque parce qu'à ses débuts, elle concevait des robes pour La Redoute. Elle a cherché à s'implanter et c'est finalement ici qu'elle a atterri, à Magescq. Je n'ai donc pas choisi ce lieu, ni cette ville en particulier et je tiens à rendre hommage à celle qui a fait naître cette entreprise que j'ai rachetée en l'état.
Quand j'ai racheté, je me suis donné pour objectif de continuer à faire vivre cette structure, à une époque où beaucoup de donneurs d'ordres, notamment dans la filière surf, ont délocalisé leurs productions. Et moi je voulais que ma production reste sur site, tout en préservant les savoir-faire. J'avais vraiment à cœur de garder ces petites mains d'or qui travaillent ici, tout en perpétuant l'ADN de l'entreprise : celui du linge de maison basque. Nous avons des accessoires de vie, des articles dédiés à la table ou encore à la cuisine. 

« J'ai misé sur la création »

C'est un ADN fort mais qui aurait pu se perdre avec le temps. Comment avez-vous réussi à le faire perdurer, tout en continuant à satisfaire la clientèle ?
Quand je suis arrivée en 1999, j'ai fait un état des lieux. Pour ceux qui ne connaissent pas son histoire, ce qu'on appelait le linge basque autrefois, c'était des motifs ouvragés, des fonds rouges, verts ou bleus avec de l'imitation broderie. Pour recontextualiser, pendant la Seconde Guerre mondiale, les tisseurs du nord de la France ont fui les conflits et sont descendus vers ici. Ils ont cherché des infrastructures où s'installer et sont implantés près des gaves. Il y a donc une vraie histoire derrière ses motifs, et lorsque je me suis penchée sur le côté technique et productif des métiers à tisser, dans le but, justement, de reproduire ce linge basque, je me suis rendu compte que ces motifs pouvaient être créés à l'infini avec de nombreuses combinaisons possibles. Et je crois que c'est ce qui a fait décoller l'entreprise depuis que j'ai repris les rênes : j'ai misé sur la création. J'ai aussi embauché immédiatement des stylistes pour pouvoir redynamiser et je dirais, chahuter les rayures. Ces rayures, il y en a 7 qui représentent les 7 provinces basques, il y a aussi les 4 espagnoles et les 3 françaises.

La concurrence sur ces produits est rude. Comment vous protégez-vous ?
Les matières que vous voyez devant vous, elles ont été inventées, dessinées ici. Et pour ne pas qu'on soit copiés, on se protège en les déposant à l'INPI. Parce que ça nous est arrivé justement, d'être copiés par une grande marque française. Et ça nous permet de défendre nos salaires, mais aussi nos savoir-faire. Derrière, il y a un avocat spécialisé qui est intervenu et qui vérifie toutes nos productions. C'est un peu dommage d'en arriver là, mais c'est nécessaire dans nos domaines si concurrentiels, de pouvoir protéger nos produits. 


Les produits sont conçus dans le magasin d'usine, à Magescq. Crédits : Baptiste, la Flamme Studio

« Faire une veille perpétuelle sur les exports »

Vous avez donc cette volonté de ne pas délocaliser. Aujourd'hui, où se situent vos productions ?
Ici, nous avons conservé une grande partie de nos métiers, en revanche vous ne verrez pas les métiers à tisser. Nous ne faisons pas ça sur site, mais ailleurs en France. Nous en avons dans différentes régions. Ce sont des métiers qui sont un peu oubliés, qui se perdent et aujourd'hui, il y a peu de tisserands en France. À force de privilégier la tête plus que les mains dans nos systèmes d'apprentissage, certains savoir-faire se perdent et c'est aujourd'hui à nous entrepreneurs, de les former et de tenter de maintenir en vie ces métiers. En ce qui concerne nos matières, nous utilisons du 100% coton, ainsi que du lin. Nous essayons au maximum d'utiliser des matières naturelles et nous nous sommes fixé certains objectifs en matière de RSE. Nous savons aujourd'hui que le coton est une plante qui utilise beaucoup d'eau et nous essayons, en R&D, de développer notre propre matière. D'autant que les meilleurs cotons viennent d'Afrique ou d'Egypte. Aujourd'hui, avoir du coton français est très compliqué, il faut être honnête. Nous sommes également en discussion avec les Chanvres de l'Atlantique, une entreprise située à proximité et qui utilise le chanvre dans ses productions mais nous n'en sommes encore qu'aux balbutiements.

Aujourd'hui où est implantée la marque ?
Nous avons plusieurs magasins en France, mais également des revendeurs ou des distributeurs, dans d'autres pays du monde, comme les Etats-Unis ; je parle des Etats-Unis, même si le contexte politique actuel peut changer la donne, notamment au niveau des exportations. Et d'ailleurs, nous sommes en veille perpétuelle à ce niveau-là. Nous devons nous sans cesse nous adapter, voir où sont les bons marchés, déterminer quelle orientation prendre. C'est comme faire du vélo. On ne peut jamais s'arrêter de s'adapter. Après, je dirais que notre atout principal reste le fait que notre produit n'a pas de date de péremption, ne se démode pas et de fait, nous pouvons l'exporter facilement. Aujourd'hui, nous avons aussi mis en place un système qui nous permet de faire des lancements de production. Et comme toute entreprise de production, nous devons gérer un temps produit et un temps passé, pour maîtriser notre gestion, notre marge et c'est là qu'on peut mesurer notre compétitivité. Par exemple, si je prends l'exemple du tablier, qui est l'un de nos produits phares, il a une nomenclature de matière et une nomenclature de temps. La responsable de production tient un chronomètre pour voir si le temps passé correspond au temps de production. C'est ce qui nous permet de valider nos coûts de production. Aujourd'hui nous avons neuf personnes à la production et nous possédons plus de machines que de personnes à la production, puisqu'un produit passe sur différentes étapes de production. Et c'est ce qui fait qu'une entreprise se maintient à flot à mon sens : veiller toujours à ses rythmes de production. 

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