BTP : un secteur « sinistré » qui se veut optimiste dans le 64 - Premium

Le BTP est « probablement le secteur le plus sinistré, le plus préoccupant » des Pyrénées-Atlantiques, entame Sébastien Labourdette. En marge de l’assemblée générale de la Fédération du BTP des Pyrénées-Atlantiques (FFB 64), son président aligne des chiffres alarmants. Les tendances sont mauvaises, tant au niveau national que local. En France, -23,3% de mises en chantier fin janvier 2024, un « effondrement » des ventes dans l'individuel de 44,1%, de 23,5% dans la promotion immobilière, une baisse de 11,2% dans les mises en chantier de surfaces non-résidentielles, 3.300 emplois dont 1.900 salariés détruits en 2023… Et côté local, « malheureusement, constate Sébastien Labourdette, il n’y a pas d’exception dans les Pyrénées-Atlantiques ». Dans le département, la construction neuve a reculé de 28% en un an. Une « chute vertigineuse et abyssale », affirme la FFB 64, avec seulement 3.105 logements commencés sur le département et 3.258 permis de construire attribués depuis douze mois, des chiffres « flirtant avec un plancher jamais vu depuis 2010 ». La progression de 3,7% de la rénovation, qui représente 48% de l’ensemble du marché, est loin de compenser cet effondrement. « Sur les dix dernières années, souligne le président de la FFB 64, on construisait en moyenne environ 6.000 logements par an. En 2024, on en prévoit 2.500. C’est une perte d’activité et de chiffre pour les entreprises, et ce sont aussi des pertes d’emploi. » En 2023, la filière BTP des Pyrénées-Atlantiques a ainsi perdu 500 emplois, suite à la défaillance de 86 entreprises. Et au premier trimestre 2024, « la chute s’est encore accélérée », avec 250 emplois déjà perdus. « Si ça continue comme ça, on perdra peut-être 1.000 emplois sur toute l’année », s’alarme Sébastien Labourdette. Foncier, financement et inflation normative En cause, selon lui, l’accumulation de plusieurs facteurs. L’accumulation de normes, en particulier environnementales, et la complexité du dispositif Ma Prime Rénov, tout d’abord. Le prix des matériaux de construction, ensuite. « J’en veux profondément à la partie amont de notre filière, dénonce-t-il. Les industriels mondiaux nous ont expliqué que le coût des matériaux augmentait à cause de la hausse du coût de l’énergie et des matières premières. Mais maintenant que celles-ci baissent, ces fournisseurs n’ont pas répercuté cette baisse sur leurs prix. » Autre élément bloquant, la raréfaction du foncier. Un enjeu particulièrement pressant sur la côte basque, « saturée », comme le résume Sébastien Labourdette. « L’urbanisme, le Zéro artificialisation nette (ZAN), ne laissent que peu de place à la construction neuve. »À lire également - Conjoncture : en 2024, industrie dynamique et BTP à la peine En Béarn, ajoute-t-il, si la question du foncier est moins présente, « on est plus bloqués par les difficultés de financement du logement ». Trois projets de construction sur quatre n’aboutissent pas faute de financement : soit qu’ils ne trouvent pas d’acquéreur, soit que le projet est trop cher et abandonné par son promoteur, soit, dans le cas des particuliers, qu’ils n’obtiennent pas de prêt. « Le prêt à taux zéro n’existe plus sur notre territoire, à part sur la zone côtière qui n’en représente que 7%, explique-t-il. Globalement, le financement des opérations immobilières ne suit plus, la principale banque du territoire refuse 65% des demandes qui lui sont adressées. » Le coup de rabot d’un milliard d’euros au dispositif Ma Prime Rénov, comme celui, du même montant, à l’investissement des collectivités, « font que l’on réduit nos productions en permanence. »La commande publique et l’industrie, porteurs d’espoir « Seuls les bailleurs sociaux arrivent encore à produire des logements, constate Sébastien Labourdette. Aujourd’hui, reprend-t-il, « la commande publique est le seul espoir de maintien d’une activité, par la construction de bâtiments et d’infrastructures, de routes, de réseaux, de collèges, de mairies… » L’industrie, qui prévoit dans les années à venir de nombreux projets de grande ampleur, soutient également l’activité du BTP, avec une croissance des chantiers de 72% sur les douze derniers mois. « Mais en volume, cela ne suffit pas. Le BTP dans les Pyrénées-Atlantiques, c’est une filière à deux milliards d’euros, et le logement en représente la moitié ». L’industrie, résume-t-il, « permet de compenser un peu », tout comme les constructions dans le secteur agroalimentaire. « Le Territoire d’Industrie Lacq-Pau-Tarbes est une formidable opportunité de croissance, considère cependant le président de la FFB 64. Les collectivités nous demandent de produire deux mille logements pour loger les salariés de ces futures usines. Mais là encore, on bute sur les problèmes de construction de logements neufs. » Et puis, ajoute Sébastien Labourdette, les grands projets industriels et d’infrastructures du département tardent à se concrétiser. « Ils ont quand même plus tendance à prendre du retard qu’à commencer la construction, ironise-t-il. Autour de Pau, on parle de prisons, d’échangeur, de sortie autoroutière… Mais on en parle depuis quinze ans. Nous avons encore un peu de mal à en voir le départ dans notre calendrier prévisionnel. » De l’abattement à l’optimisme « Ce matin, j’ai eu un coup de fil d’un adhérent qui m’informait que son entreprise est mise en redressement, raconte Sébastien Labourdette. Une entreprise, c’est l’histoire d’une vie, ce sont des hauts et des bas, mais avec l’accumulation des difficultés, certains finissent par baisser les bras. Malheureusement, en ce moment, c’est plusieurs fois par semaine. » Mais, malgré cette avalanche de mauvaises nouvelles et de sombres perspectives, l’entrepreneur martèle l’image d’une filière qui se veut optimiste. « Optimiste, parce que je crois en la logique, assure-t-il. Il y a 20.000 personnes dans le 64 qui attendent un logement. Il faudra construire, de toute façon, ça se fera. La logique prendra le dessus. » Le secteur bancaire « aura son rôle à jouer », considère le président de la FFB 64, pour qui « il faudra probablement assouplir les règles de financement ». Il faudra aussi que « la puissance publique injecte de l’argent de façon intelligente », dit-il, citant comme exemple la rénovation des réseaux d’eau potable, « un investissement intelligent qui va durer cinquante ans. »« L’avenir est devant nous, assure-t-il, mais il sera ce qu’on veut en faire, conservons nos effectifs, nos outils de travail et ayons l’audace d’aller explorer de nouveaux secteurs ». Parmi eux, la rénovation, en particulier, car « le modèle basé sur la construction du neuf à 100% est terminé », assène-t-il. Mais aussi, « les nouveaux matériaux, les nouvelles technologies, les nouvelles énergies, le solaire, les réseaux de chaleur, la géothermie… c’est l’avenir. »

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