Aerospace Valley, 20 ans et un avenir entre décarbonation et après-France 2030 - Premium

20 ans cette année, le bel âge. Comptant 861 membres au dernier pointage, dont 593 PME, le pôle de compétitivité Aerospace Valley, commun aux régions Nouvelle-Aquitaine et Occitanie, recense depuis 922 projets d’innovation financés, ayant entraîné plus de 2 milliards d’euros d’investissements, dont 881 millions d’euros d’aides publiques. Sur le dernier exercice (du 1er avril 2023 au 31 mars 2024), 128 projets ont été accompagnés par le pôle, dont 58 financés à hauteur de 95 millions par des financements régionaux, nationaux et européens, a-t-il été indiqué ce matin en préambule de cette présentation bilan/perspective. Tout juste nommée directrice générale du pôle, Anouk Laborie pose quelques enjeux. « Dans l’industrie spatiale, SpaceX et Starlink malmènent nos modèles économiques, nos lanceurs, nos satellites et nos opérateurs télécoms. Airbus Defense ans Space et Thales Alenia Space connaissent de fortes restructurations. Il va y avoir la montée en puissance d’Ariane 6, dont le premier vol a été reporté de quelques mois. Nous avons vu les premières opérations en orbite basse des nouveaux entrants du NewSpace et il y a le démarrage imminent de grands projets européens tels qu’Iris², les capsules réutilisables et les capsules cargos. »Bruno Darboux, président du pôle, évoque de son côté « la filière drones encore éparse et qui doit encore se consolider. Les sociétés doivent se focaliser sur la solidité de leur offre, sur des produits industrialisables en masse et à des prix compétitifs. On a besoin d’acteurs qui ont la taille critique ». La filière aéronautique, qui représente sur le territoire d’Aerospace Valley plus de 110.000 emplois directs, « est en croissance soutenue, on a dépassé les niveaux pré-covid. La filière affiche des niveaux de commandes très élevés, il suffit de regarder les chiffres d’Airbus mais aussi de Dassault », constate le président. Ce qui demande d’importantes montées en cadence. « Il y a un gros appel sur les capacités industrielles et sur les et sur les compétences pour monter en puissance dans les usines », alerte-t-il. Soulignant en creux la prégnance du sujet « formation » pour garantir l’avenir de la filière. Ce qui pose un contexte de crise de croissance, car les entreprises ont du mal actuellement à répondre à la demande.Décarbonation… Horizon 2050La décarbonation, enjeu majeur du transport en général, aérien en particulier, « doit être alimenté par différents leviers ». À eux seuls, les carburants devront assurer 50% de la réduction attendue des émissions de gaz à effet de serre (GES). « Il faut en même temps développer l’offre disponible et la consommation », résume le président. Outre les carburants, il pointe les prochaines technologies, pour les nouvelles générations d’avions, avec un développement rapide sur le segment de l’aviation légère. Lesquelles préfigurent des aéronefs décarbonés « qui seront mis à profit pour les appareils de plus grands gabarit ». Dans ce cadre, les SAF (sustainable aviation fuel, carburant d’aviation durable) seront essentiels. « Le grand Sud-Ouest a des ambitions et se veut pionnier sur leur usage », relate Bruno Darboux. Qui prévient : « Pour réussir la montée en puissance de la production, il faut de l’innovation, de la collaboration et créer une chaîne de valeur compétitive sur le sujet. Et pour réussir, nous aurons besoin d’accéder aux ressources primaires que sont la biomasse, l’électricité et le CO2. » Et de pointer le nerf de la guerre : « On aura autant besoin de soutien public que d’investissements privés, car on n’est pas encore compétitifs par rapport à la filière pétrole ». Il rappelle un ordre de grandeur important : il faudra investir un milliard d’euros pour monter une usine d’une capacité annuelle de 70.000 tonnes de SAF.Projets de production de SAF et sites de distribution (aéroports) dans le Sud-Ouest. Crédit : Aerospace Valley« Les ambitions régionales vont au-delà du règlement Refuel EU ». Rappelons que celui-ci impose une montée en puissance de l’utilisation des SAF : 2% cette année, 6% en 2030, 20% en 2035 et 70% en 2050. « On se met le défi d’être autosuffisant sur le grand Sud-Ouest, ce qui suppose une production d’environ 200.000 tonnes par an. On a l’ambition d’y arriver dès que possible ». Un possible qu’il situe dans le courant de la décennie 2030. Sur la partie production, « les initiatives se concrétisent ». Ainsi d’ICEO en Occitanie, mais aussi les projets Elyse sur le bassin de Lacq, l’amorçage d’études sur la ressource biomasse avec la Fondation Université de Bordeaux, le projet PYCASSO (Teréga) de captage et d’acheminement de CO2… À ce jour, les besoins en SAF pour les régions du Sud-Ouest sont évalués à 40 kT/an en 2030 et quelque peu au-dessus de 200 kt/an en 2050. Le président formule deux prédictions : l’aboutissement des projets initiés doit permettre de produire sur la zone Nouvelle-Aquitaine/Occitanie plus de 200.000 tonnes de SAF par an et, bien avant 2050, 100% des vols au départ des aéroports du Sud-Ouest pourraient être 100% SAF. « À cet horizon, la pression climatique sera énorme », rappelle-t-il.Encore 30% des crédits France 2030 à capterParmi les 10 filières prioritaires portées par le plan France 2030 (2022-2027, 54 milliards d’euros de crédits prévus), deux intéressent au premier chef Aerospace Valley : le premier avion bas carbone et la nouvelle aventure spatiale. En trois ans, 179 projets ont été labellisés par le pôle pour France 2030. 44% ont été refusés, 16% sont en attente d’une décision. Et donc 40% ont été financés, à hauteur globale de 700 millions d’euros, dont 215 millions d’aides émanant de France 2030. Avec de beaux succès pour la région Nouvelle-Aquitaine. Tels qu’HyPrSpace (développement de micro-lanceurs), The Exploration Company (capsule spatiale réutilisable) ou encore les projets d’aviation légère décarbonée portés par Elixir Aircraft ou VoltAero. Sur le sujet des compétences, le pôle Aerospace Valley avait réalisé il y a un an deux diagnostics, sur les filières aéronautique et espace. Des études « qui ont servi de référence nationale pour guider le financement des projets », se félicite Bruno Darboux. L’an passé, cinq projets sur ces thématiques, soutenus par le pôle, ont été financés par France 2030 (60 millions d’aides), portant l’ambition de former 85.000 personnes sur cinq ans.La suite ? « C’est la fin annoncée du dispositif France 2030, même s’il y a encore un tiers du budget global à aller chercher », souligne le président. « Nos filières ont plus que jamais besoin d’innovation, de développement de compétences et de transformation industrielle. Si on ne prépare pas l’avenir, on sera largement marginalisés », prévient-il. Aussi le pôle s’organise-t-il pour « trouver des relais pour sa communauté, il y a des synergies à trouver avec des fonds européens et nous sommes en veille sur la suite de France 2030, en espérant que l’état des finances publiques ne mènera pas le gouvernement à des arbitrages qui nous seraient défavorables ». Ultime recommandation pour préparer l’avenir : renforcer encore les partenariats entre laboratoires et entreprises sur les sujets deeptech.

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