Moon Harbour complète son modèle avec l’ouverture d’un site évènementiel atypique - Premium

Moon Harbour est née il y a 10 ans avec l’ambition de produire un whisky à Bordeaux. Depuis, comment a évolué la gamme ?On produit effectivement une gamme de whiskies, mais aussi un très beau gin qui marche très bien. Et depuis un an, nous faisons des bières, très atypiques, elles sont finies en fûts de spiritueux, par exemple de whiskies ou de gin Moon Harbour. On a également des partenariats pour finir en fûts de rhum Père Labat Marie Galante ou de cognac Richard Delisle. On propose une bière édition cigare, on fait fumer notre malt d’orge aux feuilles de tabac du Lot-et-Garonne. Avec toujours, dans nos gammes, l’idée d’être ancré sur le terroir. Aujourd’hui, on est la distillerie française qui a la meilleure empreinte carbone, puisque tout vient de la région. Que ce soit les céréales, l’orge ou le maïs mais aussi les barriques, qu’on a à pléthore et de qualité autour de nous, soit de bordeaux rouges, soit de sauternes. On a des contrats nommés et transparents avec de grands châteaux. L’alambic est bordelais, les bouteilles sont fabriquées en France. En lieu et place des whiskies tourbés, parce que les tourbières sont protégées de l’exploitation en France, on fait fumer aux algues du bassin d’Arcachon. Et on a élargi la gamme sur un produit qu’on ne sait pas faire chez nous, sauf si le réchauffement climatique amenait la température à au moins 11 degrés toute l’année, pour cultiver la canne à sucre. Donc on est importateur exclusif de vieux rhums issus de la Cordillère des Andes. Ron de Caldas, le numéro un du rhum colombien, étonnamment n’avait jamais vendu en France et ils cherchaient à le faire.On produit 100.000 bouteilles de whisky. Et 15.000 de gin, ce qui est bien moins important car le Français est le plus gros amateur et buveur de whisky par tête dans le monde, avec 200 millions de bouteilles par an. En bière, ça va beaucoup plus vite, parce que ce sont des produits à petits prix, qui se vendent plus facilement. En 2023, première année, on a fait 40.000 bouteilles. Je pense qu’on va au moins monter à 250.000 cette année.Une levée de fonds pour poursuivre les investissementsQuels sont vos canaux de distribution et comment progresser sur ce plan ?Il y a la boutique de la distillerie ici à Bordeaux, on fait environ 300.000 euros de chiffre d’affaires par an, y compris les visites payantes, environ 10.000 chaque année. C’est important pour moi, d’avoir une distillerie dans la ville, une « craft urban distillery », d’ailleurs on est dans le circuit Citypass de la ville de Bordeaux. C’est grâce à notre bunker, qui fait partie des choses ayant permis d’amplifier la visibilité de la marque au fil des années. Après, la distribution se fait beaucoup par les cavistes, à peu près 800 en France, en pleine progression depuis deux ans. Et une partie export qui a tendance à monter mais n’est pas encore l’essentiel de l’activité, vers l’Afrique noire, la Chine et les Etats-Unis. La vente en ligne c’est 5% de nos ventes. Et on travaille depuis quelques mois sur la partie CHR où on commence à être présent, notamment sur la Gironde, pour avoir de la visibilité et de la métrique. Sur cette partie cavistes et CHR, on a énormément de potentiel sur les prochaines années.Moon Harbour est un projet qui nécessite beaucoup d’investissement, pour un retour qu’on estime en général à 10 ans dans notre métier. On a commencé à investir en 2017. On est dans les temps pour arriver sur la rentabilité à partir de 2026-2027. Pour accélérer notre distribution, donc renforcer les commerciaux et le marketing, on va lancer dans les prochaines semaines une levée de fonds, entre 1,5 et 2 millions d’euros. Soit au travers de business angels ou via du crowdfunding. Ça viendra aussi soutenir le développement industriel. On a besoin d’automatiser davantage la partie embouteillage des whiskies et des bières, avec des quantités qui montent. On va aussi investir pour le moule d’une nouvelle bouteille, qui sera personnalisée. Au sein de l’entreprise, on est une dizaine de personnes et je voudrais recruter deux ou trois commerciaux intégrés pour encadrer nos 40 agents commerciaux sur toute la France.Comment Moon Harbour, whisky de Bordeaux, se différencie sur le marché des spiritueux ?J’ai trois principaux éléments de différenciation principaux. D’abord la façon dont on distille, avec un alambic local, construit par la famille Stupfler à Bègles depuis quatre générations. Il distille en une seule passe, qui permet d’atteindre en une fois les 70-75° d’alcool recherchés, à la différence par exemple des alambics type charentais à repasse. En procédant de la sorte, notre distillat a une promiscuité très prolongée avec le cuivre et ça donne un produit en sortie d’alambic qui est très floral, avec beaucoup de fruité et de gras. Deuxièmement, c’est la façon dont on fait vieillir les produits puisqu’on n’utilise aucune barrique neuve, uniquement des barriques issues de châteaux et très fraîchement vidées de leur vin. Ça apporte une grosse amélioration au distillat, beaucoup d’aromatique et de coloration naturelle. Et enfin il y a ce bunker, au début un monstre et qui s’est révélé à l’usage un chai de vieillissement incroyable. Et l’image de Bordeaux est très importante. Je suis ancien propriétaire et PDG de la marque Jock et je voulais montrer qu’on peut avoir de l’activité industrielle en ville.La crise agricole, la guerre en Ukraine et la flambée du prix de l’énergie ont eu quel impact sur votre activité ?Très faible. Les prix agricoles n’ont pas été impactés en ce qui nous concerne. L’industrie verrière a connu de grosses hausses mais j’avais pas mal anticipé en achetant beaucoup de bouteilles d’avance, ça nous a permis de ne pas être trop touchés. On est une des rares distilleries françaises qui n’a pas passé un centime de hausse sur ses produits. Pourquoi faire évoluer l’activité de ce bunker, auparavant uniquement dédié au vieillissement et au stockage, pour y proposer également cette activité évènementielle ?C’est une activité qu’on avait ébauchée au tout début, à l’inauguration avec 300 personnes, alors qu’on avait encore zéro barrique. Les gens trouvaient cet endroit magique et nous disaient qu’on devrait le louer. On l’a fait pendant quelques mois et puis on a commencé à le remplir de barriques de whiskies. Donc ce n’était plus aux normes ERP. Concernant la partie stockage de produits embouteillés, on vient d’investir 700.000 euros pour un entrepôt d’une capacité d’environ 250 palettes, ce qui libère de la place dans le bunker. On a construit un mur coupe-feu, mi-verre mi-bois, qui permet d’y garder les barriques et on a encore deux tiers de la surface qui sont disponibles. L’idée c’est d’avoir un lieu unique dans Bordeaux, avec possibilité d’accéder en voiture et stationner 80-90 voitures. La cible, c’est l’évènementiel d’entreprise, de convention, éventuellement des particuliers. On peut aussi envisager des choses exceptionnelles, exposition artistique, concert de musique classique, défilé de mode ou combat de boxe… L’objectif est d’accueillir au moins 25 à 30 évènements par an. Ça nous aidera à rembourser l’emprunt pour l’entrepôt. Et avoir ces évènements qu’on espère nombreux, ça va focaliser sur Moon Harbour et propager la bonne parole du whisky bordelais sur des clients qui ne seraient pas venus à l’origine. Donc faire de la communication permanente périphérique, quand même en lien avec le milieu du whisky.Ancienne citerne à carburant, dont les parois métalliques ont été démantelées en 1952. Crédit : DMQuels sont les objectifs de Moon Harbour à moyen terme ?C’est déjà d’arriver à l’horizon 2026-27 à un niveau de chiffre d’affaires capable d’écraser les charges fixes. L’année dernière, on a fait deux millions d’euros de chiffre d’affaires. C’est quand même une progression de 11% alors que le secteur des cavistes est en difficulté avec une baisse d’environ 20%. Mais ce n’est pas autant que je voulais. Je ne suis jamais satisfait, l’objectif fixé cette année aux commerciaux, c’est 30%. Pour le moment, on y est. Et on a pas mal de projets pour l’an prochain sur des produits plus liés à la mixologie. Ensuite il sera temps d’attaquer l’export de manière plus sérieuse. D’abord soyons forts sur notre territoire de prédilection, ensuite on pourra se déployer de façon plus organisée à l’international.Le site évènementiel Moon HarbourSitué sur le territoire du Grand Port Maritime de Bordeaux, qui a consenti une location sur 25 ans, le bunker exploité par Moon Harbour est un lieu chargé d’histoire. Il a été construit entre 1941 et 1943 par l’occupant allemand, qui souhaitait disposer d’une immense cuve de carburant - environ quatre millions de litres - afin d’approvisionner les submersibles stationnés dans la base sous-marine, à 300 mètres de là : 43 sous-marins, dont 9 avaient une fonction de ravitailleur en mer et embarquaient 700.000 litres à chaque voyage. « Une histoire un peu sordide, dont on veut faire une histoire solide », sourit Jean-Philippe Ballanger. Aujourd’hui, une partie du bunker accueille 600 barriques de whiskies en vieillissement. « Les six mètres d’épaisseur des murs en béton font que la part des anges est très basse. Et très peu de pertes d’eau aussi, donc pas besoin de remouiller », estime le dirigeant. Et 200m² sont désormais utilisés en lieu d’hospitalité, pour une capacité allant de 120 à 180 personnes selon les configurations.Moon HarbourSAS fondée en janvier 2014Siège social : BordeauxEffectif : une dizaine de personnesCA 2023 : environ 2 M€

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