Un métro ? Bordeaux Métropole veut en avoir le cœur net - Premium

Bordeaux Métropole s’y est engagée dans son Schéma des mobilités. Une étude prospective a donc été lancée sur l’opportunité d’un métro dans l’agglomération. Il s’agit déjà « de solder un passif et de tordre le cou aux idées reçues », pose Emmanuel Sallaberry, conseiller métropolitain délégué au suivi de cette analyse. « La seule étude sérieuse sur le sujet date de 1990, rappelle Clément Rossignol Puech, vice-président à la stratégie des mobilités et des mobilités alternatives, là c’est un travail à 300.000 euros, réalisé par Artelia, un spécialiste mondial qui a déjà fait des métros. » Il s’agit d’évaluer la faisabilité, qu’elle soit technique - même si ce point ne semble pas soulever d’impossibilité, tout étant affaire de coût - et donc financière. Sur ce dernier plan, pour l’heure, on raisonne encore à la grosse louche. On regarde du côté du voisin toulousain, à l’œuvre sur ce même sujet, et on compare. On a conscience que « moins un métro est souterrain, moins il est cher », souligne Emmanuel Sallaberry, même si la surface n’est envisageable que pour des tronçons relativement longs. Pour l’heure, il semble donc difficile d’envisager quelque chose à moins de 150 millions d’euros le kilomètre. Parlant ici d’un projet de ligne d’une vingtaine de kilomètres, le budget dépasserait les trois milliards d’euros. « C'est l'équivalent de ce que dépensera la Métropole pour les mobilités pendant tout le mandat en cours en investissement et en fonctionnement. On raisonne donc aussi à l’aune de ce qu’on ne ferait pas », indique la présidente de Bordeaux Métropole, Christine Bost, qui se dit « sans a priori, même si à titre personnel, je trouverais ça formidable qu’on ait un métro sur Bordeaux ».Opportunité, faisabilité technique et financière et donc soutenabilité du projet, sur son coût, mais aussi en matière d’impact du chantier. « On partirait sur 10 ans de travaux », cadre encore Clément Rossignol Puech. Même avec le choix de « longues interstations » et donc d’un nombre réduit de stations, la création de celles-ci suppose énormément de perturbations. « Il faut non seulement trouver du foncier disponible pour ces émergences, mais aussi pour tous les équipements de ventilation et c’est plutôt rare », ajoute Karine Mabillon, directrice générale des mobilités au sein de Bordeaux Métropole. Cette dernière dévoile les éléments significatifs de la première phase de cette étude. Cinq corridors, dont le périmètre est pour l’heure très large, ont émergé. « Ils ont de nombreux points communs, ils couvrent énormément de monde, des zones aux densités importantes, on regarde les grands générateurs donc ça suppose de passer par le centre-ville de Bordeaux et la gare Saint-Jean. Il faut relier les deux rives, les OIM et couvrir la portion rive droite de la ligne A, qui est la plus saturée », synthétise-t-elle.Cinq options, deux favoris et un challengerParmi ces cinq, un « outsider », dont le tracé dessert les quartiers existants le long des boulevards. Pas forcément le meilleur en termes de fréquentation potentielle mais d’actualité par rapport aux problématiques de cet axe de circulation, dont l’espace est très contraint. Cette possibilité ne semble pas avoir les faveurs du comité de pilotage et pouvoir entrer en seconde phase d’étude, malgré l’attrait que lui trouve Claude Mellier, vice-présidente aux grandes infrastructures de transport routières et ferroviaires : « il faudra continuer à réfléchir à ce corridor des boulevards, qui connecte le nord de la ville », plaide-t-elle. Les quatre autres « se ressemblent » et étonnent, en zigzaguant là où l’on imaginait des lignes droites et des courbes, synonymes de vitesse. « On peut faire comme ça, rassure Karine Mabillon, le métro est deux à trois fois plus rapide qu’un tramway, roule à 30 km/h voire plus et, par sa nature majoritairement souterraine, permet un tracé plus libre. »Au terme de cette première phase, le comité de pilotage propose au Bureau de Bordeaux Métropole de ramener le champ des possibles de cinq à deux. D’une part le corridor 2, « avec sa bonne couverture d’Euratlantique et du Sud ». Et d’autre part, le corridor 3 bis, « qui a été plébiscité, il coche un peu toutes les cases ». Cette décision devrait être entérinée le 23 mai prochain.Corridor 2 (en vert) et corridor 3 bis (en rose). Crédit : Bordeaux Métropole / Artelia.Suivra une analyse plus poussée sur les questions géotechniques et de sous-sol, « ainsi que sur les conditions d’insertion des stations qui restent un sujet très complexe », soulignent les services de Bordeaux Métropole. « Pour l’instant, on n’a démontré ni pertinence, ni faisabilité, on a juste identifié des tracés qui ont les meilleures chances d’y arriver », tempère encore Karine Mabillon. Au vu des résultats de phase 2, « et s’il est décidé de poursuivre l’étude, une évaluation société-économique et financière complète pourrait être conduite sur un seul des deux tracés étudiés », est-il indiqué.Un choix finalement politique ?Le champ des études va donc se restreindre jusqu’à la fin de l’été. En septembre, « le volet opportunité va revenir en force dans l’analyse. Si on ne fait pas le métro, à quoi vont ressembler nos transports à l’échéance 2040 ? », s’interroge Clément Rossignol Puech, qui rappelle les projets en cours sur le RER métropolitain, les bus et cars express ou encore « la robustification » du réseau de tramway. L’automne devrait ainsi permettre d’y voir plus clair sur l’estimation financière et socio-économique. « On fera tourner les modèles de schéma de déplacement, ce qui nous amène, fin 2024, sur un seul tracé. On ira plus loin si les études sont conclusives », indique Emmanuel Sallaberry. « On aura sérieusement exploré toutes les hypothèses, mesuré les forces et les faiblesses de chaque option et notre capacité à faire », dépassionne ainsi la présidente Christine Bost, qui rappelle qu’en la matière, « on ne parle pas de rentabilité financière mais sociale ».Cette possible ligne de métro devra ainsi attirer quelque 200.000 voyageurs par jour. « Tout ceci ne sera raisonnablement valable que si on attire de nouveaux voyageurs. Hormis les déplacements en voiture, cible prioritaire, il faut certes décongestionner les axes saturés, mais pas les vider de leur substance. Le report modal doit se faire dans le bon sens », complète encore Karine Mabillon. Si le processus va jusqu’au terme de la troisième phase d’étude, avec une option toujours en lice, le conseil métropolitain votera-t-il sans attendre ? « Si c’est possible de faire, alors on fera », répond la présidente de Bordeaux Métropole. Qui complète : « il est possible que ça soit un sujet de campagne ». Rappelons que la prochaine mandature débutera après les municipales de 2026. Emmanuel Sallaberry confirme à sa façon : « le métro n’est pas l’adversaire de qui que ce soit. Mais le réaliser obligera à faire des choix politiques ».

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