Résine de pin : BioGemme investit pour industrialiser le gemmage
Luc Leneveu présente les poches qui permettent de récolter la résine de pin des Landes. Crédits : BioGemme
C'est ce qu'on appelle le gemmage : à savoir, un geste qui blesse le pin et qui permet de récupérer sa résine. Une méthode qui s'est développée dans les Landes depuis plusieurs siècles et qui a été reprise par la société Holiste. À Biscarrosse, le département BioGemme a été implanté et depuis 2010, continue de croître. L'objectif désormais : investir dans une nouvelle machine qui pourrait lui permettre de doubler, voire tripler, les capacités de conditionnement de la résine. Explications.
Dans la forêt de Biscarrosse, on peut voir ici et là, des pins affublés de drôles de poches remplies d'un liquide doré, parfois laiteux. Il s'agit de la résine de pin, qui a été récoltée à partir d'un procédé ancestral : le gemmage. « La récolte de résine de pin dans les Landes se pratique depuis le Moyen-âge. À l'époque, la résine était distillée de manière à obtenir de la poix, une matière visqueuse et collante aux multiples usages. Depuis, de nouvelles propriétés de la résine ont été découvertes », explique Luc Leneveu, qui dirige le département BioGemme. Cette société, installée à Biscarrosse, est une branche du groupe Holiste, un laboratoire basé en Saône et Loire, spécialisé dans la santé globale. Sur site, les techniciens fabriquent puis commercialisent notamment un appareil dans le milieu de la santé intégrative : le Bol d'Air Jacquier. Concrètement, il s'agit d'un appareil qui optimise l’oxygénation de l’organisme.
Un outil qui, pour fonctionner, a besoin d'huile essentielle de térébenthine, un solvant naturel obtenu à partir de résine de pin. « Durant des années, nous avons récolté ce composant au Portugal, sur des pins maritimes. La méthode que nous utilisons s'appelle le gemmage : c’est un geste qui "blesse" le pin par une petite entaille pour qu’il fasse couler la résine. Cette résine, qui sert normalement à soigner l’arbre, est utile pour des nombreuses applications, en médecine notamment, mais c'est aussi un nettoyant », développe Luc Leneveu. Il ajoute que le gemmage est une méthode qui se veut respectueuse de l'environnement puisque tout se fait à la main. « Justement, nous avons voulu répondre à certaines exigences environnementales et, au-delà de la technique en elle-même, nous avons réfléchi à une manière de relocaliser nos récoltes et c'est vers la Nouvelle-Aquitaine que nous nous sommes tournés. Et pour cause : il y a ici une véritable économie autour de la résine de pin, puisqu'il a été implanté ici sur de très larges parcelles. »
Six années de R&D
Depuis des décennies, le gemmage n’a cessé de se développer : de nouvelles techniques de récolte et de ramassage ont été mises au point pour augmenter le rendement notamment. « Il y a encore quelques années, le procédé de récolte se faisait en pot. C'est une méthode qui fonctionnait bien mais qui demandait beaucoup de main d'œuvre, de temps et qui engendrait aussi un certain nombre de pertes. C'est aussi un procédé qui était en milieu ouvert et qui entraînait donc la présence d'impuretés », relate Luc Leneveu. « Ainsi, à notre démarrage, nous avons regardé ce que les anciens avaient pensé. Déjà, en 1920, certaines personnes avaient envisagé de récolter la résine en vase clos », raconte encore le responsable du département BioGemme. « C'est un procédé qui, à l'époque, n'a pas forcément pu se mettre en place par manque de moyens, de procédés mécaniques ou encore d'évolution technologique », estime t-il.
« De ce fait, nous nous sommes inspirés de ce procédé et en 2010, nous avons commencé à travailler sur ce projet. Ça nous a demandé six années de recherche et développement, en effectuant régulièrement une veille sur l'évolution des techniques et des machines. En 2011, j'ai finalement pu embaucher un premier saisonnier et développer notre méthode », raconte encore Luc Leneveu. « Aujourd'hui, nous utilisons des poches qui sont issues du commerce. Nous ne les avons pas créées. En revanche, nous avons créé un raccord qui s'adapte à l'outil et à la poche. Nous le fixons à l'écorce du pin. Ensuite, une fois qu'on a enlevé l'écorce, on applique un activant. Celui que nous avons mis au point est sans acide sulfurique, écologique et non toxique pour la faune ou la flore », affirme-t-il. Plusieurs années ont également été nécessaires pour développer ce produit. « Il a un rôle majeur pour obtenir les meilleurs rendements et diminuer le nombre de piques, c'est-à-dire, le nombre d'incisions dans l'arbre nécessaires pour faire couler la résine. » Un activant qui a été breveté en 2012 et qui devrait faire, cette année, l'objet de nouveaux essais. Le but de l'équipe : améliorer encore les rendements mais aussi le stockage.
Le processus de gemmage. Crédits : BioGemme
Tripler les capacités de conditionnement de la résine
Depuis, le département BioGemme s'est développé et l'équipe s'est agrandie. « Aujourd'hui nous sommes 30 personnes chez Holiste, avec un chiffre d'affaires qui a atteint les 3 millions d'euros. Nous avons trois personnes qui travaillent dans les Landes à temps plein. Pendant la saison, nous prenons des emplois saisonniers ou des auto-entrepreneurs. Il faut préciser que la récolte dure entre quatre mois et quatre mois et demi. » L'exploitation de la matière première se fait dans un rayon qui s'est étendu peu à peu mais qui reste proche de Biscarrosse, et notamment dans les environs de Mimizan, Sanguinet ou encore la Teste. « Notre rayon est limité parce que nous n'avons pas encore finalisé toute l'industrialisation des machines. Nous sommes donc limités sur un secteur qui nous permet de contrôler le coût », affirme Luc Leneveu.
« Ainsi, pour poursuivre notre développement, nous avons conçu une machine qui nous permet de récolter de la résine en fûts. Elle n'est pas encore mobile et c'est justement notre ambition : pouvoir la déplacer pour ensuite expédier les fûts directement chez notre distillateur : la société Biolandes. » Aujourd'hui, un bureau d'études travaille sur le sujet. « Ça fait 10 ans qu'on utilise la machine existante. Mais elle ne nous permet pas d'augmenter les quantités de résine récoltées par an. Nous sommes limités à 40 ou 50 tonnes. La nouvelle machine devrait nous permettre d'augmenter, voire de doubler ou tripler le conditionnement de la résine. Par la suite, il nous faudra ainsi doubler ou tripler le nombre de personnes et donc les surfaces de parcelles. La machine devrait être prête d'ici la fin de saison, courant septembre. » Un investissement conséquent mais nécessaire, selon Luc Leneveu et qui avoisine les 150.000 euros.
Holiste - Département BioGemme
Année de création : 2010
Implantation : Biscarrosse
NA en 2023 : 3 millions d'euros