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Matériaux de construction : quelle perception ont les élus locaux de l’industrie minérale ?

Écosystème
mercredi 22 mai 2024

En une vingtaine d'années, le nombre de carrières en Nouvelle-Aquitaine est passé de 900 à 500. Crédit : Unicem

Travail de longue haleine, le Schéma régional des carrières pourrait être signé en fin d’année. Ce document fixera pour les 12 prochaines années les conditions d’implantation des carrières. Quel regard ont les maires sur cette industrie, qu’ils comptent ou pas un site sur leur commune ? Pour le savoir, l’Unicem Nouvelle-Aquitaine a mené une grande enquête dont elle vient de dévoiler les résultats.

Initié en 2017, le Schéma régional des carrières (SRC) de Nouvelle-Aquitaine n’est pas encore finalisé. Si le travail s’est accéléré ces deux dernières années, le compte n’y est pas encore, selon l’Unicem (Union nationale des industries de carrières et matériaux de construction) de Nouvelle-Aquitaine. Laquelle a confié à l’institut Cohda la mission de mener une enquête sur la perception que les élus locaux ont de l’industrie minérale et des besoins à venir. 800 élus néoaquitains ont ainsi été interrogé au cours du premier semestre. Pourquoi les maires ? « Dans notre domaine, si les autorisations sont délivrées par le préfet, le maire constitue l’interlocuteur principal du carrier. Ils sont un relais important alors que les dossiers mettent au moins cinq ou six ans à aboutir », pose Jean-Claude Pouxviel, président de l’Unicem Nouvelle-Aquitaine. Lequel rappelle le poids de cette industrie dans la région : 340 entreprises, 8.300 emplois directs (35.000 indirects) et quelque 500 carrières. Un chiffre quasiment divisé par deux : il y avait 900 carrières au début des années 2000. Une évolution significative, alors que la Nouvelle-Aquitaine est la 2e région consommatrice de granulats en France (derrière Auvergne-Rhône-Alpes), avec des besoins annuels estimés à 40 millions de tonnes de granulats ainsi que 3 millions de tonnes de minéraux à usage industriel (69% pour la construction, 9% pour l’agriculture et l’agroalimentaire et 22% les autres industries). Sans compter les besoins liés à de gros chantiers type métro ou LGV.

Selon le SRC, les besoins devraient d’ailleurs rester stables lors des 12 prochaines années, chaque néoaquitain « consommant » en moyenne 6,8 tonnes de granulat. Il en faut 30.000 tonnes pour 1km d’autoroute, 100 à 300 tonnes pour un logement… À ce jour, la Nouvelle-Aquitaine est peu ou prou autosuffisante, même légèrement exportatrice. Derniers éléments de cadrage, les carrières régionales « consomment » 121 des 84.100 km² du territoire régional.


Jean-Claude Pouxviel (Unicem Nouvelle-Aquitaine), Laurent Richaud (Union des producteurs de granulats de Nouvelle-Aquitaine) et Alain Sanz (Association des maires de Nouvelle-Aquitaine. Crédit : DM

Evolution majeure à venir, le SRC sera opposable aux documents d’urbanisme des collectivités locales (PLUi, SCOT). Celles-ci devront identifier leurs besoins et analyser les moyens d’y répondre. « Le SRC se fonde sur plusieurs principes : s’assurer des ressources en qualité, quantité et diversité. C’est difficile voire impossible à traduire dans un schéma, tempère Laurent Richaud, président de l’Union des producteurs de granulats de Nouvelle-Aquitaine, là où on est d’accord, c’est de chercher les ressources à proximité de leur consommation. » Une considération d’importance, tant sur le modèle économique que sur l’impact carbone de cette ressource. En sortie de carrière, le granulat revient à un ou deux centimes le kilo. Mais le coût du transport de ce matériau pondéreux change considérablement la donne. « On considère que ce prix double tous les 40 à 50 km parcourus », éclaire Jean-Claude Pouxviel. Si le recyclage, issu de la déconstruction, tend par ailleurs à se développer, il ne couvre que 7 à 8% des besoins régionaux (17% en Gironde).

La présence d’une carrière donne un regard plus favorable

L’étude confiée à Cohda permet ainsi de réactualiser un précédent travail effectué en 2016, à l’échelle de l’Aquitaine. Globalement, les maires de la région « ont une bonne connaissance de l’activité des carrières et des besoins », estime-t-on au sein de l’Unicem Nouvelle-Aquitaine : 98% connaissent les types d’ouvrages auxquels sont destinés les matériaux extraits, 82% citent les routes, 61% les logements. 71% ont conscience que les besoins vont se maintenir dans les années à venir. Les maires sans carrière sur leur commune sont 68% à estimer qu’une carrière est une opportunité en termes d’emploi et 69% évoquent les ressources financières qu’une carrière génère pour une municipalité. « Les finances des collectivités locales sont mises à mal. Je suis maire de Rébénacq (ndlr, en Béarn), l’activité de la carrière apporte 30% de mon budget annuel de fonctionnement », illustre ainsi Alain Sanz, président de l’Association des maires de Nouvelle-Aquitaine.


Différences de perception avec ou sans carrière sur le territoire communal. Crédit : Unicem/Cohda.

Toujours selon cette étude, l’expérience d’une carrière dans la commune « facilite la perception des impacts liés à cette activité ». 64% (69% dans l’étude de 2016) des élus de communes sans carrière ont des craintes vis-à-vis d’un projet de carrière, « liées à l’environnement, aux riverains et au cadre de vie ». Des craintes « que n’ont pas les maires des communes avec carrière », rebondit aussitôt l’UNICEM : ils seraient ainsi 85% à déclarer que la carrière est une bonne chose pour leur commune. Plus de six maires de Nouvelle-Aquitaine sur dix pensent que les professionnels des carrières prennent en compte les enjeux environnementaux dans leur activité, une reconnaissance « encore plus forte » (79%) parmi les élus « expérimentés ».

Certains bassins bientôt déficitaires

« Dès 2030, certains bassins régionaux ne produiront pas assez localement, notamment autour de Bayonne, de La Rochelle et bien sûr de l’agglomération bordelaise, plus grosse consommatrice de minéraux en Gironde, où il n’y a plus de carrière alors que la ressource est présente. La vraie sobriété, ça serait la proximité. Il y a un vrai impact à réduire la distance parcourue par les granulats. Il faudrait plus de carrières, plus petites, sur le territoire », plaide le président régional de l’Unicem. « Le principe de simplification administrative ne semble pas prévaloir dans l’élaboration du SRC et la surenchère dans les procédures d’instruction, pour l’extension de carrières et à fortiori pour la création de nouveaux sites, est vaine au regard du cadre réglementé de l’activité même des carriers, déjà très surveillé par les services de l’Etat et organismes extérieurs indépendants », regrette encore Jean-Claude Pouxviel. Et d’évoquer les plus de 40 mesures existantes, opposables aux exploitants. « En l’état, le SRC ne va pas alléger nos contraintes », estime l'Unicem. Ce schéma, qui va bientôt faire l’objet d’une consultation du public, sera ensuite au centre de nouveaux échanges avec le préfet, en vue d’une adoption définitive vers la fin 2024.

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